jeudi 16 mars 2023

"Candide" de Léonard Bernstein: Pangloss, Cunégonde, Candide et les autres....Bernstein s'amuse....

 


Strasbourg Palais universitaire de Strasbourg Dates 15 17 19 mars 2023


En partenariat avec La Filature – Scène nationale de Mulhouse et avec le Service de l’action culturelle de l’Université de Strasbourg, dans le cadre de la programmation anniversaire de son dispositif Carte culture.

Direction musicale Samy Rachid Opéra Studio de l'Opéra national du Rhin, Chœur de l'Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse

Pangloss et Martin Lambert Wilson Candide Damian Arnold Cunégonde Floriane Derthe La Vieille Dame Liying Yang Maximilien Oleg Volkov Paquette Brenda Poupard Le Capitaine Andrei Maksimov Le Gouverneur Glen Cunningham Vanderdendur Iannis Gaussin

Comédie musicale en deux actes.
Livret de Lillian Hellman et Richard Wilbur, avec Hugh Wheeler, John Treville Latouche, Dorothy Parker et Stephen Sondheim. Créée le 1er décembre 1956 au Martin Beck Theatre à New York. Version de concert.

« Tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles. » Ainsi parle Pangloss à son disciple Candide pour l'encourager sur les chemins de l'optimisme. Il faut dire que la vie est plutôt douce à la cour du baron de Thunder-ten-tronckh. Mais voilà Candide bientôt arraché de ce coin de paradis après avoir échangé un baiser innocent avec la belle Cunégonde. Mis à la porte du château, il découvre la guerre et entame un périple autour du monde, de Lisbonne à Buenos Aires, en passant par Paris, Venise et l'Eldorado. De déconvenues en mésaventures, le malheureux voit les grands principes de Pangloss se fissurer à l'épreuve de l'expérience. Il en viendrait presque à délaisser les sirènes de la métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie pour cultiver son jardin...
Avec Candide (1759), Voltaire raille joyeusement l'optimisme aveugle et les travers de la société occidentale avec un sens de l'ironie et un comique de situation qui annoncent déjà le théâtre de l'absurde. Mis en musique par Bernstein un an avant West Side Story, ce conte philosophique devient progressivement un classique de la comédie musicale américaine, porté par son ouverture et l'air des bijoux de Cunégonde, le pyrotechnique « Glitter and Be Gay ». Lambert Wilson prête sa voix au philosophe Pangloss et emporte avec lui la troupe des jeunes chanteurs de l'Opéra Studio dans un réjouissant voyage en absurdie.

En tout démarre par une belle introduction du Président de l'UDS Unistra Michel Deneken l'occasion de cette "fête" pour célébrer avec les étudiants, les 30 ans de la carte culture, dispositif qui fédère les institutions pour fidéliser les jeunes à l'art et ses monstrations diverses! Hommage à la "jeunesse", à l'enthousiasme, ce qui nous porte et transporte en commun dans des mondes parallèles tout à fait fréquentables.

Alors en avant pour le chantre de l'optimisme pour une écoute exceptionnelle au Palais Universitaire, transformé pour l'occasion en salle de spectacle impériale...Le directeur de l'Opéra du Rhin, Alain Perroux,complice de ce challenge technique et artistique comme partenaire idéal !

Un opéra comique, opérette idéale bordée de références à des univers musicaux proches du "genre": ainsi  se promènent à travers la partition des chants, du choeur et de l'orchestre, des bribes mozartiennes, un peu de Lenhart,un peu de Bernstein style West side Story dans les introductions à suspense, les silences percutants, les pauses parlées. 


Lambert Wilson en maitre de cérémonie, un conteur-lecteur idéal doté d'une diction, d'une élocution hors pair: incarnant un Pangloss, comédien et personnage versatile de toute beauté. Il chante bien sur, aisé, performeur de charme en compagnie des "jeunes voix" de l'Opéra Studio, solidaire et laissant la place à ces chanteurs-comédiens, engagés, séduisants, convaincants. A la façon d'un Pygmalion bienveillant...Notons l'interprétation maline, coquine de Floriane Derthe, en Cunégonde à la technique vocale irréprochable, ne contournant aucune difficulté, enracinée et débordante d'authenticité. Moulée dans une robe scintillante, elle donne à entendre et voir ce personnage clef de l'intrigue, des rebondissements et coups de théâtre multiples de cette fable fondatrice. Elle se comporte face aux événements rocambolesques qui ponctuent la narration et la musique, avec aisance et abordant les contre-Mi bémol avec décontraction, désinvolture et sans filet. Les autres se partagent le devant de scène frontal, Candide, Damian Arnold,adorable "jeune homme" éperdu et transi, la vieille Dame, Liying Yang, drôle et solide, pleine d'humour et de détachement: bref, des interprètes aguerris, lyriques à la solide formation qui prennent la scène pour cette version concertante avec un jeu pertinent, sobre et fort éloquent. L'Orchestre portant cette légende de littérature philosophique comme un berceau musical où les références parfois à la Carmina Burana du choeur font basculer dans tous les espaces de navigation géographique de cet opus incongru."Candide" comme une ode à la fantaisie, à la voix, au récit et aux aventures inénarrables d'un microcosme qui prend des proportions de résonances gigantesques. Le chef Samy Rachid à la baguette, souple, rebondissant, le corps engagé dans cette musicalité fantasque de haute volée, défiant les embuscades et embuches d'une partition versatile, d'une composition sonore complexe et ravissante !

