dimanche 6 octobre 2024

"Rosas Danst Rosas" Anne Teresa De Keersmaeker | Rosas: danse en état de siège.

 


DANSE | WORKSHOP | FLASHMOB au Centre Georges Pompidou
Artiste d’exception, la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker a partagé au Centre Pompidou-Metz sa célèbre pièce Rosas danst Rosas sous forme participative avec le public.  Laura Maria Poletti, danseuse de la compagnie Rosas, a proposé aux participant.es d’aborder les matériaux et les principes d’écriture qui président à la création de la chorégraphie créée en 1983.


En 1983, Anne Teresa De Keersmaeker s’imposait sur la scène internationale avec Rosas danst Rosas, un spectacle devenu depuis lors une véritable référence dans l’histoire de la danse postmoderne. Rosas danst Rosas approfondit la veine minimaliste ouverte avec Fase, Four Movements to the Music of Steve Reich (1982) : des mouvements abstraits constituent la base d’un riche contrepoint chorégraphique dominé par la répétition.
La véhémence expressive de ces mouvements est contredite par la trivialité des petits gestes quotidiens. Quatre danseuses « se dansent elles-mêmes » sans un seul instant de relâche. Leur obstination — jusqu’à l’épuisement — entre en contraste avec l’impeccable structure formelle de la chorégraphie. Les boucles rythmiques de Thierry De Mey et Peter Vermeersch (une musique répétitive qu’ils désignaient comme maximaliste) ont été composées durant le processus chorégraphique. Au Centre Pompidou Metz, le deuxième mouvement de Rosas danst Rosas
sera interprété par quatre danseuses qui faisaient partie de la dernière reprise de cette œuvre emblématique en 2017.

 


Le grand hall du centre Pompidou Metz est devenu nef de la danse et la tectonique de son architecture rejoint celle de la danse d'Anne Teresa de Keersmaeker dans une audace vertigineuse et tonique. La musique de Thierry de Mey épousant de ces pulsions fiévreuses et obsessionnelles dans une joie et effervescence diabolique. Les quatre danseuses, "assises" sur des chaises alignées font se révolter l'espace, le font grandir et magnifient un univers hypnotique, irréel. Les corps sont autant souples, alanguis, nonchalants, que rigides, toniques et mus par une énergie féroce, maitrisée, calculée à la croche près. La rythmique est infernale et coupe le souffle de celui qui regarde, actif participant en extrême proximité de cette messe pour un temps présent effréné.On ne les quitte plus des yeux, elles fascinent, toutes complices de regard et de possession. Ce quatuor légendaire, signature de la démiurge chorégraphe fonctionne à fond et ne se perd pas dans ce vaste espace dévolu à l'art contemporain. Une plate forme idéale pour cette pièce qui ne cesse de secouer, d'ébranler l'écriture chorégraphique "minimaliste" mais jamais abstraite. Les corps vêtus de tuniques dévoilant épaules et nuques, les cheveux comme des prolongations de mouvement, les leggings et soquettes comme costumes de peau à danser comme des folles créatures échevelées pourtant très "policées". Un moment de grâce époustouflant qui n'a pas perdu une ride de tonicité et de magnétisme.

Au Centre Pompidou Metz les 5 et 6 octobre dans le cadre du festival MUSICA METZ

"Mirlitons" François Chaignaud | Aymeric Hainaux. Flammes and C°...

 


Au lendemain d’une défaite à venir. Les corps sont repliés, effondrés, inconscients — frappés peut-être par une colère divine. Mais progressivement ils se réaniment, s’amplifient, s’abandonnent à la vie une fois encore.Entre Aymeric Hainaux et François Chaignaud, l’espace d’un dernier rite se dessine. Le beatboxing du premier libère les claquettes amplifiées du second. C’est la lutte de la bouche et des pieds, et leur fusion en une créature musicale hybride. À travers cette transe païenne ultime, errance statique, tableau vrombissant, transparaît l’envers, le mirliton, un sifflet enfantin comme un souvenir perdu, un poème sans prétention.

