samedi 24 septembre 2022

"Concert sur soi": Joachim Angster en toute intimité! Alto, prends garde à toi .....

 

"Musica convie auditeurs et auditrices à vivre un moment unique. Durant tout le festival, des concerts ont été dissimulés dans des lieux insolites ou normalement inaccessibles du centre-ville strasbourgeois. Des musiciens proposent une lecture du répertoire contemporain à travers plus d’une centaine d’oeuvres. Une expérience de l’intimité musicale qui, pour être vécue pleinement, est destinée à un public extrêmement réduit. Quant au mystère des lieux et du programme des concerts, il ne sera levé qu’au dernier moment…

Une cinquantaine de musiciens et musiciennes issus des formations invitées, d’ensembles locaux et de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg proposent une lecture du répertoire contemporain à travers plus d’une centaine d’œuvres. Une expérience de l’intimité musicale qui, pour être vécue pleinement, est destinée à un public extrêmement réduit. Quant au mystère des lieux et du programme des concerts, il ne sera levé qu’au dernier moment…

Le protocole est simple. Le spectateur choisit le créneau horaire qui lui convient, sans que ne lui soient dévoilés le lieu et le programme du concert. Une adresse lui est communiquée par SMS et email 48 heures avant la manifestation. Tous les lieux sont situés à Strasbourg même et ont été sélectionnés pour ne poser aucun problème d’accès. Sur place, à l’adresse et à l’horaire précisés, le spectateur est reçu et guidé par un agent d’accueil vêtu aux couleurs du festival."


 

Le lieu tenu secret jusqu'au bout de ce futur voyage intriguant où le "trac" de l'inconnu, de l'étranger, se fait au coeur de l'auditeur-spectateur d'un soir, d'un moment attendu. Voyeurisme, curiosité, tout semble animer celui ou celle convoquée à ce show unique, taillé sur mesure. C'est dans la salle Stravinski de l'ancien conservatoire de musique de Strasbourg que nous guide une charmante hôtesse identifiée Musica sur les marches du café du TNS...Suspens et petite anxiété ou enthousiasme de retrouver un lieu où 40 ans auparavant on y écoutait Françoise Kubler chanter Aperghis pour les premiers pas de l'Accroche Note...En robe rouge, gainée de voix déjà percutante et timbrée contemporaine!

 Un jeune musicien fait irruption sur la scène déserte dans ce théâtre vide aux fauteuils peuplés de spectres absents...Vision surréaliste et onirique, l'auditeur assis sur une chaise dans l'intimité de la relation à deux, face à face!Un violon-alto pour trois morceaux de choix en soliste...De Gyorgy Kurtag, avec une pièce courte "Signes, jeux et messages"à Gyorgy Ligeti et son "Sonate pour alto", il n'y a qu'un pas que franchit l'interprète du Philarmonique de Strasbourg, avec dextérité, virtuosité et bravoure.Les cordes menées à bout de leurs possibilité sous ses doigts agiles pleins de maitrise: oeuvres qu'il a choisies pour leur originalité, leur "modernisme" musical, leur rareté et complexité..Un choix judicieux qui éclaire les possibilités d'écriture musicale pour alto et réjouit le tympan, agile à restituer les harmoniques qui se dissolvent dans la finesse et l'extrême difficulté à reproduire des sons inouïs..La dernière pièce exécutée de Pascal Dusapin, extraite de "Inside" de 1980 fait figure de zénith, de "clou" de ce concert inédit. L'alto vibre, surprend, se plie aux caprices d'une partition pleine de didascalies, de notes d'intension de niveau, de timbres, de rythme....Un régal, le temps de cet échange inédit musicien-auditeur qui flatte quelque peu l'ego personnel de celui qui reçoit ce cadeau unique et ciblé pour le meilleur d'une écoute recueillie, intime, intense. Promesse d'une encore meilleure lecture d'autres oeuvres après cette leçon particulière de musique de premier choix. Joachim Angster et sa frêle silhouette tout en noir se pliant à cet exercice avec générosité, enthousiasme, éclairant de son "discours amoureux" les oeuvres interprétées devant et pour celui ou celle qui ose franchir les barrières du concert classique frontal, pour dériver sur le fil du danger de la rencontre, de la proximité: belle initiative du festival Musica pour faire se rapprocher acteur et auditeur dans le vaste champ de la musique! On quitte les couloirs, escaliers, salles de cours et rampe de fer aux diapasons sculptés, pour réintégrer le monde de la cité, le rêve encore plein les oreilles....

"Noir sur blanc" Heiner Goebbels et l'Ensemble Modern : du vent dans les voiles !Ghost save the music !


