vendredi 29 septembre 2023

"KV385" Séverine Chavrier, Pierre Jodlowski, Orchestre philharmonique de Strasbourg : chéri j'ai rétréci Mozart....

 


CONCERT MIS EN SCÈNE

La Symphonie Haffner de Mozart sur les planches du théâtre. Une dramaturgie de l'écoute.

Elle n’était plus qu’un numéro d’archive, un document, un code à déchiffrer. Auditeurs et auditrices, dit-on, s’en étaient lassés à force de l’entendre. Désormais, les musiciens œuvrent à la manière d’archéologues dans les dédales d’un site funéraire. Que peut encore nous dire une partition musicale issue d’un passé perdu ? Que révèlent ses différentes strates, ses codes et conventions oubliées ?

Le génie de Mozart : d’avoir été en avance sur son temps, de transcender les moindres formules musicales de ses prédécesseurs et de ses contemporains, et cela en revendiquant une indépendance que nul n’avait su atteindre jusque-là… Le panégyrique pourrait être infini, mais il retient plus rarement une autre qualité. Celle d’avoir été en avance sur le désespoir et de nous prendre aujourd’hui encore au piège de la mélancolie.

En usant des moyens du théâtre, Séverine Chavrier et Pierre Jodlowski sondent cet héritage sous la forme d’une expérience et d’une fiction musicale : cette Symphonie Haffner de Mozart, faisons mine de l’entendre pour la première fois et tentons collectivement de lui résister. Là où elle nous tient en joue — l’oreille comme cible —, décomposons et recomposons-la, pétrifions son harmonie, livrons ses motifs au chaos… et tentons ainsi, stoïques à l’écoute, de la déjouer.

Sur le plateau du TNS, une partie de l'Orchestre philarmonique, dissimulé derrière un rideau opaque, futur écran récepteur d'images. Et la musique de Mozart d'entonner ses poncifs archi connus en tranches comme des strates de millefeuilles sonores. Du classique déroulé de la symphonie Haffner, voici façonné un ouvrage en couches interrompues par des sons et bruits synthétiques de haute volée technologique. Interruptions dans ce vaste phrasé ainsi saucissonné en tranches toujours comme une architecture en déséquilibre instable, éphémère construction en devenir. La musique surprend, se hache, se coupe, se fractionne en suspension frustrante et castratrice. Le flux s’interrompt alors que la montée orgasmique des sons en plateau parvient difficilement a trouver son apogée. Les images de l'orchestre, enregistrées ou en direct impactent la dramaturgie, l'écran en bord de scène sème le trouble, des images de forets, d'arbres menacés de mort, de la neige au sol et des sapins décatis évoquent une catastrophe naturelle proche.Curieuse pièce courte où tout bascule entre classique et contemporain dans cette "new discipline" multimédia qui décortique, malmène et maltraite le son avec délectation et virtuosité technologique. Mozart rétréci, Mozart distendu, prolongé, pétri et endommagé à l'envi dans des intentions de déconstruction avouée d'une référence musicale galvaudée.
création mondiale

Wolfgang Amadeus Mozart Symphonie no 35 en ré majeur, KV 385, dite ”Haffner”

direction | Jean Deroyer

Orchestre philharmonique de Strasbourg

mise en scène | Séverine Chavrier
adaptation de la partition et conception électroacoustique | Pierre Jodlowski
scénographie et régie plateau | Louise Sari
vidéo | Quentin Vigier
régie vidéo | Claire Willemann
cadreur | Frédéric Letterier
régie générale et lumière | Germain Fourvel


 représentations au TNS dans le cadre du festival MUSICA
ven 29 sept - 20h30
sam 30 sept - 20h30


production Musica
coproduction Orchestre philharmonique de Strasbourg, CDN d’Orléans
avec le soutien du Théâtre National de Strasbourg et de la SACD

© Mathias Steffen
© Lukasz Rajchert


PERFORMANCE Kaori Ito & Lou Renaud-Bailly TJP CDN & Les Percussions de Strasbourg


