dimanche 2 juillet 2023

Deux coups de coeur pour les diplomes de la HEAR 2023: Cassandre Albert en scénographie et Harold Jodeau en Art: bien charpentée, bien décousu...

 


Première de cordée au plus haut des cieux...
 
"J’aurais tant aimé vivre pour toujours ces instants de grâce aujourd’hui à la Haute école des arts du Rhin ☁️ Hélas, la réalité de ce monde hyperviolent où la lacrymo remplace les nuages m’est revenue en pleine gueule dès la sortie du temple.
Photo : Église Saint-Guillaume / « Ce n’étaient que de vastes sommets d’où partaient de vastes pentes », performance ascensionnelle de Cassandre Albert" Emmanuel Dosda

J' ai personnellement adoré cette performance à L'Eglise St Guillaume, voyage, cheminement encordé à d'autres participants, ce" Lenz" vagabond marcheur de  Buchner façon mer de nuages à la Sils Maria, première de cordée et larguez les amarres des cordes de sécurité! Cordes à nœuds et prise de risque mesurée pour une ascension du mont Ventoux extra-ordinaire. Il ne manquait plus que l'orgue pour bouger sur ses rails pour clore le chapitre en "rappel" !! Pedi-bus de randonnée sous char-pente bonne à escalader...Une visite -randonnée menée par une guide, sac à dos et cordes de secours, lumières frontales partagées.Une Cassandre vive et pleine de bravoure pour nous initier à cette ascension vers les hauts de St Guillaume: des endroits inconnus du pèlerin. Ca se mérite! On se glisse en rang serré, relié à la corde et ses mousquetons comme pour une cordée d'alpinistes chevronnés. Bienveillance du guide qui nous laisse apprécier du haut des tribunes la mer de nuages qu'elle a inventée, imaginée avec des fumigènes. En émergent les grandes orgues comme des orgues basaltiques...C'est magique, fascinant, hors du temps, onirique...Fantomatique comme la mer de nuage de Sils Maria, cette vallée suisse extraordinaire dans les Grisons de l'Engadine cher à Nietzsche (voir le film d'Assayas"Sils Maria")...
 

Une performance née de l'envie de l'artiste de performer dans une église bien "charpentée" pour y inventer cette histoire de randonnée pédestre au plus haut des cieux!
 
Ce dimanche 2 JUILLET à St Guillaume dans le cadre de l'exposition des diplômes de la HEAR 2023..."PSSST Edition"reçu 5/5" festival de scénographie
Enseignant François Duconseille

 

Quant à Harold Jodeau c'est un travail minutieux sur toile de lin, couture et broderie de motifs de petits êtres humains, skieurs, pantins, clowns, squelettes miniatures comme des enluminures précieuses et très humoristiques. Presque du Philippe Favier ou Cuno Amiet .... Travail d'orfèvre, passion de l'artiste qui pique et qui coud depuis longtemps. Plusieurs oeuvres de taille moyenne sont exposées, ponctuées d'interventions murales, entremets de charme et plein de malice.Travail sur tambour, sorte de cadavre exquis qui où le tissu glisse d'un support à l'autre sans cohérence: l'absurde des saynètes brodées s'y  déchaine à l'envi.Ou totale improvisation au fil des points de broderie qui inventent une narration de petits personnages futés, mobiles....
 

 
CUNO AMIET



FAVIER

Les  étudiant·es en DNSEP/Master – option scénographie investissent le quartier Krutenau pour présenter leurs projets de diplômes en 5 créations inédites, entre spectacles, expositions, théâtre, performances et installations. Un festival d’art et de spectacle très! vivant, porté par l’association 23bis.

Vendredi 30 juin, samedi 01 et dimanche 02 juillet |
TJP – 7, rue des Balayeurs à Strasbourg
Église Saint-Guillaume – 1, rue Munch à Strasbourg
HEAR – 1 et 2 rue de l’Académie à Strasbourg


"Mosaique sonique": ensemble Linéa et Nicolas Medero Larrosa, ensemble l'Imaginaire et Sergio Rodrigo: deux voyages dans l'expérimentation musicale...