Noir sur blanc

Prologue:"Créé en 1996, Noir sur blanc (Schwarz auf Weiss) est un incontournable du théâtre musical. Avec pour fil rouge la parabole Ombre d’Edgar Allan Poe, Heiner Goebbels montre comment l’acte solitaire de création artistique est toujours aussi un acte d’invention collective.

L’action se situe hors du temps, dans la profondeur d’un passé antédiluvien — qui pourtant semble résonner avec notre inquiétant aujourd’hui. Un groupe de personnes, des hommes et des femmes, sans doute des survivants, se trouvent confinés dans un grand espace, peut-être un temple avec ses longues rangées de bancs. Derrière la porte d’airain, ils se croient protégés des catastrophes du monde extérieur. Ils jouent, ils boivent, ils chantent… jusqu’au moment où, soudain, une ombre apparaît sur le mur. De leur désœuvrement naît alors une action collective, tout d’abord désorganisée, mais qui semble peu à peu tendre vers un but commun. Lequel ?"

Ils sont déjà sur scène pour les uns, en costume de ville, assis sur des bancs en rangée, alignés et préparent leurs instruments. De dos alors qu'une voix murmure en off.Puis la scène se peuple, chacun rentre avec sa qualité de gestes, de déplacement et suggère un personnage.Ils jouent, de dos en rang serré, un rythme soutenu puis émigrent en grappe, jouent à la balle de tennis: joyeuse assemblée réunie pour se divertir. Un bruit continu de machine en fond d'atmosphère.Puis dans une belle accalmie après ce tsunami musical très ventilé de cuivres, de vents et autres trombones,se dresse en devant de scène un petit théâtre d'objets, une collection d'embouchures en étal, boutique fantasque, symbole de mémoire artisanale.Six panneaux en fond de scène laissent découvrir des ombres, des images de cité perdue.On songe à Kentridge dans ce défilé de silhouettes burlesques, à l'orchestre dégingandé, débridé de  Kusturika...

william kentridge

Trompette et trombone en majesté pour des soli remarquables de dramaturgie, de mise en scène imaginative et décalée On leur donnerait bien un "zéro de conduite" à ces guignols pas tristes de théâtre visuel et sonore.Un joli tintamarre en perspective s'installe, ponctué de jeu, de voix et de texte. Un solo de saxophone virtuose, digne de free-jazz se défoulant à l'envi pour donner le ton de ce concert décapant!Un échafaudage d'échelle, un panneau qui s'écroule pour mieux ventiler l'espace et faire voler les feuilles des partitions. Une marche collective, défilé-parade, de dos, efface les silhouettes, les rend spectrales.Une marche funèbre comique en diable.Un petit faune joue du pipeau devant sa bouilloire face à cette vision dantesque, enchanteresse, onirique à souhait.Un soupçon de référence à Bernstein et son "West side story" avec ses vents menaçants, plein de suspens et de couleurs sonores.Des simulacres de sons de goutte de pluie sur les cordes et corps des violons pour créer une ambiance étrange mais toujours rassurante Au pays des spectres et des ectoplasmes, le suaire n'est jamais blanc, le linceul jamais triste, plutôt évocation de gaieté, de réjouissance, de sobri-ébriété jouissive!C'est écrit noir sur blanc dans la partition à tiroir de cet opéra ludique plein de malice et de verve, éventée, cuivrée, le bec dans les anches et autres articulations instrumentales....


Epilogue:"L’Ensemble Modern est le protagoniste collectif de cette extraordinaire parabole donnée dans le monde entier avec un succès constant depuis vingt-cinq ans. Les 18 musiciens et musiciennes investissent la scène avec leurs instruments et la font vivre comme jamais auparavant. Pour Heiner Goebbels, il s’agissait d’explorer en profondeur le potentiel théâtral de la musique, mais aussi de façonner une allégorie de l’écriture et des voix multiples qui l’accompagnent. Sous la forme d’un manifeste pour l’invention partagée, le compositeur-metteur en scène déploie le cœur de sa vision : toute œuvre d’art est un héritage collectif et doit être reconnue comme tel.

Noir sur blanc n’a été donné en France qu’à deux occasions, au Festival d’automne à Paris en 1997 et à la Filature de Mulhouse en 1999. C’est donc une occasion unique de découvrir ce chef-d’œuvre du théâtre musical dans sa mise en scène originale."


