dimanche 22 septembre 2024

"Cavacar": l'Ensemble L' Imaginaire et Sergio Rodrigo face à face.


 Une nouvelle génération dessine l’horizon de la création musicale en affirmant ses racines. C’est le cas de Sérgio Rodrigo qui développe une écriture musicale singulière à partir de sa culture brésilienne natale au prisme des enjeux politiques du métissage.

De cette petite guitare qu’il pratique en contexte populaire, le cavaquinho, il a transposé des sonorités, des rythmes et des modes de jeux, mais aussi et surtout une conception horizontale des cultures, des genres et des gestes. Interprétées par L’Imaginaire, ses partitions sont des récits intérieurs, des environnements, des corps et des attitudes.



Sérgio Rodrigo
, Cobra arco-íris, pour piano seul (2023)
Sérgio Rodrigo, Cosmogrammes, pour flûte basse seule (2023)
Sérgio Rodrigo, Cavacar, pour flûte, saxophone et piano (2023)

  1. You learned our nothing
  2. We are the invisible man
  3. Selfie with Milton, Hermeto and Moacir
  4. You exist and you are important to us
  5. Nana


Thibaut Tupinier, clarinette
Hugo Degorre, accordéon
Marin Lambert, percussion

 

Sergio Rodrigo et l'Ensemble l'Imaginaire


Sérgio Rodrigo un compositeur et multi-instrumentiste brésilien. Sa pratique artistique transite entre la musique classique contemporaine, la musique populaire brésilienne, improvisation, bande-son et création avec des ressources technologiques. Il collabore fréquemment avec des groupes consacrés à la musique de concert contemporaine, explorant également les échanges avec la musique populaire et des partenariats avec des artistes de la littérature, des arts visuels et du cinéma.

     Sa trajectoire académique consiste en une recherche d'une intégration entre l'activité de composition et la réflexion sur la création artistique. Pendant son master, il a présenté une réflexion sur la création musicale fondée sur la philosophie de Gilles Deleuze, sur la production pédagogique de Paul Cézanne et Paul Klee et il a abordé son propre processus de création en dialogue avec ces auteurs.

"Cobra arco-íris", pour piano seul (2023 – création)

Un opus intimiste où le piano en solo perle les notes dans une virtuosité sidérante : c'est un exercice remarquable d'interprétation méticuleuse pour engendrer une ambiance singulière.

"Cosmogrammes", pour flûte basse seule (2023 – création). Cette oeuvre est remarquable pour ce qu'elle délivre de tension, de recueillement et de concentration: il faut dire que le souffle de l'artiste très engagée, Keiko Murakami, est du "jamais entendu", inouïe performance de 25 min. L'interprète aux aguets, à l'affut, en préfigurant, anticipant chaque instant musical.Sons de clapets en écho, petit métronome constant du bout des doigts et jeu corporel engagé à l'appui. Un rythme haletant, audacieux et surprenant sourd de l'instrument comme un mugissement, un râcle: animalité de cette musique très charnelle, puissante et sensuelle. La cadence, la frappe aux abois pour un opus remarquable. Une performance qui maintient le publique en alerte, en haleine. Un miracle sonore des plus convaincant.

"Cavacar", pour flûte, saxophone et piano (2023 – création). 35 min.

"En tant que compositeur j’adopte une posture de « cavacar » les instruments pour lesquels j’écris en cherchant de nouvelles approches et techniques, en concevant chaque instrument comme un médium propice à la circulation de processus cinétiques et articulatoires spécifiques en accord avec cette conception rythmique.  Le jeu du cavaquinho relève d’un champ sémantique qui exprime le geste même qui implique son exécution : cavacar signifie creuser, remuer, tourner, tordre. C‘est sur le cavaquinho que j’ai commencé, tout jeune, à improviser, ou « cavacar » mes premières compositions. Musicalement, cavacar signifie activer et agiter la matière sonore par des gestes et des techniques spécifiques. C’est sa nature-même (celle d’un instrument à court temps de résonance) qui favorise un type de geste qui cherche une réactivation sonore permanente. C’est donc le rythme lui-même qui naît d’une condition fragile, d’une sorte de résonance minimale qui appelle un engagement corporel spécifique. Un aspect fondamental de mon approche de la composition réside exactement dans cette image qui entrelace le corps sonore et le corps humain"

. C'est comme une averse, une pluie de notes par temps gris. Des hallebardes en continu de notes et sons nous propulsent à bras le corps dans une atmosphère particulière: le trio comme une partition commune qui chaloupe, danse, se meut à travers les corps médium des interprètes. Des frappes sur les cordes du piano, des frottements sonores pour les vents: saccades, éclats et spirales du souffle, tectonique puissante du son. Un déchainement cacophonique sème le désordre, l'accalmie alterne pour une sorte de mélodie fluide: flux et reflux, remous, vagues déferlantes en alternance. Tempête et assauts de musique pour couronner ce combat sonore. Cette lutte en proie aux éléments fondateurs: rythme, hauteur, cadence et polyphonie de sons incongrus. En cercle autour du piano, le trio concocte une potion magique hallucinante qui conduit au ravissement: magie et hypnose se détachent de cette oeuvre passionnante, inédite, inouïe.