 


Un concert inédit révèle des écritures sonores inouïes.
Le 1er juillet, on a plongé dans l'univers des compositeurs sud-américains Sérgio Rodrigo et Nicolás Medero Larrosa.
Accompagnés des ensembles strasbourgeois L'Imaginaire et  Linea , ces deux doctorants en « Création et interprétation musicale » à l’Université de Strasbourg et à la Haute École des Arts du Rhin nous invitent à découvrir leurs créations mêlant instruments acoustiques et modulaires, électroacoustique et travail autour de la lumière, des gestes, des timbres ou encore de l'espace hybride
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  Samedi 1er juillet à 19h à la Pokop
 
 

Nicolás Medero Larrosa 
"Comprendre la démarche du jeune artiste.
Puis permettre à l’œuvre de se développer à partir de cette démarche.
👉 C'est le travail que nous avons mené avec l'Ensemble Linea aux côtés de Nicolás Medero Larrosa, compositeur en résidence au sein de l'ensemble et également étudiant en pleine recherche doctorale à l' Université de Strasbourg et à la Haute école des arts du Rhin."
 

"Le programme est composé d'un triptyque constitué de "No maps for these territories", "Oil rainbow" et "Dead frequency sky", toutes composées récemment. Même s'il s'agit de formations différentes, il y a un fil commun entre elles : les formations sont amplifiées et raréfiées grâce à l'utilisation de différents dispositifs de transduction. Le temps est considéré comme une illusion où répétition et variation se confondent pour créer un rituel électrique dans lequel les musiciens se plongent pour nous offrir une expérience que je ne peux que recommander. Le travail réalisé par chacun d'entre eux est vraiment admirable."Actuellement, Nicolás Medero Larrosa réalise une recherche basée sur le travail et le développement des techniques pour instruments acoustiques qui ressemblent à différents types de morphologies de sons électriques, surtout des distorsions. Son objectif est de construire un univers sonore qui utilise des sons avec une référence très claire à un espace temporel diffèrent. L’écoute, l’expérience physique des instruments et la mise en relation avec l’espace sont des sujets toujours présents dans ses intérêts musicaux.
 
"No maps for these territories", pour multi percussion, transducteurs et électronique (2022-2023). 
 
Immersion dans la masse sonore, la musique populaire comme source pour développer un savoir afro-diasporique par l'oralité grâce aux improvisations pour des croisements, des interactions et créer ainsi un vaste espace de circulation...Ainsi les paroles du compositeurs annoncent la "couleur" de son opus pour percussions, Marin Lambert au "piano" comme un grand chef cuisinier qui concocte une recette savante : des soupirs comme fond sonore, des lumières intermittentes pour éclairer cette magistrale interprétation. Une ambiance de sciences fiction-frictions sur une plaque de fer battue, un waterphone rutilant, : des crissements électriques émis par la bande son renforcent cette impression de chaos, tectonique énergique, toujours doublée de souffle, soupirs et émissions aériennes. De ses baguettes percutantes , des roulements, vibrations surgissent à toute vitesse et précipitation. Un très bel opus pour introduire ce "récital" singulier.

"Oil rainbow", pour flûte, clarinette, violon, alto, violoncelle, piano/contrôleur midi et dispositif électroacoustique (2023). 
Le chef Jean Philippe Wurtz dirige l'ensemble: plainte des violons, bande son en écho vibratile créent un savant brouhaha dissonant. Chaque instrument se détache de la masse sonore, distinctement en reprises ascendantes récurrentes.Mugissantes sonorités pour créer du mystère, du suspens: de virulentes sonorités, tranchantes s'entremêlent, puissantes faites de contrastes. Une acalmie pour mieux rebondir vers la tonicité des mesures, des hauteurs.

"Dead frequency sky", pour accordéon, percussion, transducteurs et électronique (2023 – création). 
La pièce suivante est paysage sonore et visuel. En réponse, en écho les trois instruments dialoguent: association judicieuse, périlleuse, inédite en résonance permanente. Des interstices se glissent des ricochets de sonorités, en réverbération et passassions de rythme. Comme une marche lente, la calme se construit dans une atmosphère recueillie, sorte d'énigme à résoudre par l'imagination de celui qui écoute.  Les percussions expérimentales en poupe, vibratoires étincelles dans l'éther. La "griffe", la patte du compositeur est forte et singulière, tonique et affirme une écriture personnelle troublante, servie ici par un Ensemble complice et aguerri à son univers prolixe. Un concert de "charme" et de fureur pour distinguer un auteur, jeune et fervent serviteur de la musique d'aujourd'hui.
 
 
 
Compositeur de musique instrumentale, mixte et électroacoustique avec une forte influence de musique électrique, Nicolás Medero Larrosa est titulaire d’une Licence en composition instrumentale et électroacoustique de l’Université nationale de Quilmes (Argentine). Il a participé à plusieurs académies et festivals renommés : Rainy Days, Musica…asbourg.

