dimanche 27 novembre 2022

"Bachelard quartet": tête en l'air, pieds sur terre..."Imagine"...Si le métal m'était conté, hurlant d'images de BD....

 


Bachelard Quartet
rêverie sur les éléments à partir de l’œuvre de Gaston Bachelard


PRÉSENTÉ AVEC LE TJP

"Marguerite Bordat et Pierre Meunier proposent une immersion dans la pensée et le langage du philosophe-poète Gaston Bachelard (1884-1962), son enthousiasme et son émerveillement à l’égard des quatre éléments qui constituent la vie : terre, feu, air, eau. Dans un dispositif tri-frontal enceint de panneaux boisés, les spectateur·rice·s sont invité·e·s à se réunir comme autour d’un foyer, accueilli·e·s par l’acteur Pierre Meunier, la pianiste Jeanne Bleuse et le violoncelliste Matthew Sharp. Ensemble, se saisissant du pouvoir d’évocation du langage du philosophe et de la musique, elles·ils invitent à partager une « rêverie active », à retrouver une relation intime et vivante avec les éléments, propice au déploiement de l’imagination."

Les trois comédiens sont là, nous "toisent", mesurent les distances et les franchissent entre eux et le public, disposé en cercle autour d'eux, centrés dans l'arène du jeu: ambiance conviviale et chaleureuse autour d'un piano et d'un violoncelle, installés sur deux estrades cuivrées..Et oui, "abandonnez-vous", le temps de la représentation, murmure Pierre Meunier à l'oreille d'un spectateur docile...Le violoncelle démarre, sourit de plaisir sous les doigts de Matthew Sharp qui semble aux anges.Son visage s'étonne, s'émerveille et ponctue d'expressions et de mimiques peu à peu le texte de Pierre Meunier qui s'égrène. L' "imagination" au pouvoir, leitmotiv de cette opus singulier fabriqué à partir des textes de Bachelard sur les quatre éléments fondamentaux de la vie et de la philosophie de ce penseur prolixe.Un petit manège de bris de verre pour lanterne, lampe magique, dance-floor pour  plafond étoilé.Tout sera passé au crible, au tamis ou à la moulinette : réflexion sur le dur, le mou, le "buvard de l'enfant" qui éponge et boit les taches, le métal et l'enclume qui résonne, sublime et sensuel substantif évocateur de bruits singuliers.La musique se fond avec les mots: au piano Jeanne Bleuse, inspirée par toute une ambiance de morceaux choisis du côté de la musique du XXème siècle, riche en harmonies, en ambiance et univers sonores.Les mots du poète-philosophe sont mêlés aux airs de Bartók, Meredith Monk, Messiaen ou Mendelssohn, réinterprétés par la pianiste Jeanne Bleuse et le violoncelliste Matthew Sharp.La musique convoque la matière des mots, la transcende et notre imagination circule, se balade au gré de toutes ces évocations sensibles, sensitives, sensuelles.La brutalité de la pierre et du marteau  la blesse de sa propre chair lapidaire, lithogravure du son.Le marteau, sans maitre joue avec cloche, voix, frappes de pieds et tambourin comme dans un orchestre tonitruant et intime bien chambré; l'onirisme du travail surgit dans ces fumerolles volcaniques, comme les couloirs des égouts que voudrait habiter le violoncelliste...Dans un jeu complexe et malin, les comédiens jouent duo et trio très inspirés, portés par la musique omniprésente.Meunier joue avec des fils suspendus et portant des pendules lourds et sonnant sous la pression de ses doigts.Rémouleur en rémoulade, Devos des sons et des mots, le voici habité, imprégné du texte de Bachelard que l'on redécouvre, riche, évocateur, humoristique, inventif et abordable!Un enfant "hors sol" tout propre et sans contact avec la terre,éduqué sans ce fatras de poésie serait bien indigent.Les sen,s en éveil, le spectacle va bon train, émeut, dérange et déplace, décale, décadre à l'envi les poncifs et apriori de l'existence formatée Joyeux délire, relativement sage portant.Le marteau, l'enclume sans la faucille ni le maitre à danser, compas dans l'oeil oblige.Des déclics et des claques à l'académisme de la pensée.Mounier fait feu de tout bois en caressant les mots, frottant les matières pour en faire surgir la flamme ou l'éther, l'eau ou la terre nourricière.Le corps d'un ivrogne imprégné d'alcool s'y embrasse, s'enflamme bordé d'une musique volcanique éruptive et salvatrice.Les mots monosyllabiques pour évoquer l'efficacité des langues étrangères: un "jetz"sublime les sens et l'eau dormante à la vie très agitée inonde les tonalités d'un volatile dans un "cortile" italien de basse-cour fort évocateur. Tout est imagine, imaginaire et l'imago dans ce riche bercail, cette ménagerie de verres qui sonnent dans un coup de tremblement de terre tellurique des plus résonant!Et quand "La mort du cygne" de Saint Sens fait irruption sonore, c'est à l'eau du lac des signes que l'on songe, rendez-vous de l'imaginaire collectif qui fait surface et nous submerge.La scène tournante pour une plaque tournante, ère secondaire de chemin de  halage, aire de jeu qui n'en à pas l'air.L'âme du poète Bachelard erre et prend l'air dans cette évocation très fouillée, recherchée, fruit d'un travail de complice, de connivence et de résonance musicale. Jamais Pierre Mounier et Marguerite Bordat ne se sont tant pliés à la musicalité d'un texte, d'univers bigarrés jamais monochromes, déjantés sans excès: le "hors-sol"si ré les a mi la.....Et la rivière de couler des jours heureux....
On termine le spectacle en partageant le verre de la convivialité, un cocktail percutant de rhum comme brasier dans ce foyer cendré, encore fumant des scories de la lave: va- t-on nous aussi nous embraser chaleureusement pour un échange fraternel, matière à rire et à pleurer de toute l'eau de nos corps immergés sur cette terre..? Ce trèfle à trois feuilles