    Sérgio Rodrigo a étudié la composition à l’Université Fédérale de Minas Gerais (au Brésil), à l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, à Rome, et au Conservatoire de Strasbourg. Son travail de recherche en doctorat, mené sous la direction de Grazia Giacco, porte sur la relation entre l'expérience du rythme musical et l'immersion dans la matière sonore à partir des pratiques musicales de matrices afro-brésiliennes.

Ensemble L’Imaginaire
flûte | Keiko Murakami
saxophones | Olivier Duverger
piano | Carolina Santiago Martinez

Dans le cadre du festival MUSICA le 22 Septembre salle de la Bourse

"Rewire #2": Orphax & ensemble | Thomas Ankersmit | Grand River & Abul : le cosmos musical , planète terre et ciel.

 


CARTE BLANCHE


durée 3h

Le second volet de la carte blanche au festival Rewire est une échappée dans le ciel des électroniques introspectives d’aujourd’hui.


Orphax & ensemble, En de stilstaande tijd (live)

Orphax alias Sietse van Erve déploie sa fabuleuse machine à ressentir le temps en compagnie d’un trio acoustique.Et c'est l'envol plané d'un moment magnétique, cosmique au coeur de l'Eglise ST Paul, dorénavant le "lieu", l' "endroit" où la musique électroacoustique prend ses marques durant le festival MUSICA. Un écrin acoustique, une accessibilité au sol pour poser, étendre son corps, le temps de la vibration des ondes et palpitations de l'oeuvre. Les instruments acoustiques comme des révélateurs de l'ambiance, la doublure en cousu main des sons émis par l'électronique savante. Du charnel et de l'artificiel pour jouer du leurre et des métamorphoses polyphoniques.

Avec
musique et électronique | Orphax
violoncelle | Marie Schmit
flûtes | Anne Gillot
clarinette basse | Gareth Davis

 Thomas Ankersmit, Een aantal locaties (2024 - création mondiale) (live)

En maître ès modulaire, Thomas Ankersmit nous réunit autour du mythique synthétiseur Serge avec un projet inédit, dévoilé à Musica : « une sorte de musique concrète, mais entièrement faite de signaux électriques analogiques »

.C'est la guerre atomique, les salves, les bombardements qui font irruption dans ce chaos sonore troublant, émouvant, déboussolant de vérité Certes, nous sommes bien à l'abri des bombes et de leurs tourments, des mines et autres instruments de guerre. Mais si nos corps allongés étaient ceux des victimes de ces trombes de balles et de tonnerre furieux? C'est un moment crucial et hallucinant de tonus, de grésillements, frottements et autres sons de déflagration inquiétants...


Succède en contre point spatial l'opus de Grand River & Abul Mogard, In uno spazio immenso (live) 

A commencer par la sensation ambient de la rentrée 2024, la collaboration entre Grand River et Abul Mogard — aka Aimée Portioli et Guido Zen — tout juste paru sur le label light-years de Caterina Barbieri. Une ambiance planétaire, cosmique aux couches linéaires planantes pour clore cette nuit

 A ST Paul le 21 Septembre dans le cadre du festival MUSICA

 

 

"La Persévérance" Ensemble Klang & Asko|Schönberg: Alarmes citoyens!

 


Quand une fanfare à grand renfort d’instruments à vent croise le chemin de la musique contemporaine.

Fondée par Louis Andriessen et le saxophoniste Willem Breuker en 1971 pour jouer dans la rue et sur le terrain des luttes sociales, De Volharding (La Persévérance) est une formation iconique aux Pays-Bas dont les ensembles Klang et Asko|Schönberg animent aujourd’hui l’esprit et le répertoire. Pour Musica, les musicien·nes néerlandais·es interprètent des pièces emblématiques issues d’un répertoire de plus de 300 œuvres et couronnent leur programme d’un ciné-concert, M is for Man, Music, Mozart, né de la collaboration entre Andriessen et le réalisateur britannique Peter Greenaway.