Une fête à partager avec la jeunesse estudiantine et les officiels réunis à cette occasion pour que la sacro sainte culture descende de son socle, de son piédestal pour être abordée sur les marches du Palais sans dérouler le tapis rouge.

mercredi 15 mars 2023

"Actuelles" : "Une rose au milieu des ruines" : le tour du monde de la voix de Warda...Des "dé-orientés" avec boussole , cap et repères de navigation- cabotage.

 


CINQ SOIRÉES DE LECTURES A ECOUTER, VOIR, SAVOURER

Actuelles est un temps fort proposé par le TAPS autour de l’écriture du théâtre d’aujourd’hui.

Cinq textes de théâtre actuel sont sélectionnées par les artistes associé·s au TAPS, Pauline Leurent et Logan Person, et le comité de lecture du TAPS. Ces textes sont ensuite lus et mis en musique par des artistes de la région (comédien.nes, musicien.nes, directeur.trices de lecture) lors de cinq soirées uniques.
Chaque soir, le public prend place au sein d’une scénographie qui privilégie la proximité avec les artistes, inventée par des étudiant·es de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR).
La créatrice culinaire Johanna Kaufmann concocte des mises en bouches inspirées par les textes et dégustées à la fin du spectacle lors d’un échange entre le public, les auteur.trices et l’équipe artistique.

Du 14 au 18 mars 2023, 20h30, au TAPS Laiterie
Tarif unique 8 € – Pass 5 soirées 25 €


Dans ce long poème dramatique, empreint de mélancolie, l'idole transgénérationnelle représente la femme aimée perdue, la mère patrie, celle qui contient dans sa voix, la promesse de jours meilleurs.

Amar, jeune égyptien, réfugié politique, essaie de retrouver l’amour et l’espoir dans les bras de son amante, Elsa, dans une chambre d’hôtel en écoutant de la musique arabe.Nejma, une jeune palestinienne venue en France pour faire des études de médecine, rêve de participer à un télécrochet et chanter les chants patriotiques de son idole.Saci, un chibani algérien, tue le temps et l’amertume depuis la mort de son épouse, en repassant en boucle la chanson de leur amour.Issam, jeune exilé syrien, parcourt la ville à la recherche d’un lecteur CD pour écouter la chanson préférée de sa fiancée, Sana.

Quatre personnages arabes, tous éprouvés par l’exil et la douleur de voir le monde arabe s’effondrer, se raccrochent à un univers culturel intime qu’ils convoquent en écoutant la musique de la diva Warda-al-Jazaïria.

La scène de la salle des TAPS Laiterie est transformée à l'occasion: huit laies de voile ou toile blanche sont suspendus, comme des fantômes ou personnages qui vont parfois masquer, occulter la présence de cinq comédiens-ennes-. Assis où campés sur un amas de ruines, briques ébréchées et confettis de cendre noire, comme autant de vestiges d'un passé-présent-et avenir de ces populations d'exilés, de migrants qui peuplent le monde arabe et les pays environnants du moyen orient. Dé-s-orientés, ces personnes là qui pourtant prônent "l'amour arabe", l'amour de la culture arabe..Peu à peu se profilent des caractères, inquiets, amoureux, généreux, rêveurs. Un père, incarné brillamment par Frédéric Solunto à la voix qui porte et très nuancée, contrastée, chérit sa fille qui ne songe qu'à chanter pour vivre, se libérer, exister à la façon de Warda, la diva emblématique du chant d'espoir, de vie, de chaleur. C'est touchant, émouvant et la musique live de Sarah Jamali, s'ouvre délicatement dans une attente jouissive comme les préambules amoureux, les préliminaires de la musique même de la grande chanteuse. Petit à petit se révèlent toutes les thématiques abordées sans militantisme dans la discrétion, la suggestion de toutes les facettes de la douleur, de la mélancolie sans nostalgie de valeurs perdues. La perte comme un gain, un regain de joie, de réalisme pour bâtir à nouveau sur des bases nouvelles à inventer. Le texte est sobre, la langue efficace et sans fioritures, et avec empathie on croise chacun d'eux avec intérêt, curiosité et découverte de singulières destinées. Aux consoles la musicienne semble orchestrer, unir et fédérer ces hommes et femmes vouées au "déplacement" au "soulèvement" à la Didi Huberman..(qui fut une exposition transdisciplinaire sur le thème des émotions collectives, des événements ...) Les corps se soulèvent et ne se "révoltent" pas sans raison organique et émotionnelle....Comme une danse libre et volontaire, un aveu de chorus unissant les énergies pour construire et s'identifier sans haine ni regrets.

