"Le programme est composé d'un triptyque constitué de "No maps for these territories", "Oil rainbow" et "Dead frequency sky", toutes composées récemment. Même s'il s'agit de formations différentes, il y a un fil commun entre elles : les formations sont amplifiées et raréfiées grâce à l'utilisation de différents dispositifs de transduction. Le temps est considéré comme une illusion où répétition et variation se confondent pour créer un rituel électrique dans lequel les musiciens se plongent pour nous offrir une expérience que je ne peux que recommander. Le travail réalisé par chacun d'entre eux est vraiment admirable."Actuellement, Nicolás Medero Larrosa réalise une recherche basée sur le
travail et le développement des techniques pour instruments acoustiques
qui ressemblent à différents types de morphologies de sons électriques,
surtout des distorsions. Son objectif est de construire un univers
sonore qui utilise des sons avec une référence très claire à un espace
temporel diffèrent. L’écoute, l’expérience physique des instruments et
la mise en relation avec l’espace sont des sujets toujours présents dans
ses intérêts musicaux.
"No maps for these territories", pour multi percussion, transducteurs et électronique (2022-2023).
Immersion dans la masse sonore, la musique populaire comme source pour développer un savoir afro-diasporique par l'oralité grâce aux improvisations pour des croisements, des interactions et créer ainsi un vaste espace de circulation...Ainsi les paroles du compositeurs annoncent la "couleur" de son opus pour percussions, Marin Lambert au "piano" comme un grand chef cuisinier qui concocte une recette savante : des soupirs comme fond sonore, des lumières intermittentes pour éclairer cette magistrale interprétation. Une ambiance de sciences fiction-frictions sur une plaque de fer battue, un waterphone rutilant, : des crissements électriques émis par la bande son renforcent cette impression de chaos, tectonique énergique, toujours doublée de souffle, soupirs et émissions aériennes. De ses baguettes percutantes , des roulements, vibrations surgissent à toute vitesse et précipitation. Un très bel opus pour introduire ce "récital" singulier.
"Oil rainbow", pour flûte, clarinette, violon, alto, violoncelle,
piano/contrôleur midi et dispositif électroacoustique (2023).
Le chef Jean Philippe Wurtz dirige l'ensemble: plainte des violons, bande son en écho vibratile créent un savant brouhaha dissonant. Chaque instrument se détache de la masse sonore, distinctement en reprises ascendantes récurrentes.Mugissantes sonorités pour créer du mystère, du suspens: de virulentes sonorités, tranchantes s'entremêlent, puissantes faites de contrastes. Une acalmie pour mieux rebondir vers la tonicité des mesures, des hauteurs.
"Dead frequency sky", pour accordéon, percussion, transducteurs et électronique (2023 – création).
La pièce suivante est paysage sonore et visuel. En réponse, en écho les trois instruments dialoguent: association judicieuse, périlleuse, inédite en résonance permanente. Des interstices se glissent des ricochets de sonorités, en réverbération et passassions de rythme. Comme une marche lente, la calme se construit dans une atmosphère recueillie, sorte d'énigme à résoudre par l'imagination de celui qui écoute. Les percussions expérimentales en poupe, vibratoires étincelles dans l'éther. La "griffe", la patte du compositeur est forte et singulière, tonique et affirme une écriture personnelle troublante, servie ici par un Ensemble complice et aguerri à son univers prolixe. Un concert de "charme" et de fureur pour distinguer un auteur, jeune et fervent serviteur de la musique d'aujourd'hui.
Compositeur de musique instrumentale, mixte et électroacoustique avec
une forte influence de musique électrique, Nicolás Medero Larrosa est
titulaire d’une Licence en composition instrumentale et
électroacoustique de l’Université nationale de Quilmes (Argentine). Il a
participé à plusieurs académies et festivals renommés : Rainy Days,
Musica…asbourg.
Jean-Philippe Wurtz, direction
Julie Michael, alto
Keiko Murakami, flûte
Salomé Saurel, violon
Marie Ythier, violoncelle
Carolina Santiago Martínez, piano
Thibaut Tupinier, clarinette
Hugo Degorre, accordéon
Marin Lambert, percussion
Sergio Rodrigo et l'Ensemble l'Imaginaire
Sérgio Rodrigo un compositeur et
multi-instrumentiste brésilien. Sa pratique artistique transite entre la
musique classique contemporaine, la musique populaire brésilienne,
improvisation, bande-son et création avec des ressources technologiques.
