dimanche 25 septembre 2022

"La Construction du monde" de Georges Aperghis : la table diabolique de Merlin l'enchanteur!

La Construction du monde est une tentative de faire presque tout avec presque rien. Un retour aux sources pour le compositeur Georges Aperghis. Le percussionniste et comédien Richard Dubelski voit son champ d’action limité à un unique objet, une table, dont on saisit bien vite qu’elle est tout sauf ordinaire. Surprise…

Dans la "danso-thèque" de Pole Sud, aménagée pour l'occasion de plain-pied avec le dispositif scénique, sur des bancs, proches de l'artiste, le petit rituel démarre. L'autel, c'est une table magique, l'officiant, un acteur-comédien-musicien. Homme orchestre qui va manipuler moultes objets, et les rendre "sonnant et trébuchant" sans cesse animés par un rythme constant de facéties de manipulateur, prestidigitateur de sons. Des plumes caressées par le souffle de sa bouche, des doigts de bois, animés comme sur un clavier, des toupies tournoyantes, un serpent de tissu qui grimpe aux pieds de la table, véritable établi de maitre à faire résonner le quotidien magnifié! Un tissu qui se dérobe au rythme des mots et bribes de paroles séquencées à la Aperghis, presque "slamées" contemporain avec beaucoup de vélocité, de rapidité. Surprises des mimiques de ce malin et mutin manipulateur aux yeux étonnés et nous voilà transportés dans le monde sonore et visuel du maitre du théâtre musical...Richard Dubelski, fidèle compagnon de route du compositeur pour mieux servir cette dextérité étonnante, ces dissociations vertigineuses et virtuoses,ce phrasé inimitable de bribes de sons architecturés de main de maitre. Magicien très honnête ne cachant presque rien des secrets de fabrication sonore ses appeaux aux doigts surgissant de nulle part...Et ce gant blanc qui comme un petit oreiller vient accueillir le visage de l'interprète, pour mieux faire rêver le spectateur. Dans cette boutique fantasque à l'étal si joyeux, les toupies dansent et font des bruits d'avion, les oiseaux chantent, le monde s'agrandit...Et c'est un régal, comme un jeu d'enfant très complexe, toujours plein de charme, de finesse, de trouvailles sonores et visuelles enchanteuses. Une réplique en miniature de l'instrument permet d'observer et de manipuler certaines parties de la table, boite surprise, et l'on discute poésie-objet avec l'artiste encore illuminé de malice ......

Composition Georges Aperghis
percussionniste Richard Dubelski
scénographie Nina Bonardi

A Pole  Sud dans le cadre du festival mini musica

samedi 24 septembre 2022

"I dont' want to be an individual all on my own": Geneviève Murphy méta-morphique musicienne !



"La performeuse écossaise Genevieve Murphy se met elle-même en scène. Avec I don’t want to be an individual all on my own (Je ne veux pas être un individu isolé), elle cherche à établir une nouvelle relation avec le public centrée sur l’empathie et la curiosité pour l’inconnu. Son point de départ est une ordinaire fête d’anniversaire — plus précisément, la célébration de ses neuf ans, il y a une vingtaine d’années, dont elle avait elle-même composé la bande-son. Les spectateurs s’immiscent dans une tranche de vie familiale munis de casques d’écoute, à la manière d’une fiction radiophonique. Seule en scène, Genevieve Murphy réalise en direct tous les aspects de ce théâtre sonore mêlant récit de soi, poésie sonore, musique électro-pop et ASMR."

Elle invite d'emblée à rentrer en empathie avec son personnage, très présente et charnelle, joueuse de tout son corps musical: paroles et texte à l'appui, elle se fait conteuse de sa propre mémoire sensorielle. Déjà pour son premier anniversaire mis en scène, elle se souvient du rituel autant que de l'angoisse de ne pas réussir cette fête aussi sociale que ludique. Munis de casques on la suit ou la précède sans encombre, en sympathie et complicité sonore. Bruits et sons modulés, recherchés qui s’immiscent dans les tympans et deviennent sources de sens et de jouissance. Très sensuelle approche de bruits gourmands de bouche, de sons créés in situ en direct, dont on peut discerner la source: objets divers et variés à l'envi.Danseuse aussi pour son concours de danse de chaque année dont elle est victorieuse et vedette!Sous les néons de la scénographie, la voilà qui ondule, pop star enfantine et joviale...Des images impressionnantes de morphing du visage grimaçant à l'excès éclairé de façon à leurrer le spectateur: de la 3D ou de la réalité? Chorégraphie des traits, des lèvres, de la bouche pour un portrait à la Francis Bacon sans aucun doute. Le travail de Geneviève Murphy est direct et le médium du casque incruste dans les méandres du cerveau et de l'ossature  crânienne de belles et curieuses sensations phoniques. Amplification des timbres, subtilités des volumes, infimes aigus à percevoir pour le plaisir de l'écoute visuelle qui en découle.

Un travail à suivre pour une poursuite de cette exploration inédite autant des sons que des images: tel un "wildermann" sonore à la Charles Fréger, vêtu de bandes magnétiques froissées en boule,en tutu de circonstance pour un statuaire vintage de toute beauté!




concept, mise en scène et performance | Genevieve Murphy

"Marelle" de Benjamin Dupé




"Marelle / que les corps modulent ! est une pièce de concert dansée dont les interprètes sont des enfants, à la fois danseurs et musiciens. La scène prend la forme d’un atelier de lutherie en construction, modulé et habité par des corps énergiques et joueurs, à l’écoute d’eux-mêmes et de l’environnement. Une expérience artistique et sociale conçue par le compositeur Benjamin Dupé avec la collaboration du chorégraphe Étienne Fanteguzzi, ainsi qu’une douzaine d’enfants du quartier de la Meinau."

Un généreux moment de partage convivial et ludique parsemé d'embuches et de handicaps à franchir pour une expérience hors pair en compagnie de "performeurs" amateurs plein de talent et d'ingéniosité; au coeur d'un beau studio de danse professionnel sans doute impressionnant et auprès d'un public bienveillant, au sein d'un dispositif en carré.Public attentif à toutes les découvertes sonores investiguées: un élasto-clap inventé de toutes pièces, des verres frémissants et  tintant grâce à une perche magique manipulée de main de maitre.Des objets détournés pour devenir "sonnants et trébuchants", résonnant , sources de sons inédits émanant d'objets du quotidien. Un éveil corporel aussi pour ces jeunes protagonistes, danseurs en herbe, bons joueurs et acteurs le temps d'une représentation sans "fausse note" ni bavures sonores: au contraire, sans partition écrite, la musique se fait vive, curieuse avant de devenir "savante écriture" et instrumentale! 

Benjamin Dupé, Marelle / que les corps modulent ! (2022) - création mondiale

concept et musique | Benjamin Dupé
chorégraphie | Étienne Fanteguzzi
espace et dispositifs instrumentaux | Olivier Thomas, Benjamin Dupé
son | Julien Frénois