Depuis 2012, Marguerite Bordat et Pierre Meunier dirigent ensemble La Belle Meunière (compagnie fondée en 1992 par Pierre Meunier). Les spectateur·rice·s strasbourgeois·e·s ont pu voir, au TNS, Au milieu du désordre en 2009, Sexamor en 2010, Du fond des gorges en 2012, et, au TJP, Forbidden di sporgersi en 2015, La Vase en 2018 et Securilif© en 2019. La Belle Meunière s’associe ici à la Cie Frotter / Frapper, dirigée par la violoncelliste Noémi Boutin qui signe, avec la pianiste Jeanne Bleuse, la direction musicale du spectacle.


samedi 26 novembre 2022

"La Neuvième Symphonie", Symphonie N°9 en ré majeur" de Gustav Mahler: un chiffre mythique qui porte Malher.

 


La Neuvième est l’œuvre des malentendus : c’est la dernière symphonie achevée par Mahler, certes, mais elle a été écrite au moment où le compositeur commençait à surmonter ses démons pour entamer une nouvelle vie. On oublie souvent la moitié de ce qu’en disait Alban Berg : « Le premier mouvement est ce que Mahler a fait de plus extraordinaire », mais aussi : « J’y vois l’expression d’un amour exceptionnel pour cette terre, le désir d’y vivre en paix, d’y jouir pleinement des ressources de la nature. » À l’heure où Schoenberg affirme la mort de la grande forme, Mahler croit plus que jamais aux pouvoirs de la symphonie et livre, avec la Neuvième, une partition où se conjuguent folie et sérénité.

 "La neuvième symphonie" ou l'orchestre éclaté" confie en prologue Mathieu Schneider:une Neuvième symphonie n’est jamais anodine. Après Beethoven, Schubert et Bruckner, Mahler n’échappe pas à la règle. De nombreux éléments y rappellent les symphonies précédentes, mais éclatés. Comme vus à travers le prisme du temps, ou d’une ironie mordante. Ce discours est-il celui d’une nouvelle modernité ? Ou le signe d’un monde en décadence ?

Et c'est l'événement tant attendu de cette saison!L'orchestre au grand complet pour cet opus de légende peuplé de la complexité de nos émotions et de nos états d'âme. Mahler y décrit l'être humain avec ses bassesses et sa grandeur, ses doutes et sa foi..Le temps de quatre mouvements. Il faut ici souligner l'extrême rigueur du chef, Vassili Sinaiski qui sait révéler chaque instrument, discrètement introduit dans la globalité de la musique orchestrale, donnant à chacun sa place, son timbre souvent détourné, méconnaissable. C'est un don, une qualité de geste de direction non égalée: pour faire des interprètes des anti-solistes, loin de la performance et si près de l'émotion issue de cette façon de mettre au grand jour les talents de chacun. Il en va des flutes dont un piccolo comme des deux harpes, des hautbois dont le cor anglais, des clarinettes dont une basse, des bassons dont un contrebasson....Beaucoup de diversité dans cette homogénéité, parsemée de troubles sonores qui intriguent, éveillent la curiosité des résonances, stimule l'écoute permanente de toutes ces variations: riches, lumineuses, attractives sonorités inédites.Souffrance physique du compositeur évoquée, proche de la mort, souffrance morale et spirituelle Deux mouvements lents jouissant d'une expression de l'amour de cette terre, deux autres pour l'expression de la mort qui a hanté toute l'existence du compositeur. La preuve par le chiffre 9 qui le poursuit que la prémonition, le destin, la prédestination ne lui font pas baisser les bras, ni l'imagination si prolixe et fertile Les silences ici prennent une ampleur disproportionnée à l'écoute qui calme la donne, respirent l'inspiration et le souffle de la création. L'écoute s'y maintient, vigilante et active, pleine de suspens et de suspension en apnée.Chaos et accalmie s'y succèdent dans une fougue, un volume ou une amplitude calculée pour rehausser la dramaturgie.Omniprésente musicalité qui vacille, hésite ou s'affirme selon le volume donné.Berceuse égarée dans un maelstrom sonore ou soupir, chant d'oiseau qui s’immiscent dans la partition...Cataclysme annoncé par le rythme cardiaque, tonique ou s'affaiblissant."Comme un lourd cortège funèbre"écrit pour célébrer la mort de l'ère tonale.Schönberg, Berg, Webern, pour contempler plus tard,cette écriture qui étire le temps à loisir.Les danses du second mouvement pour vivifier ces emprunts  rythmiques puisés dans les folklores d'Europe Centrale, polyphonies du monde sonore,bruits de l'environnement...L'exploration harmonique dépasse les frontières de la tonalité, la richesse de cette furie musicale, émeut, déplace, dérange.Le final, tout en douceur et lenteur bouleverse les codes et la spiritualité s'en trouve grandie, magnifiée. Une véritable plongée dans l’univers musical du compositeur, qui a toujours eu à cœur de traduire la complexité des émotions humaines. Et pour cause, ayant vécu plusieurs drames successifs, Mahler la compose à un tournant de sa vie.

