vendredi 24 mars 2023

"Le bateau ivre": Christophe Feltz "illuminé".....Rimbaud restitué, ivresse d'un flacon navigateur et zutiste !

 


Pour cette nouvelle création, la compagnie Théâtre Lumière s'est immergée dans l'œuvre de l'immense poète Arthur Rimbaud. 
 
« Le Bateau Ivre » offre une soirée en toute intimité avec l'essence même de  l'écrivain : son talent brut, sa profondeur et ses fulgurances poétiques avec les Illuminations, la Saison en Enfer et le Bateau Ivre entre autres.Christophe Feltz au diapason de l'esprit rimbaldien: ivre de poésie, d'amour, de vin et d'autres fragrances intuitives, légères ou sombres. Au creux de cette légendaire salle mystique du Munsterhof que voici un bien bel hommage fougueux au poète révolté, apatride, amoureux, insoumis, volage ou éperdument égaré, passionné. Le ton, le timbre de la voix de notre comédien-conteur, lecteur semblent taillés sur mesure pour correspondre à l'intimité, la sensualité ou la voracité des textes.Habité par le dévouement qu'il voue et offre au poète disparu mais si présent ce soir là, Christophe Feltz jouit et jubile. On se replonge dans "Le dormeur du Val", dans "Ophélie"ou "Voyelles" avec un gout de nostalgie, de mélancolie ou de délicatesse. De délices savoureux de cette langue si corsée, si incisive, si loquasse et belle. Le tout bordé par la musique de Grégory Ott, fidèle compagnon de jeu de Christophe Feltz : en "bonne compagnie", rythmant , épousant la prosodie autant que la rythmique des vers ou de la prose de Rimbaud: exercice de style et d'accompagnement judicieux, juste. Chalenge que de suivre pas à pas les paroles que distille notre lecteur fougueux, lui aussi dans l'état d'ivresse et de don de l'auteur. Les "Gymnopédies" de Satie venant se glisser audacieusement dans cet univers de rêve autant que de trivialité crue et nue.Chopin s'infiltre et trouve sa place dans ce monde si riche, si chromatique, parfumé, aux senteurs si sensibles.Un bel hommage, ode de toutes les couleurs-rose, bleu- de la poésie de ce voyou, voyant, homme de sollicitude, de révérence autant que de rébellion. Un duo" Ott-Feltz" comme un adage, un pas de deux illuminé, alerte et volubile sur la corde tendue du flux poétique, charmeur de l'oeuvre de Rimbaud.Une respiration, un souffle salvateur musical pour une atmosphère nimbée de tendresse autant que de drame et de folie.

"Nous désirons indiquer que toutes les dénominations qui ont eu cours jusqu’à ce jour à son sujet, nous n’en retiendrons, ni n’en rejetterons aucune (Rimbaud le Voyant, Rimbaud le Voyou...)

Simplement elles ne nous intéressent pas, exactes ou non, conformes ou non, puisqu’un être tel que Rimbaud les contient nécessairement toutes.
Rimbaud le Poète, cela suffit, cela est infini !" René Char

"Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme." Arthur Rimbaud
 

arthur rimbaud ernest pignon ernest

J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse
.

 

 

                                                             rue férou le bateau ivre 


 
Christophe Feltz (jeu) et Grégory Ott au piano (Chopin, Satie et compositions originales)

 le vendredi 24 mars 2023 à 20h à la salle Amadeus du Münsterhof au 9, rue des Juifs à Strasbourg.


 

"Horizons nouveaux"': pas de deux, trio , délicatesse, rafinement de l'interprétation de trois chefs d'oeuvre à l'élan juvénil.

 


Emmené par Renaud Capuçon, ce concert a permis à de jeunes instrumentistes d’interpréter des oeuvres faites de profondeur et de légèreté.