 Démarrage de la soirée au Maillon, en fanfare avec l'oeuvre de Steve Martland, Danceworks 1 & 2 (1993) . Le chef danse déjà, le corps animé de mouvements chaloupées, ondoyants, tête et cou vrillés. C'est déjà de la danse minimale et fort belle à regarder, lui de dos bien entendu! Opus jovial, très entrainant, chaloupé, articulé,, membré de ses instruments à vent qui ont le souffle en poupe.  Dix en tout, toniques, face à un piano, une guitare. La puissance du basson, les répliques des trombones, tout concourt à un joyeux stunami sonore très vivant, balayant les feuilles mortes du concensuel. Un second mouvement introduit une sorte de mélodie entre jazz et ragtime, très remuante, rytlmé, éclatante. Une oeuvre de bon augure pour ce concert.


La seconde, de Julia Wolfe, Arsenal of Democracy (1993) est une alarte virulente, une alarme contre des menaces. Sur le qui vive toujours des déflagrations annoncent danger, et appellent à la riposte pas au consentement. Des sirènes, des secousses tectoniques de musique, des salves parcourent l'espace, la guitare sursaute et semble échapper aux mains de l'interprète. Le piano s'échine, entêté à briser ou renforcer ce chaos, cette débandade notoire. Les niveaux sonores, très contrastés en font tout un discours d'assemblée mouvante sur la "démocratie" gouvernementale. D'actualité brûlante...Prises de paroles des vents dans cette Agora fertile qui semble ne pas se laisser submerger. Forum aux ébats et débats houleux, plate-forme populaire et poétique du droit à la Musique pour tous.

 Succède l'oeuvre deAnna Meredith, Nautilus (2011) Sans naufrage ni débâcle, ce Nautilus navigue en eaux profondes sans heurt à grands coups de répétitions: sonneries d'alarmes de surveillance en délire incessant et obsessionnel, en fond sonore euphorisant, enivrant et hypnotique. Cacophonie joyeuse et prolixe, organisée, savante, multidirectionnelle à souhait. Telle une chevauchée de Western, où les klaxons seraient cris et bruits divers. Le chef prend la batterie en mains à contretemps, en frappes régulières, métronomiques. Fatras, bienvenu et décoiffant!


Au final, un "ciné concert" pour les nostalgiques du cinéma de Peter Grenaway et de son "Ventre de l'architecte" au fond "des jardins anglais"...Peter Greenaway & Louis Andriessen, M is for Man, Music, Mozart (1991)

Un petit bijou du genre où l'on retrouve avec bonheur la matière sépia mordorée des images de grimoire magique du réalisateur. Organiques, sensuelles, ces icônes parcourent le film et la musique se fond, langoureuse dans cet univers aux M magnétiques. Le M du mouvement l'emportant sur le reste. La danse de deux déesses nues, d'un faune également nu et poudré fait le reste.C'est comme au cabaret, au hammam, les enluminures exotiques et cachées, énigmatiques et secrètes se révèlent à l'oreille. A l'affut de cette virée fantasque dans le monde du luxe, du calme et de la volupté. Ballet érotique de nymphes gracieuses aux postures classiques, solo du gentil démon acrobate et virtuose, séducteur dégenré. Les agapes, la déca-danse au menu. Un coté expressionnisme allemand, ou pictural pour cette "leçon d'anatomie", ce laboratoire esthétique aux accents de musée. Sur une table de dissection simulée, un corps se love et jouit de sa beauté. Danse macabre, danse d'écorché dans un cabinet de curiosité. Momie organique, rituel du sang, du liquide: la musique épouse cet univers sensuel, de chair et de bruissements. Kurt Weill en filigrane ou autre un intrus comme références et citations. Douceur suave de la formation musicale après extinction du film pour repartir sous le charme peu discret de Greenaway. Nostalgie, j'écoute ton nom.


direction | Joey Marijs
voix | Michaela Riener


Ensemble Klang / Asko|Schönberg
flûte | Marieke Franssen
cor | Elisabeth Otra
trompette | Bianca Egberts, Maarten Elzinga, Arthur Kerklaan
trombone | Anton van Houten, Koen Kaptijn, Marijn Migchielsen
saxophone | Michiel van Dijk, Daan van Koppen, Erik-Jan de With
basse électrique | Jordi Carrasco Hjelm
piano | Saskia Lankhoorn


dans le cadre de Nord Sonore, musiques aventureuses des Pays-Bas - projet initié par et avec le soutien du Performing Arts Fund NL

Au Maillon le 21 SEPTEMBRE dans le cadre du festival MUSICA