vendredi 29 septembre 2023

"Everything is important": Jennifer Walshe enflamme le Quatuor Arditti!

 


SPECTACLE

Tout, tout, tout peut être pris en considération en musique : le désastre écologique, les technologies numériques de contrôle de la société, l’accroissement des inégalités sociales… EVERYTHING IS IMPORTANT est peut-être le meilleur exemple de ce que Jennifer Walshe nomme « une nouvelle discipline ». C’est-à-dire une façon ouverte de créer, en prise avec le monde et usant de tous les moyens disponibles : la notation, l’improvisation, le texte, la vidéo, les actions scéniques, l’environnement, les avis et convictions de chacun, chacune, etc. Composée non pas « pour » mais « avec » le Quatuor Arditti, la pièce expose une liberté de penser et d’agir peu commune. Peut-être frise-t-on le relativisme ? Absolument, et celui de la compositrice irlandaise est strict et rigoureux, jubilatoire même, renversant tout procès en anticonformisme en affaire de sens.


création française

Jennifer Walshe Everything is important pour voix, quatuor à cordes et vidéo (2016)

Ecouter et voir le Quatuor Arditti est toujours un bonheur, un délice d'écoute : alors en compagnie de Jennifer Walsche c'est une surprise plus que déroutante. Les complices de toujours se piquent au jeu pluridisciplinaire de la performeuse-chanteuse avec malice, humour et engagement. Leur performance inouïe de servir cette oeuvre atypique est à saluer et l'on peut souligner leur aisance à se frotter à tous les registres. Cette opus très "nouvelle discipline" se révèle objet non identifiable tant les rebonds sonores, les événements vocaux versatiles s'accumulent et donnent le ton: irrévérencieuse prestation d'une trublione de la scène musicale auprès de solides interprètes aguéris à toute forme d'hybride, de baroque formel et c'est un phénomène dorénavant apprivoisé que cette formule spectaculaire originale qui mène sur les chemins du décalé, coupé, crié ou murmuré. La technique vocale usant et abusant de sautes de timbres, de hauteur, d'octave à profusion. Comédienne, chanteuse, performeuse Jennifer Walshe prouve ici que tout est important, rien n'a négliger dans la sphère de la recherche laboratoire de la musique indisciplinée, indisciplinaire...


performance | Jennifer Walshe

Quatuor Arditti
violon | Irvine Arditti
violon | Ashot Sarkissjan
alto | Ralf Ehlers
violoncelle | Lucas Fels

commande Internationales Musikinstitut de Darmstadt, Huddersfield Contemporary Music Festival, Gong Tomorrow (Danemark), November Music (Pays-Bas), Centre Culturel d’Onassis (Grèce) et le Quatuor Arditti
© Kai Bienert

Salle Ponnelle dans le cadre du festival MUSICA le 29 Septembre


"KV385" Séverine Chavrier, Pierre Jodlowski, Orchestre philharmonique de Strasbourg : chéri j'ai rétréci Mozart....

 


CONCERT MIS EN SCÈNE

La Symphonie Haffner de Mozart sur les planches du théâtre. Une dramaturgie de l'écoute.

Elle n’était plus qu’un numéro d’archive, un document, un code à déchiffrer. Auditeurs et auditrices, dit-on, s’en étaient lassés à force de l’entendre. Désormais, les musiciens œuvrent à la manière d’archéologues dans les dédales d’un site funéraire. Que peut encore nous dire une partition musicale issue d’un passé perdu ? Que révèlent ses différentes strates, ses codes et conventions oubliées ?

Le génie de Mozart : d’avoir été en avance sur son temps, de transcender les moindres formules musicales de ses prédécesseurs et de ses contemporains, et cela en revendiquant une indépendance que nul n’avait su atteindre jusque-là… Le panégyrique pourrait être infini, mais il retient plus rarement une autre qualité. Celle d’avoir été en avance sur le désespoir et de nous prendre aujourd’hui encore au piège de la mélancolie.

En usant des moyens du théâtre, Séverine Chavrier et Pierre Jodlowski sondent cet héritage sous la forme d’une expérience et d’une fiction musicale : cette Symphonie Haffner de Mozart, faisons mine de l’entendre pour la première fois et tentons collectivement de lui résister. Là où elle nous tient en joue — l’oreille comme cible —, décomposons et recomposons-la, pétrifions son harmonie, livrons ses motifs au chaos… et tentons ainsi, stoïques à l’écoute, de la déjouer.

