lundi 19 septembre 2022

"Personnel et confidentiel": Daniel, un chanteur....d'opérette !Un charlatan de pacotille, un polichinelle de foire...

 


Les spectateurs pénètrent dans la salle Jeanne Laurent du TNS qui fera office de coulisses de théâtre et accèdent ainsi de façon fictive à la loge de la star de la soirée. En toute simplicité, une coupe de champagne à la main, le contre-ténor Daniel Gloger les accueille dans son univers feutré et relate sa journée, ses petits tracas, ses rêves et ambitions. Un homme qui va nous livrer les secrets de fabrication de son art: le chant. Du plus classique, vocalises, au plus farfelu, exercices savants de yoga et autres tactiques douces de réveil des cordes vocales et autres organes majeurs....Il occupe les lieux, cosy et accueillants, souhaite nous faire partager les aléas du métier mais demeure très préoccupé par son propre égo.Au dévoilement de l’intimité succède pourtant une certaine confusion : les confidences sur les difficultés du métier et de la vie en général s’enchaînent, le récit s’accélère, se fragmente… Est-on réellement maître de son destin ou n’est-ce qu’une illusion ? Telle est la question posée par le compositeur Kaj Duncan David et le metteur en scène Troels Primdahl dans cette étonnante opérette contemporaine.Et la réponse tombe à plat tant la mayonnaise ne prend pas et l'artiste tombe dans les écueils de l'autosatisfaction et de la complaisance...L'ennui surgit et les saynètes qui se succèdent restent creuses et vides de sens.Il agace et titille notre patience au point de s'en détacher et de songer à ce que d'autres auraient fait de ce beau sujet.L'empathie impossible malgré une volonté de séduire grandiloquente inutile et déplacée Donner de la voix n'est pas chose aisée, se raconter est un art périlleux auquel s’adonner est un "don de soi" réel et non simulé....


création française

performance | Daniel Gloger
composition | Kaj Duncan David
mise en scène | Troels Primdahl
technique | Michael Kunitsch
costumes | Radu Baias

Au TNS dans le cadre du festival MUSICA le 18 Septembre 

"Concerto pour clavier en ut mineur": panique à l'orchestre!

 


Tout commence par l'irruption d'un escogriffe qui harangue le public à propos de la musique, de la place de l'interprète au sein d'une formation et plein de petits détails du métier qui semblent n'être rien mais prennent des dimensions énormes! Jusqu'au rideau de scène devenu partition..C'est drôle, décapant, clownesque et plein de charme et Thibault Perriard excelle dans un jeu d'acteur comique très fin et malin qui donne le ton à la soirée! Puis là la manière d’un concert classique. la pianiste Eve Risser et l’orchestre La Sourde tentent d’interpréter un morceau de choix, le Concerto pour clavier en ut mineur de Carl Philip Emmanuel Bach. Mais les choses ne semblent pas aussi simples et prennent une tournure inattendue. Une micro société se constitue et chacun y cherche sa place: le percussionniste tente de dessous le rideau d'installer son dispositif par une savante gymnastique acrobatique de bon aloi et le comique-burlesque l'emporte sur le sérieux de la chose.En s’enchaînant, les mouvements musicaux laissent place à une tribu en pleine concertation : les musiciens se rassemblent et s’éclatent en groupes dispersés, l’improvisation prend le dessus et l’orchestre finit par devenir son propre chef. La musique se façonne, orthodoxe puis désordonnée, quasi anarchique pour mieux retomber sur ses pieds...La boutade est de mise et la formation disloquée, décomposée de ses musiciens en costume de gendarmes uniforme...Encore une marque de fabrique supplémentaire de la Sourde qui ose et nous étonne à chaque prestation!Au bout du compte, peut-être ne restera-t-il plus grand-chose de l’œuvre de C.P.E. Bach, tant elle aura été réduite, gonflée, multipliée, accélérée, ralentie… Un concerto au sens premier du terme — une dispute — dans lequel la musique s’écoute autant qu’elle se regarde.On ne se lasse pas d'observer toutes les péripéties de cette assemblée du désastre qui s’agite devant nous avec bonhomie et humour sans relâche.Tout est dit et "passe ton Bach" d'abord pour ne plus faire la Sourde oreille à la musique et ses secrets de fabrication collective!