 

Faire briller les solistes

Wolfgang AMADEUS MOZART
Rondo en do majeur pour violon et orchestre
Symphonie concertante pour violon et alto

Le Rondo pour violon et orchestre est l’œuvre d’un Mozart de vingt-cinq ans et suit de quelques mois la poignante Symphonie concertante. Celle-ci marque une date car le compositeur, qui lui-même jouait de l’alto, permet pour la première fois à cet instrument de chanter à parts égales avec le violon, et de faire entendre son incomparable sonorité. Face à un orchestre, le violon n'est pas toujours soliste, loin de là! Les modalités de sa présence sont très diverses, comme en témoignent ces deux oeuvres, "classiques" dans leur tonalité. Certes, le violon peut briller seul comme dans le "Rondo", une pièce courte et convaincante. Mais il peut également jouer avec d'autres cordes de tessiture différente, ce qui intègre la dimension du timbre : ce choix de Mozart dans sa "symphonie concertante pour violon et alto" en est une belle illustration: il faut voir Renaud Capuçon jouer, bouger et faire vibrer tout son corps et son instrument si intimement reliés avec Paul Zientara, longue silhouette longiligne et interprétation sans faute d'une oeuvre complexe. Un duo, un adage digne d'un morceau de bravoure d'un ballet classique, un pas de deux en connivence et chorégraphie spontanée d'aller et retour, question-réponse, sidérant.Et Renaud Capuçon de surcroit de diriger simultanément l'orchestre en ne lâchant jamais son instrument, seconde baguette magnétique et magique du moment.

Ludwig VAN BEETHOVEN
Triple concerto

Après la Conférence d'avant-concert de ce Jeudi 23 mars 19h "La fraternité en acte" animée par Elisabeth Brisson, voici l'oeuvre tant attendue:

Conçu par Beethoven pour trois instrumentistes virtuoses, ce concerto repose sur une dimension avant tout « concertante » : présenté comme « Konzertant Konzert », genre à ne pas confondre avec celui de la symphonie pour orchestre, il confère la même importance à chacun des trois.
Pourquoi et comment Beethoven a-t-il relevé ce défi compositionnel ? Quant au Triple Concerto de Beethoven, il s’agit également, d’une certaine manière, d’une symphonie concertante pleine de bonne humeur, qui porte idéalement l’élan juvénile des musiciens qui s’en emparent.Et l'oeuvre d'être portée par l'orchestre et les soliste, comme un monument de contrastes, de subtilité, de doigté virtuose pour bâtir des sonorités douces ou tumultueuses. Cadences et structure amplifiées pour prolonger ces trois mouvements où s'intègrent les solistes: piano avec Nathalie Milstein, violon avec Raphaelle Moreau et violoncelle avec Stéphanie Huang. Des solistes déjà aguerris et doués d'une sensibilité, une écoute hors pair pour leurs jeunes années de pratique orchestrale.L'oeuvre est ample et se déploie à l'envi sous la direction efficace et sensible de Renaud Capuçon, présent, à l'affut de ses pairs relevant le défi de bien intégrer chacun dans le flux et reflux de cette musique savante.

Un concert "charmeur", distingué, raffiné aux accents "classiques" débordés par une petite révolution de palais: des solistes immergés dans l'orchestre et sous les feux de la rampe de la musique toujours en mutation de composition et d'écriture. Le Philharmonique toujours au plus haut de ses capacités.

 

Distribution Renaud CAPUÇON direction et violon, Raphaëlle MOREAU violon, Paul ZIENTARA alto, Stéphanie HUANG violoncelle, Nathalia MILSTEIN piano

Palais de la Musique et des Congrès le jeudi 23 Mars

 

mercredi 22 mars 2023

"The Passion of Andréa 2" : petits meurtres et arrangements entre amis....Le chant-contrechant de Simone Mousset

 


Simone Mousset Luxembourg trio création 2019

The Passion of Andrea 2

Que faisons-nous de la passion, quelle est-elle aujourd’hui ? Simone Mousset a retenu celle, incertaine, d’Andrea. La jeune artiste luxembourgeoise voit en cette quête existentielle, une métaphore de notre monde, de ses difficultés. Curieux chemin de croix laïque parcouru par un extravagant trio masculin.