Il collabore fréquemment avec des groupes consacrés à la musique de
concert contemporaine, explorant également les échanges avec la musique
populaire et des partenariats avec des artistes de la littérature, des
arts visuels et du cinéma. Sa trajectoire académique consiste
en une recherche d'une intégration entre l'activité de composition et
la réflexion sur la création artistique. Pendant son master, il a
présenté une réflexion sur la création musicale fondée sur la
philosophie de Gilles Deleuze, sur la production pédagogique de Paul
Cézanne et Paul Klee et il a abordé son propre processus de création en
dialogue avec ces auteurs.
"Cobra arco-íris", pour piano seul (2023 – création)
Un opus intimiste où le piano en solo perle les notes dans une virtuosité sidérante : c'est un exercice remarquable d'interprétation méticuleuse pour engendrer une ambiance singulière.
"Cosmogrammes", pour flûte basse seule (2023 – création). Cette oeuvre est remarquable pour ce qu'elle délivre de tension, de recueillement et de concentration: il faut dire que le souffle de l'artiste très engagée, Keiko Murakami, est du "jamais entendu", inouïe performance de 25 min. L'interprète aux aguets, à l'affut, en préfigurant, anticipant chaque instant musical.Sons de clapets en écho, petit métronome constant du bout des doigts et jeu corporel engagé à l'appui. Un rythme haletant, audacieux et surprenant sourd de l'instrument comme un mugissement, un râcle: animalité de cette musique très charnelle, puissante et sensuelle. La cadence, la frappe aux abois pour un opus remarquable. Une performance qui maintient le publique en alerte, en haleine. Un miracle sonore des plus convaincant.
"Cavacar", pour flûte, saxophone et piano (2023 – création). 35 min.
"En tant que compositeur j’adopte une posture de « cavacar » les
instruments pour lesquels j’écris en cherchant de nouvelles approches et
techniques, en concevant chaque instrument comme un médium propice à la
circulation de processus cinétiques et articulatoires spécifiques en
accord avec cette conception rythmique. Le jeu du cavaquinho relève d’un champ sémantique qui exprime le geste
même qui implique son exécution : cavacar signifie creuser, remuer,
tourner, tordre. C‘est sur le cavaquinho que j’ai commencé, tout jeune, à
improviser, ou « cavacar » mes premières compositions. Musicalement,
cavacar signifie activer et agiter la matière sonore par des gestes et
des techniques spécifiques. C’est sa nature-même (celle d’un instrument à
court temps de résonance) qui favorise un type de geste qui cherche une
réactivation sonore permanente. C’est donc le rythme lui-même qui naît
d’une condition fragile, d’une sorte de résonance minimale qui appelle
un engagement corporel spécifique. Un aspect fondamental de mon approche
de la composition réside exactement dans cette image qui entrelace le
corps sonore et le corps humain"
. C'est comme une averse, une pluie de notes par temps gris. Des hallebardes en continu de notes et sons nous propulsent à bras le corps dans une atmosphère particulière: le trio comme une partition commune qui chaloupe, danse, se meut à travers les corps médium des interprètes. Des frappes sur les cordes du piano, des frottements sonores pour les vents: saccades, éclats et spirales du souffle, tectonique puissante du son. Un déchainement cacophonique sème le désordre, l'accalmie alterne pour une sorte de mélodie fluide: flux et reflux, remous, vagues déferlantes en alternance. Tempête et assauts de musique pour couronner ce combat sonore. Cette lutte en proie aux éléments fondateurs: rythme, hauteur, cadence et polyphonie de sons incongrus. En cercle autour du piano, le trio concocte une potion magique hallucinante qui conduit au ravissement: magie et hypnose se détachent de cette oeuvre passionnante, inédite, inouïe.
Sérgio Rodrigo a étudié la
composition à l’Université Fédérale de Minas Gerais (au Brésil), à
l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, à Rome, et au Conservatoire de
Strasbourg. Son travail de recherche en doctorat, mené sous la direction
de Grazia Giacco, porte sur la relation entre l'expérience du rythme
musical et l'immersion dans la matière sonore à partir des pratiques
musicales de matrices afro-brésiliennes.
Keiko Murakami, flûte Olivier Duverger, saxophone Carolina Santiago Martínez, piano