 Le titre de l’un de ses spectacles l’avance – Je danse parce que je me méfie des mots (2015) : Kaori Ito, danseuse, chorégraphe, exprime par le corps ce qui ne peut se dire. Au fil des années, elle s’attache à dialoguer avec les gens et raconter des histoires, souvent intimes, parfois inventées. Sur scène, toujours en dansant et avec humour, prendre la parole est pour elle un moyen de s’ouvrir aux spectateur·rices et partager la danse avec les personnes qui n’en sont pas forcément familières. Elle aime le faire en improvisant avec un·e musicienne. Parfois il ou elle aussi parle et confie des anecdotes personnelles. Parfois il ou elle danse et Kaori Ito se met, elle, à jouer de la musique. Elle grimpe sur l’autre pour le·la déstabiliser. Iels restent disponibles à tout ce qui se passe. Une situation cocasse ou ridicule, le dialogue spontané entre deux personnalités, l’élan de la musique et de la danse, l’inattendu : tout ce qui compose la performance contribue à instaurer une relation simple, intime et touchante avec le public. Amatrice de ce format de jeu et de la surprise qu’il offre, Kaori Ito a performé avec de nombreux·euses musicien·nes, notamment Lucie Antunes, Elise Caron, Theo Ceccaldi, Christophe, Peter Corser, Médéric Collignon et Arthur H.

Pour cette ouverture de saison, elle invite dans la danse Lou Renaud-Bailly, musicienne des Percussions de Strasbourg.

Danseuse et créatrice depuis 20 ans, Kaori Ito cherche à faire émerger un mouvement vital qui relie les corps et fait exister le vide, l’invisible et le sacré. Née au Japon dans une famille d’artistes, elle se forme très jeune à la danse classique puis à la modern dance à New York. Interprète pendant plus de 10 ans pour de grandes compagnies européennes, elle ressent le besoin de créer sa propre compagnie afin de développer sa démarche artistique et son écriture chorégraphique. Elle fonde la compagnie Himé en 2015. Après une trilogie autobiographique, elle opère un retour à sa culture japonaise dont elle s’inspire notamment pour créer, en 2020, la première pièce où elle n’est pas au plateau. Convaincue de la nécessité de faire entendre la parole des enfants et de donner une place à leur créativité, elle commence en 2021 à créer avec et pour le jeune public. À la croisée des cultures et des langues, des courants, pratiques et disciplines, Kaori Ito développe un vocabulaire artistique hybride et une démarche de création sur la voie de rituels contemporains. Animée du désir de porter un projet qui rêve l’avenir avec la jeunesse et lui donne corps par l’art, Kaori Ito se consacre à ce vœu en 2023 en prenant la direction du TJP, Centre Dramatique National de Strasbourg. Elle souhaite en faire un lieu de théâtre transdisciplinaire, interculturel et intergénérationnel qui défend la transversalité de l’art, l’importance des questionnements des enfants et leur implication dans les processus de création.

 

Également dans le cadre de l’ouverture de saison :
Manuel, laveur de mains
; Battle mon cœur et Issue de secours.

DE ET PAR KAORI ITO ET LOU RENAUD-BAILLY, MUSICIENNE DES PERCUSSIONS DE STRASBOURG

"" Sonic Temple #5 La lutte libre" : en un combat singulier! L'insoutenable poids des ondes. La frappe comme tonique sonore..

 


Méryll Ampe
a mené une longue enquête sonore au Mexique dans le contexte de la lucha libre, le catch masqué devenu symbole du pays. L’artiste pose le cadre — le ring imaginaire — d’une soirée où la musique devient elle aussi un sport de combat. Dans le bruissement de la foule des supporters se dégagent différents phénomènes de tradition expérimentale, des inspirations préhispaniques de Vica Pacheco aux maracas réinventées par Daniel Zea et François Papirer, en passant par la folk bruitiste de Julien Desprez. L’issue de la lutte est toujours une victoire, toujours une défaite. Alors, dans l’espace vidé de ses corps vaillants, de ses éclats et huées résonnent El llamado de Mario de Vega et les sifflets de la mélancolie.