On rejoint les questions politiques par le biais de la poésie et de la gourmandise: à cet effet l'autrice cuisinière Johanna Kaufmann  ne fait qu'une "bouchée" de cet univers craquant plein de fragrances, de saveurs miellées, douces et quelque peu "Madeleine de Proust"; sur sa petite lunch-box confectionnée "maison" est écrit: "mange mon enfant, mange, tant qu'il en est encore temps"! Tout y serait résumé tant ce partage d'émotions collectives lors de cette lecture incarnée, écoutée et déroulée avec passion, nous fait adhérer à un inconscient collectif fort et authentique..."Keine Rose ohne Dornen".....

 

Directrice de lecture : Houaria Kaidari

Musicienne : Sarah Jamali

Scénographie (HEAR) : Alwena Le-Bouill, Gildas Chambard, Noa Jacquin, Hinda Rezgui

Comédien.nes : Kadir Ersoy, Sarah Ouazana, Marie Paillat, Frédéric Solunto, Najim Ziani

 

samedi 11 mars 2023

"Mary Poppins": ciné concert: éblouissante version musicale d'une épopée cinémato-chorégraphique de haute voltige.


Film 
Robert Stevenson (États-Unis, 1964)
Musique Richard M.Sherman et Robert B.Sherman
 


Distribution
Dirk BROSSÉ direction
Lieu
Palais de la Musique et des Congrès les 10 et 11 Mars


Cinq fois récompensé aux Oscars, notamment pour la meilleure musique originale, Mary Poppins reste l’une des références du film musical. Soixante ans après sa sortie, ce classique des films Disney est présenté en ciné-concert : l’occasion de redécouvrir en famille cette comédie musicale aux thèmes intemporels.Un régal de redécouvrir ce chef d’œuvre du film d'animation et d'incrustation de première génération. Avec en régalade l'orchestration magistrale en "live" de la musique originale intégrale. Il faut dire que l’exercice est périlleux et redoutable tant la métrique, le rythme des images imperturbable dans le temps doit être maitrisé au millimètre près! Un métronome et un "mètre-maitre à danser" de haute précision. Défi largement assuré et assumé par l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg qui semblait ce soir là jubiler et se délecter par cette pratique incongrue et originale. Les séquences se succèdent rythmiquement domptées entre temps du film, images et musique exécutée en direct. On se plait à retrouver la danse des pingouins, entre imagerie très "Walt Disney" et images réelles. De toute actualité graphique qui n'a pas pris une ride tant l'efficacité technique et poétique s'y rejoignent. Avec aisance et sans fard.La danse des ramoneurs reste un chef d'oeuvre chorégraphique acrobatique et virtuose, humoristique et très relevé. Une référence en la matière de comédie musicale de haute voltige :Marc Breaux et Dee Dee Wood pour maitre d'oeuvre.Et la magie opère, la musique inondant l'écran, renforçant la narration et le scénario fort judicieux: pas de morale à ce conte de fée, mais une leçon de savoir être et d'humanité, rare et fondateur pour les bambins et jeunes spectateurs, fort nombreux à assister à ce "ciné-concert" live de toute beauté. Une découverte de l'importance de "la musique de film" à déguster sans modération. Sous la baguette-houlette de  Dirk Brossé, un chef audacieux, généreux. Ainsi les "tubes" du film bien repérables "Chem cheminée", "un morceau de sucre" et "supercalifragilisticexpialidocious" vont bon train et sonnent comme des références de l’inconscient collectif musical forgé par notre mémoire et nos sens! Du bel ouvrage pour un public conquis, fredonnant ces thèmes de choix en chorus à l'issue de la projection! Que du bonheur pour cette odyssée, mélodie intemporelle de notre enfance. Couleurs et costumes, figures et personnages kitsch à l'envi mais si attachants et humains, qu'on s'y retrouve aisément: conte de faits et de fée bienveillante et humble, famille recomposée par miracle par une aventurière de charme gracieuse, lyrique et à la musicalité naturelle sidérante.Julie Andrews fabuleuse nurse et Dick van Dyke en danseur et poète de génie!