Jean-Philippe Wurtz, direction
Julie Michael, alto
Keiko Murakami, flûte
Salomé Saurel, violon
Marie Ythier, violoncelle
Carolina Santiago Martínez, piano
Thibaut Tupinier, clarinette
Hugo Degorre, accordéon
Marin Lambert, percussion

 

Sergio Rodrigo et l'Ensemble l'Imaginaire


Sérgio Rodrigo un compositeur et multi-instrumentiste brésilien. Sa pratique artistique transite entre la musique classique contemporaine, la musique populaire brésilienne, improvisation, bande-son et création avec des ressources technologiques. Il collabore fréquemment avec des groupes consacrés à la musique de concert contemporaine, explorant également les échanges avec la musique populaire et des partenariats avec des artistes de la littérature, des arts visuels et du cinéma.

     Sa trajectoire académique consiste en une recherche d'une intégration entre l'activité de composition et la réflexion sur la création artistique. Pendant son master, il a présenté une réflexion sur la création musicale fondée sur la philosophie de Gilles Deleuze, sur la production pédagogique de Paul Cézanne et Paul Klee et il a abordé son propre processus de création en dialogue avec ces auteurs.

"Cobra arco-íris", pour piano seul (2023 – création)

Un opus intimiste où le piano en solo perle les notes dans une virtuosité sidérante : c'est un exercice remarquable d'interprétation méticuleuse pour engendrer une ambiance singulière.

"Cosmogrammes", pour flûte basse seule (2023 – création). Cette oeuvre est remarquable pour ce qu'elle délivre de tension, de recueillement et de concentration: il faut dire que le souffle de l'artiste très engagée, Keiko Murakami, est du "jamais entendu", inouïe performance de 25 min. L'interprète aux aguets, à l'affut, en préfigurant, anticipant chaque instant musical.Sons de clapets en écho, petit métronome constant du bout des doigts et jeu corporel engagé à l'appui. Un rythme haletant, audacieux et surprenant sourd de l'instrument comme un mugissement, un râcle: animalité de cette musique très charnelle, puissante et sensuelle. La cadence, la frappe aux abois pour un opus remarquable. Une performance qui maintient le publique en alerte, en haleine. Un miracle sonore des plus convaincant.

"Cavacar", pour flûte, saxophone et piano (2023 – création). 35 min.

"En tant que compositeur j’adopte une posture de « cavacar » les instruments pour lesquels j’écris en cherchant de nouvelles approches et techniques, en concevant chaque instrument comme un médium propice à la circulation de processus cinétiques et articulatoires spécifiques en accord avec cette conception rythmique.  Le jeu du cavaquinho relève d’un champ sémantique qui exprime le geste même qui implique son exécution : cavacar signifie creuser, remuer, tourner, tordre. C‘est sur le cavaquinho que j’ai commencé, tout jeune, à improviser, ou « cavacar » mes premières compositions. Musicalement, cavacar signifie activer et agiter la matière sonore par des gestes et des techniques spécifiques. C’est sa nature-même (celle d’un instrument à court temps de résonance) qui favorise un type de geste qui cherche une réactivation sonore permanente. C’est donc le rythme lui-même qui naît d’une condition fragile, d’une sorte de résonance minimale qui appelle un engagement corporel spécifique. Un aspect fondamental de mon approche de la composition réside exactement dans cette image qui entrelace le corps sonore et le corps humain"

. C'est comme une averse, une pluie de notes par temps gris. Des hallebardes en continu de notes et sons nous propulsent à bras le corps dans une atmosphère particulière: le trio comme une partition commune qui chaloupe, danse, se meut à travers les corps médium des interprètes. Des frappes sur les cordes du piano, des frottements sonores pour les vents: saccades, éclats et spirales du souffle, tectonique puissante du son. Un déchainement cacophonique sème le désordre, l'accalmie alterne pour une sorte de mélodie fluide: flux et reflux, remous, vagues déferlantes en alternance. Tempête et assauts de musique pour couronner ce combat sonore. Cette lutte en proie aux éléments fondateurs: rythme, hauteur, cadence et polyphonie de sons incongrus. En cercle autour du piano, le trio concocte une potion magique hallucinante qui conduit au ravissement: magie et hypnose se détachent de cette oeuvre passionnante, inédite, inouïe.

    Sérgio Rodrigo a étudié la composition à l’Université Fédérale de Minas Gerais (au Brésil), à l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, à Rome, et au Conservatoire de Strasbourg. Son travail de recherche en doctorat, mené sous la direction de Grazia Giacco, porte sur la relation entre l'expérience du rythme musical et l'immersion dans la matière sonore à partir des pratiques musicales de matrices afro-brésiliennes.