Heiner Goebbels Noir sur blanc / Schwarz auf Weiss (1996)
spectacle pour dix-huit musiciens

conception, musique, direction et mise en scène | Heiner Goebbels
scénographie et lumière | Jean Kalman
costumes | Jasmin Andreae

Ensemble Modern
flûte, flûte piccolo, flûte basse | Dietmar Wiesner
hautbois d'amour, voix, didgeridoo | Cathy Milliken
clarinette | Jaan Bossier
saxophone, clarinette contrebasse | Matthias Stich
basson | Barbara Kehrig
cor, récitant, direction musicale | Franck Ollu
trompette, récitant | William Forman
trombone | Uwe Dierksen
clavicorde, harpe | Ueli Wiget
accordéon, échantilloneur, cymbalum | Hermann Kretzschmar
percussion, cymbalum | Rumi Ogawa
percussion | Rainer Römer
violon | Jagdish Mistry
violon | Megumi Kasakawa
alto, voix | Freya Ritts-Kirby
violoncelle | Eva Böcker
violoncelle | Michael Maria Kasper
contrebasse, e-basse | Paul Cannon 

vendredi 23 septembre 2022 au Maillon

 

vendredi 23 septembre 2022

"Discreet music": ça plane chez Eno !

 


Discreet music

Au milieu des années 1970, à mi-chemin entre l’avant-garde et la pop, Brian Eno posait les bases d’un nouveau genre musical, l’Ambient Music. Inspiré par la musique d’ameublement d’Erik Satie, la musique indéterminée de John Cage ou les drones de La Monte Young, il réalisait alors en studio une série de compositions fondées sur des processus formels stricts. L’impression d’une musique toujours à peu près la même et pourtant toujours différente nous plonge dans une écoute flottante, un état de conscience modifié propres aux musiques répétitives. Sous la direction artistique de Didier Aschour, l’Ensemble Dedalus propose une transposition instrumentale de quelques-uns des plus beaux titres de l’expérimentateur britannique.


Brian Eno
Discreet Music (1975) :le ton est donné avec le piano, compagnon de ce morceau hors norme: un leitmotiv envahissant, ascensionnel en reprise sempiternelle.La contrebasse s’immisce doucement dans ce maillage de notes égrenées à l'envi. Puis c'est au tour du xylophone-vibraphone de se glisser entre les notes, suivi des vents et cordes peu à peu.Cette lente et subtile addition, comme une accumulation savante de sons tuilés, se bordant, enrobant l'espace.L'amplification, le développement de ce motif, simple et enivrant, façonne l'opus dans une pureté des timbres rehaussée par l'acoustique vibrante et lumineuse de l'Eglise St Paul. Les auditeurs, allongés ou en position de méditation recueillie semblent bercés, apaisés par l'écoute de cette ode au calme, à l'évanescence de l'ether.Entêtant, persistant, les appuis et rebonds sonores font inflexions, pulsations régulières et mouvements de pliés, assemblés, chassés et détournés dignes d'un langage de danse classique reviisté.

Les oeuvres se succèdent indissociables...
Music for Airports (1978) : un must du genre sur le tarmac, embarquement immédiat pour survol aérienne, hors sol.Une longue tenue des cordes en introduction, envol et décollage vers des cieux prometteurs de paradis.Purgatoire oblige, calme et mystère comme ambiance globale.Le piano égrène ses notes, paisible, pondéré, douce et sensible référence acoustique.Dans une atmosphère lumineuse les perles de notes pianistiques rehaussant ce goutte à goutte délectable.Sur fond lisse, atonal, répétitif, minimaliste.Vents et piano comme des litanies, ondes et vagues sonores douces, enrobantes.Des inflexions votives comme mouvement aléatoire persistant.


Thursday Afternoon (1985):La sonorité inouïe des vents, saxophones à l'appui est reine et enchante.Symphonie relaxante, ambiance zen qui étire les sons et se répand sans cesse avec bonheur.De très belles intonations dans les graves de la part des trombones pour cette pesanteur solennelle édifiante. Telle une lente parade en hommage au temps, à la pondération.Les flûtes et clarinette, les cordes créent un univers lent, cortège qui passe sobrement comme une longue marche vers l'éternité.Eno en majesté dans un écrin acoustique idéal et pour un public nombreux, planant dans des sphères virtuelles de rêve.

Ensemble Dedalus
guitare, arrangements et direction artistique | Didier Aschour
flûte | Amélie Berson
clarinette | Laurent Bruttin
saxophone | Pierre-Stéphane Meugé
trompette | Christian Pruvost
trombone | Thierry Madiot
violon | Silvia Tarozzi
alto | Cyprien Busolini
contrebasse | Éric Chalan
piano | Denis Chouillet
vibraphone | Linda Edsjö
violoncelle | Deborah Walker

jeudi 22 septembre 2022 Église Saint-Paul dans le cadre du festival MUSICA