L'Orchestre Philharmonique en grande forme pour restituer sous la baguette d'un chef remarquable, l'authenticité d'une oeuvre qui fait songer à un univers inexploré à redécouvrir à chaque écoute, chaque vibration des instruments si richement magnifiés sans exagérer leur place dans l'orchestre.


Vassili SINAÏSKI direction 

Au PMC le 25 Novembre par l'orchestre philharmonique de Strasbourg

vendredi 25 novembre 2022

"Les cueilleuses de rosée": suivez votre lumière! L'inauguration des festivités de Noel de Sélestat, illuminée par la Danse.

 


Spectacle nocturne féerique, conté, dansé, chanté
 
A l'occasion de l'inauguration du "Marché de Noel" de Sélestat, une belle et généreuse initiative que d'avoir inviter ce spectacle de la Compagnie Lilou, basée à Montluçon!Cet opus festif et grand public, soutenu par un univers musical, alterne entre chorégraphies, conte, chants lyriques, effets de lumière et pyrotechnies. 
 


A travers une histoire inspirée par l’alchimie du monde, une échassière conteuse, et deux jolies petites fées danseuses suscitent la curiosité et l’émerveillement. Dans un mélange hypnotique de courbes et d’ondes opalines, ces gardiennes de lucioles, apportent poésie, féminité et féerie.
 
 Et l'on déguste dans le froid, en plein air, la magie d'une énorme bulle translucide habitée par d'étranges personnages, alors qu'une femme montée sur échasses,vêtue d'atours fantastiques de conte de fée alterne conte et chant, narration à suspens et voix profonde, au timbre assuré et chaleureux. De belles vocalises enivrantes pour ouvrir les portes d'un univers fantastique, mystérieux, intriguant. Font apparition dans de merveilleux costumes rêvés, longs tutus romantiques parsemés de lucioles fluorescentes, deux danseuses, malines et mutines fées, souriantes, partageuses. Les regards complices, les yeux écarquillés de sympathie envers les jeunes enfants en bord de piste de jeu...Un bel échange...Une scène phare: les deux personnages déplient un long tissus blanc, issu d'un bac, comme celui d'une lessiveuse ou bassine magique.Les gestes de la chorégraphie, classiques, gracieux, virevoltant en course folle autour de la conteuse. Quelques arabesques, puis une apparition magnifique; de grandes ailes dorées, voiles à la Loie Fuller, longues perches prolongeant leurs bras comme des ailes, parures dorées, battant au vent! Piège de lumières pour papillons magnétiques.Diadèmes, couronnes de lumières sur le front. Les silhouettes se découpent en ombres portées, font comme une suite de séquences de théâtre d'ombres.. C'est beau et simple, sobre et expressif, "bon-enfant", partageux. Quand des feux d’artifice viennent comme des salves, illuminer la scène qui se pare alors de feux follets, de gerbes tectoniques de lumières pulsées...Beau et bon spectacle, opéra d'hiver, légende et récit pour conter la nécessité d'éclairer nos esprits comme au "Siècle des Lumières"...Sélestat, vivante et lumineuse citée, ce soir là, magnifiée sur la place du square Ehm par la danse, le chant et les éclairages festifs. Charlotte Dambach, rayonnante danseuse-interprète, pleine de grâce, de légèreté, le regard captif et vif, tendresse et douceur esquissées en direction du public, très proche et réceptif. Et la rosée du crépuscule du soir de se poser sur nos rêves....
 
A Sélestat le vendredi 25 Novembre.
 

La Compagnie de Lilou

La Compagnie de Lilou est née en octobre 2005 à Montluçon. Elle a pour but la création, la production et la diffusion de spectacles de rue et de grands intérieurs, scénarisé et mis en musique.
Marie Vanhonnacker-Damet, Directrice artistique, et Alain Damet, régisseur, sont les deux principaux salariés de la Compagnie.
Tous deux se sont installés à Saint-Angel il y a quelques années. C’est la qu’ils se ressourcent, qu’ils créent et font un travail de production. “Notre plaisir d’artiste est celui du jeu et de la transmission. Nous souhaitons être des passeurs de rêves, d’imaginaire qui nous grandissent et nous préservent”.