musique et conception | Samuel Achache, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Eve Risser
d’après le Concerto pour clavier en ut mineur Wq. 43/4 de Carl Philipp Emanuel Bach

Orchestre La Sourde
piano | Eve Risser
batterie, percussions | Thibault Perriard
flûte | Anne Emmanuelle Davy
clarinettes et saxophones | Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert
trompettes | Olivier Laisney, Samuel Achache
cor | Nicolas Chedmail
violons | Marie Salvat, Boris Lamerand
violes de gambe | Étienne Floutier, Pauline Chiama
violoncelles | Gulrim Choi, Myrtille Hetzel
théorbe | Thibaut Roussel
contrebasses | Matthieu Bloch, Youen Cadiou
lumière | César Godefroy/Maël Fabre
costumes | Pauline Kieffer
peinture | Benoit Bonnemaison-Fitte



présenté avec l’Opéra national du Rhin et Jazzdor

coréalisation Musica, Opéra national du Rhin, Jazzdor
production déléguée Association R(e)V(e)R – Eve Risser
coproduction La Sourde – Samuel Achache, La Soufflerie à Rezé

Au conservatoire à Strasbourg le 18 Septembre dans le cadre du festival MUSICA

dimanche 18 septembre 2022

"Kaija dans le miroir": dans le rétroviseur des écritures intimes de Kaija Saariaho !

 


Kaija Saariaho est l’invitée d’honneur de cette 40e édition du festival. En partenariat avec ARTE, une grande soirée lui est consacrée dans l’écrin historique du Palais des fêtes de Strasbourg.

Préambule introductif:Les plus fidèles compagnons de création de Kaija Saariaho se réunissent pour saluer la carrière de la compositrice. Ce concert exceptionnel retrace le parcours de l’artiste à travers quelques-unes de ses pièces marquantes. De Nuits, adieux (1991) à Light still and moving (2016) se dessine l’éventail de métaphores visuelles de celle qui enfant déjà avait essayé de noter sur une feuille « des sons jaunes et nerveux ». Sonores et virtuelles, ces images sont ici mises en perspective de celles filmées par son amie et réalisatrice Anne Grange qui l’a suivie au cours des dernières années. Entre visions rêvées et témoignages, le public est invité à pénétrer dans l’intimité de l’atelier de la compositrice. Un concert, un documentaire vivant, un hommage à la créativité.

Très belle initiative que cet "hommage" à la compositrice "protéiforme" que de présenter en regard son environnement musical, ses lieux de vie et de création filmés et ces pièces courtes pour duo, solo ou petite formation, dessinant l'ampleur de son parcours et de sa créativité autant  que la singularité de son oeuvre déployée ici.

La soirée démarre par l'enregistrement des brouhahas de tous ses amis-partenaires comme une sorte d'inventaire sonore idéal: en quelques minutes une panoplie joyeuse et diffuse de voix, de relations, de rencontres...C'est "Love from afar" signé Nuria Gimenez-Comas  

 
 Light still and moving (2016) pour flûte et kantele démarre avec brio ce concert unique.Avec des pincements de cordes dans des gestes gracieux et délicats la musicienne manipule un instrument très "plastique", le "kantele" aux sonorité avoisinant clavecin et harpe...Une ambiance sylvestre se profile à l'écoute de la flûte sous toutes ses formes qui donne un ton sensible et joyeux à ce duo étincelant,frétillant, émouvant. Frissonnant et charmeur de serpent dans son aspect quasi exotique, ensorceleur à la Douanier Rousseau....Balade bucolique enjouée, frêle et légère promenade, calme et voluptueuse, savoureuse interprétation à déguster sans modération.

Die Aussicht (1996/2019) pour soprano et quatuor à cordes succède comme un écrin de cordes pour voix puissante dans des harmoniques hallucinantes.
Sept papillons (2000) pour violoncelle opère comme un solo intime lié au corps de son interprète dans cette solitude de sons vibrants, froissés, plissés et vibratiles.Quasi valse tourbillonnante ébauchée, les glissements de l'archet fourmillent de sonorités sombres et profondes.Comme une éclosion possible d'autres leitmotivs, empêchés par une composition serrée, soudée Parfois simulacre de habanera traçant des univers sonores multiples, au long court.Des doigts experts maniant les cordes vibratiles comme des fibres de musique magnétique et magique. Très beau duo entre instrument et interprète.