Tonnerre d'applaudissements sur la bande son, sifflets, cris et rumeurs des houligans ou supporters d'un match invisible. C'est "Lucia libre" de Meryll Ampe 1st round comme prologue à la soirée Sonic Temple de MUSICA . Alors que le public s'installe calmement : Nicolas De Stael aurait adoré lui qui dans ses toiles sur les footballeurs revendiquait le son..Ici c'est le catch qui est visé, combat mexicain, masqué qui remplit l'atmosphère et l'espace de toute l'église St Paul.— C'est Gilles Olz qui succède à cette entrée en matière sonore avec deux oeuvres pour orgues: "Juan Cabanilles Pasacalles de 1tono" et "Estanciao Lacerna Tento de 6° tono": l "Primitivo" en création mondiale'instrument résonne et amplifie les sons par une gymnastique sonore incroyable...Belle image de l'instrumentiste aux commande dans une scénographie lumière adéquate.

"Primitivo" en création mondiale fait mouche. Dans un halo de lumières rougeoyantes, la silhouette du percussionniste se fait diabolique. François Papirer signe un opus digne de toutes ses capacités inventives et techniques, nourries d"une expérience prolifique et raisonnée d'un art de la percussion à perte de vue et d’ouïe. Les morceaux se chevauchent, s'articulent, s'emboitent et se superposent en nappes sonores denses et fluides. Celui ci est tel les sons de criquets, du ressac de la mer, de bâtons de pluie en tempête ou résonances percussives. Seul aux commandes il crée des univers singuliers, battements d'ailes d'un oiseau mécanique à la Hitchcock ou Nino Rota. Images cinématographiques qui sèment le trouble et mélange les genres... Locomotive, dynamo, moteur aérodynamique futuriste qui s'emballent autour de la nef et en font une performance de circuit automobile au Lingotto...Le sport est convié dans sa hargne, avec ses hordes de souteneurs infaillibles...Guerres, mitrailleuses, salves s'y rajoutent en un combat singulier tribal, la meute de sons rejoint les ondes déferlantes, les tonalités des matériaux préconisés. Coups de canon, feu d'artifice, pétarades et sirènes pour une réverbération du son amplifié par Daniel Zéa aux consoles. Les grésillements et scratchs comme ferments volubiles d'une musique tectonique à souhait. Murmurations célestes de bon aloi...

Une ou deux pauses encore en entremets ou entractes de Meryll Ampe pour nous ramener dans l'arène du jeu et du pain populaire : ça crie, ça cogne en "quatre boules de cuir", ça castagne pour une mise à tabac virtuelle. Tout bascule dans la vibration, la guérilla. pas d'arbitre dans cette embuscade sonore perpétuelle, sismique telle un tremblement de terre qui enfle et déborde.

Puis c'est "Animacy-or a breath manifest" que nous convie  Vica Pacheco: Foret vierge à l'ambiance végétale tropicale aussi soulignée par les pois de couleurs des spots à la Yayoi Kusama.

Julien Deprez à la guitare et au chant s'ingénie à crever l'espace avec "Simply Are": déflagrations et vibrations d'usine en délire technologique pour effets titanesques de bruits et de fureur.

Au final après ces secousses telluriques, "llamadot" de Mario de Vega offre des images de cracheurs de feu, de sifflements stridents, vibratiles persistants, amplifiés, solubles dans l'air en fragrances musicales détonantes. Les phénomènes géologiques et sociétaux de concert dans cet événement inclassable, "lutte libre" sans toit ni loi aux moeurs de notre temps: violence, décibels à fond...L'arbitre sifflera trois fois pour extension des feux de la rampe sur le ring invisible d'un film transparent, d'une éloquence des sons et des bruits de foules.. Un assortiment où "nos héros sont morts ce soir" "racing bull" ou "rocky"musicaux pour un match tonitruant vu des estrades confortables du spectateur, témoin de combats, de luttes, d'affrontements musicaux bien particuliers.

commande Festival Musica, production Festival Musica, avec le soutien de Césaré, Centre national de création musicale de Reims, Pro Helvetia et FONDATION SUISA (Daniel Zea, François Papirer Primitivo)

jeudi 28 septembre 2023 — 21h00
Église Saint-Paul