 


Pour sa seconde création, Simone Mousset se veut détonante, voire même décapante. Sur scène, ils sont trois, comme la Trinité. Un chiffre qui, dédoublé, rejoint l’âge de la mort du Christ. Mais peu importe d’improbables références, dans La passion d’Andrea 2 nul besoin de distinguer entre fiction et réalité. Cette malicieuse épopée s’intéresse au malaise de nos civilisations. Climat d’urgence perpétuel, informations continues et contradictoires, pertes de repères sont ici prétexte à renouer avec l’imaginaire, avec ses mondes ludiques, parfois délirants ou surréalistes, ses accents drôles teintés d’humour british.
Dans cette performance inédite oscillant entre théâtre dansé et comédie de mœurs, mêlant chant et voix à la chute des corps et au burlesque des situations, Simone Mousset joue les fauteuses de trouble. Elle aiguille ses trois personnages en mal de définition vers l’improbable récit d’une série de science-fiction dont le premier épisode nous aurait échappé. Espiègle protocole qui embarque le public dans ses déroutes et suscite la réflexion autour de l’obscur malaise existentiel de nos sociétés.

 S'il fallait décerner une palme à la pièce comique dans la programmation de Pole Sud ce serait sans aucun doute à celle ci: un condensé léger, efficace, sensible de retenue, de drôlerie, de frôlement des genres avec des touches impressionnistes savoureuses de couleurs locales. Trois anti-héros s'emparent discrètement du plateau, le temps de convoquer des Andréas multiples façonnées par l’ingéniosité de la dramaturgie.Exemplaire jeu et présence des interprètes, escogriffes bienveillants dans un monde absurde, décalé.En "anglais" souvent pour une touche distinguée en plus, tout bascule pour ces trois lustigs désopilants, face à leur destin bouleversé. Leur identité c'est Andréa, convoquée comme Arlésienne, spectre hantant la scène, icône inconnue au bataillon mais toujours convoquée pour l'action!Nos trois Andrea rivalisent de malice, se traquent, se tuent, disparaissent et meurent pour l'une avec une grâce irremplaçable.Un art de la chute en vrille magnifique, des pauses désopilantes, des grands jetés incongrus à la Cunningham.....Un trio décapant, insolite, surprenant avec des ballons de baudruche suspendus au dessus de leurs têtes comma autant d'épées de Damoclès pas si menaçantes que cela.Le chant est performant, quasi évangélique ou grégorien, aux accents liturgiques à capella sans se la jouer avec des voix ambrées, de tête, de gorge ou de poitrine à l'envi.Jolie cérémonie entre amis ennemis qui se cherchent et se trouvent. Un cour de récré désinvolte et raffinée pleine de charme et de taquineries.Quels talents ainsi réunis que ces pantins plein de maladresse, de malaises qui se frappent, s'offusquent, se chamaillent, larrons en foire; gamins ou gavroches indisciplinés.Une petite comédie musicale aux accents chantés de West Side Story en diable!Petits arrangements entre amis et meurtres dans des jardins luxembourgeois en primesauterie!

Et on refait la scène originelle: "the begining" en révérence désuète, baroque et coquine. Le public, en empathie totale avec ce trio infernal et tendre, burlesque en perruques, shorts et pieds nus, dégingandés, désarticulés et maladroits à l'envi.Les stalagmites ou cocons qui les menacent, qui sont "méchants",  s'effondrent un à un devant ces démonstrations de savoir danser et chanter sur fond de musique ambiante qui croule comme eux dans des univers absurdes et fantastiques....

A Pole Sud jusqu'au 22 MARS