Changing Light (2002) pour soprano et violon se profile comme une déclamation "classique", la voix puissante de la chanteuse aux timbres colorés rentre en dialogue avec l'instrument à corde vibrantes comme celles nichées au creux de son être vivant.Très lyrique, l'écriture de ce duo se termine en une longue tenue suspendue dans le temps.

NoaNoa (1992) pour flûte et électronique est une sorte de mise en abime d'échos renforcée par l'électroacoustique qui prolonge le son de l'instrument à vent en réverbérations: comme autant de voix lointaines en tuilage.L'ambiance est spectrale, spatiale, aérienne, claire, à peine perturbée par l'émission de mots susurrés en fond d'espace. Autant de simulacres d'apparition-disparition d'ectoplasmes invisibles, de sons souterrains cavernicoles, les clochettes ajustant à cette atmosphère leurs tintinnabulement féérique...
  Et pour clore ce "récital" musical, Nuits, adieux (1991) pour quatuor vocal et électronique transporte au creux d'un choeur architectural où les sons tourbillonnent à l'envi.Des susurrements s'élèvent, se projettent, s'élancent dans une dynamique ascensionnelle remarquable.De beaux crescendos aigus dans des hauteurs sensibles et célestes pour des voix fantomatiques, présentes mais semblant désincarnées tant cette sorte de messe mystique prend au corps et élève les esprits à l'écoute.Des halètements au micro, des souffles en évanouissement, des montées en vocalise surprennent, enchantent.Une atmosphère sidérale et cosmique s'en détache, ténor et basse pour nous ramener à terre dans de beaux arrondis vocaux.Les effets de nombre électroacoustique démultiplié pour créer un choeur fictif impressionnant d'une vaste ampleur sous une voute minérale.

Alors que des films ponctuent cette rétrospective éclairée, confiant à notre curiosité autant les lieux de création de l'artiste, que sa fascination pour les astres, les arbres inconnus ainsi que "sa manie de mesurer le temps" sur l'établi de sa quotidienne autant que sur la partition! Tous les talents et facettes de Kajia Saariaho se dévoilent durant cette soirée inédite dotée d'un ultime solo de violon en prime pour mieux affirmer la finesse, la délicatesse et la rareté des compositions de l'artiste ici célébrée par le public avec respect et considération....

soprano | Faustine de Monès
flûtes | Camilla Hoitenga
violon | Aliisa Neige Barrière
kantele | Eija Kankaanranta
violoncelle | Anssi Karttunen 

Quatuor Ardeo
violons | Carole Petitdemange, Mi-Sa Yang
alto | Yuko Hara
violoncelle | Matthijs Broersma

Solistes du chœur de chambre du Palau de la Música
soprano et direction | Júlia Sesé Lara
mezzo-soprano | Mariona Llobera
ténor | Matthew Thomson
baryton | Joan Miquel Muñoz

composition électroacoustique | Núria Giménez-Comas
réalisation documentaire | Anne Grange
électronique | Jean-Baptiste Barrière


En deuxième partie de soirée, place aux Tres Coyotes. Les amis de toujours de Kaija Saariaho, le compositeur Magnus Lindberg et le violoncelliste Anssi Karttunen, se réunissent aux côtés de la légende John Paul Jones, bassiste du groupe Led Zeppelin. Un trio extraordinaire né des intérêts communs de ses membres : improviser librement, être à l’écoute, apprendre et découvrir, faire disparaître les frontières et migrer au-delà des idées préconçues. Comme ils l’expriment eux-mêmes, « dans ce monde où l’on bâtit des murs, où l’on dit aux personnes où elles peuvent se rendre et où elles ne le peuvent pas, les Tres Coyotes défendent une musique synonyme d’ouverture ».

Tres Coyotes
piano | Magnus Lindberg
violoncelle | Anssi Karttunen
basse | John Paul Jones

 Au Palais des Fêtes le samedi 17 Septembre dans le cadre du festival MUSICA en partenariat avec ARTE