Sur le plateau du TNS, une partie de l'Orchestre philarmonique, dissimulé derrière un rideau opaque, futur écran récepteur d'images. Et la musique de Mozart d'entonner ses poncifs archi connus en tranches comme des strates de millefeuilles sonores. Du classique déroulé de la symphonie Haffner, voici façonné un ouvrage en couches interrompues par des sons et bruits synthétiques de haute volée technologique. Interruptions dans ce vaste phrasé ainsi saucissonné en tranches toujours comme une architecture en déséquilibre instable, éphémère construction en devenir. La musique surprend, se hache, se coupe, se fractionne en suspension frustrante et castratrice. Le flux s’interrompt alors que la montée orgasmique des sons en plateau parvient difficilement a trouver son apogée. Les images de l'orchestre, enregistrées ou en direct impactent la dramaturgie, l'écran en bord de scène sème le trouble, des images de forets, d'arbres menacés de mort, de la neige au sol et des sapins décatis évoquent une catastrophe naturelle proche.Curieuse pièce courte où tout bascule entre classique et contemporain dans cette "new discipline" multimédia qui décortique, malmène et maltraite le son avec délectation et virtuosité technologique. Mozart rétréci, Mozart distendu, prolongé, pétri et endommagé à l'envi dans des intentions de déconstruction avouée d'une référence musicale galvaudée.
création mondiale

Wolfgang Amadeus Mozart Symphonie no 35 en ré majeur, KV 385, dite ”Haffner”

direction | Jean Deroyer

Orchestre philharmonique de Strasbourg

mise en scène | Séverine Chavrier
adaptation de la partition et conception électroacoustique | Pierre Jodlowski
scénographie et régie plateau | Louise Sari
vidéo | Quentin Vigier
régie vidéo | Claire Willemann
cadreur | Frédéric Letterier
régie générale et lumière | Germain Fourvel


 représentations au TNS dans le cadre du festival MUSICA
ven 29 sept - 20h30
sam 30 sept - 20h30


production Musica
coproduction Orchestre philharmonique de Strasbourg, CDN d’Orléans
avec le soutien du Théâtre National de Strasbourg et de la SACD

© Mathias Steffen
© Lukasz Rajchert


PERFORMANCE Kaori Ito & Lou Renaud-Bailly TJP CDN & Les Percussions de Strasbourg


 Le titre de l’un de ses spectacles l’avance – Je danse parce que je me méfie des mots (2015) : Kaori Ito, danseuse, chorégraphe, exprime par le corps ce qui ne peut se dire. Au fil des années, elle s’attache à dialoguer avec les gens et raconter des histoires, souvent intimes, parfois inventées. Sur scène, toujours en dansant et avec humour, prendre la parole est pour elle un moyen de s’ouvrir aux spectateur·rices et partager la danse avec les personnes qui n’en sont pas forcément familières. Elle aime le faire en improvisant avec un·e musicienne. Parfois il ou elle aussi parle et confie des anecdotes personnelles. Parfois il ou elle danse et Kaori Ito se met, elle, à jouer de la musique. Elle grimpe sur l’autre pour le·la déstabiliser. Iels restent disponibles à tout ce qui se passe. Une situation cocasse ou ridicule, le dialogue spontané entre deux personnalités, l’élan de la musique et de la danse, l’inattendu : tout ce qui compose la performance contribue à instaurer une relation simple, intime et touchante avec le public. Amatrice de ce format de jeu et de la surprise qu’il offre, Kaori Ito a performé avec de nombreux·euses musicien·nes, notamment Lucie Antunes, Elise Caron, Theo Ceccaldi, Christophe, Peter Corser, Médéric Collignon et Arthur H.

Pour cette ouverture de saison, elle invite dans la danse Lou Renaud-Bailly, musicienne des Percussions de Strasbourg.

Danseuse et créatrice depuis 20 ans, Kaori Ito cherche à faire émerger un mouvement vital qui relie les corps et fait exister le vide, l’invisible et le sacré. Née au Japon dans une famille d’artistes, elle se forme très jeune à la danse classique puis à la modern dance à New York. Interprète pendant plus de 10 ans pour de grandes compagnies européennes, elle ressent le besoin de créer sa propre compagnie afin de développer sa démarche artistique et son écriture chorégraphique. Elle fonde la compagnie Himé en 2015. Après une trilogie autobiographique, elle opère un retour à sa culture japonaise dont elle s’inspire notamment pour créer, en 2020, la première pièce où elle n’est pas au plateau. Convaincue de la nécessité de faire entendre la parole des enfants et de donner une place à leur créativité, elle commence en 2021 à créer avec et pour le jeune public. À la croisée des cultures et des langues, des courants, pratiques et disciplines, Kaori Ito développe un vocabulaire artistique hybride et une démarche de création sur la voie de rituels contemporains. Animée du désir de porter un projet qui rêve l’avenir avec la jeunesse et lui donne corps par l’art, Kaori Ito se consacre à ce vœu en 2023 en prenant la direction du TJP, Centre Dramatique National de Strasbourg. Elle souhaite en faire un lieu de théâtre transdisciplinaire, interculturel et intergénérationnel qui défend la transversalité de l’art, l’importance des questionnements des enfants et leur implication dans les processus de création.

 

Également dans le cadre de l’ouverture de saison :
Manuel, laveur de mains
; Battle mon cœur et Issue de secours.

DE ET PAR KAORI ITO ET LOU RENAUD-BAILLY, MUSICIENNE DES PERCUSSIONS DE STRASBOURG