Keiko Murakami, flûte Olivier Duverger, saxophone Carolina Santiago Martínez, piano

  Ensemble Linea Ensemble L'imaginaire  

Haute école des arts du Rhin Université de Strasbourg Service de l'action culturelle - Université de Strasbourg Crous de Strasbourg

vendredi 30 juin 2023

"El como quieres" : le retour des cigognes au berceau de leur création. Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna, nous clouent le bec !

 

 

El como quieres
 
"Le mouvement, le texte en trois langues, la danse, le chant, les rythmes... Un grand petit spectacle, ou l'infiniment petit du détail révèle l'infiniment grand des sentiments"
 

 
Séisme annoncé au Leurre : collusions de nez, de roc (granvillais) et de péninsule (ibérique), avec pour épicentres, les talons de Roser Montllò Guberna et Brigitte Seth.

"El como quieres" vient puiser son magma jubilatoire dans la tradition des danses espagnoles appelées zapateados. S’y entrechoquent castagnettes, frappes de pieds et jeux de mots.

Et à travers les anfractuosités de cette tectonique de langues, la merveilleuse coulée du théâtre, du rythme et de la danse en fusion.

"Nous avons choisi le mode d’une conversation aux accents multiples, adoptant des formes diverses et utilisées sans les dissocier : le mouvement, le texte dans nos trois langues (catalan, castillan, français), la danse, le chant, les rythmes issus entre autres des zapateados et claquettes."
 
"Parler de "reprise" est chose acquise désormais pour la danse d'aujourd'hui: patrimoine, archives et mémoire de l'oubli à travers les corps qui réaniment les pièces chorégraphiques de bon nombre d'auteurs et d'autrices..Réactiver le passé? Pas vraiment puisque le spectacle vivant ne pourra se conditionner dans le formol pour "un musée de la danse", cimetière ou enterrement permanent du "répertoire" !
Alors c'est dire si voir et revoir "El como quieres" est chose agréable, vivifiante de surcroit avec les mêmes interprètes créatrices de leur propre rôle : Roser et Brigitte. Personnalités bien connues et appréciées du public sur le terroir "alsacien" tant leur résidence à Pole Sud a laissé traces et empreintes, emprunts et prolongations pour ceux et celles qui s'y étaient frottés. On s' y pique de curiosité et la surprise est bonne de voir en plein air sur une estrade dans le jardin de Pole Sud à l'occasion de la "fête de fin de saison" nos deux compères-complices de "toujours après minuit"."De noir vêtues, les voici qui se racontent, sorte d'autobiographie corporelle et linguistique: osmose et fusion de deux cultures, de comportements et de gestes. Si Roser sait fait faire des claquettes et des zapateados, Brigitte sait dire, verbaliser, mimer et traduire ses émotions en langue de Molière...Questionnement pour ces deux effigies qui comme chien et chat, s'observe, s'évite, se repousse ou s'adorent dans des élans fusionnels satiriques: humour au poing et poses dignes de tableaux de maitres-à danser-.Le flamenco déborde de ses gonds, le verbe s'articule en pleine bouche et se love à travers la danse, la gestuelle très codée de Roser. C'est renversant et les deux chaises qui accueillent ces corps vaillants sont support, soutient et plaque tournante de bien des péripéties burlesques. On songe à Raymond Devos devant le talent de Brigitte Seth, à Joséphine Baker avec la danse savante et désarticulée, déconstruite de Roser. Envie et plaisir de reprendre ce duo de référence se communique aisément et ce qui motive ses retrouvailles avec le répertoire de ces deux artistes prolixe, se partage avec joie et intense émotion. Le plein air leur va si bien, côté cour, côté jardin que cette "comédie franco-espagnole" se déguste sans modération. Merci à ces deux autrices de co-signer ici un manifeste du savoir danser-parler, de faire sourdre du corps l'étoffe du verbe incarné et de la danse inspirée. Espagne est-tu là? Autant que les cigognes, ancêtres des castagnettes qui craquettent du bec pour marteler le sol et l'éther. Quand les cultures se rencontrent,elles se sentent comme des animaux qui reniflent les fragrances de l'autre, s'apprivoise ou se combattent pour le meilleur de leur épanouissement. Des corps libres et vaillants se livrent devant nous faisant acte poétique et politique de l'indisciplinaire, du léger soulèvement de la tradition pour une nouvelle forme d'écriture.. Et le temps de faire son oeuvre, sans faux pli ni rides pour ces deux femmes engagées au regard du monde d'aujourd'hui."Comme il vous plaira".... ou "vous le souhaitez" !
 
 Jeudi 29 juin au Théâtre Pole Sud de Strasbourg