Il traine un homme comme un cadavre ramolli dans un linceul de velours rouge qu'il jambe par la suite.... Ce dernier entame une respiration percutante qui ne le quittera plus: tambour en expiration sempiternelle. La vie demeure intacte. Pieta étouffante en portée tourbillonnante avec un hameau de cliquetis fait de pins enchevêtrés. Tout un programme de percussion intime venue du souffle, du coffre, des côtes et cage thoracique du compère de François Chaignaud. Micro tendu exaltant vent et expirations. Les deux hommes juchés sur un carré d'estrade minimal. Chaignaud en épouvantail de cuir , un bâton sculpté à sabot de bouc sur les épaules.Maléfique effigie, animal qui sème de ses sabots noirs des claquettes et des frappes au sol de flamenco. Traçant des cercles de craie magique quasi d'inspiration de ronds de jambe classiques. Une présentation solennelle des deux bâtons magiques comme porte drapeau d'une danse rituelle bordée de clochettes en grappes sonnantes et trébuchantes. Les sons des percussions thoraciques et des pas au sol amplifiés par un mur d'enceintes en fond de scène. Transes rythmiques avoisinant l'hypnose pour les spectateurs réunis en cercle autour de cette joute fantasque. Tremblements, tétanie, possession de ces sauvages, fous de danse, cheveux débridés touffus dans une montée en puissance du son assourdissant. Ils crèvent et brulent les planches de leur flammes and c° résonnant et indisciplinaires: irrévérencieux en diable. Nus pieds pour l'un, pointes flamenco pour l'autre dans un exercice virtuose de tours et martellement. Tels des sabots de bouc émissaire, ensorcelé, rituel de bergers qui sautent et sursautent. La perte, l'épuisement des corps comme credo ensorcelant. Une petite pause salutaire pour un changement d'oripeaux, de peaux de cuir et c'est reparti pour une session. De la voix surgit. Les sabots transformés en chaussons douillets blancs pour feutrer le son, glisser. Un turban de serviette de bain pour essuyer la sueur perlant des pores de cette peau du monde, peu d'animal aux abois. Chaignaud en Noureiv transpirant, moulé dans un legging blanc, Galvan-isé par les spasmes et zapateados de la rage flamenca. Outrepassée par une verve d'enfer, une tonicité, des muscles bandés par l'effort et la lutte avec le sol, avec l'autre. En un combat singulier devant nous , nous alpaguant. Un cache-coeur, caraco pailleté de pins résonants de toute beauté plastique. L'endurance, la résistance rivées au corps.Tel une ballerine qui se déglingue, Chaignaud exulte, rayonne, toréro de haute voltige face à son "batteur" corporel, son adversaire- compère idéal de joute. Danse sur pointes de chaussures flkamenco comme sur des lames de couteau à la Javier Perez, pour "sur le fil".Chaussures à la Iris van Herpen




Une chute, pieds en l'air, un pas de deux, adage où ils s'étripent joyeusement, se cherchent la bagarre, la zizanie. Pulsations toujours, étouffées parfois, figure scupturale de piéta: que de bonnes vibrations partagées que ce duo-duel infernal sorti des flammes d'un paradis en perdition joyeuse et païenne. Derrière le mur d'enceinte, ils disparaissent ces deux diablotins  monstrueux comme absorbés, dévorés par la matière sonore. Demeure un léger sifflement d'oiseau prometteur de rédemption. Lucifer et son double consumés.

 

conception et interprétation | François Chaignaud, Aymeric Hainaux
collaboration artistique | Sarah Chaumette
lumières | Marinette Buchy
régie générale | Marinette Buchy, Anthony Merlaud
son | Aude Besnard, Patrick Faubert, Jean-Louis Waflart
costumes | Sari Brunel

 A l'Arsenal le 4 Octobre dans le cadre du festival MUSICA


vendredi 4 octobre 2024

"Rififi, la comédie musicale" : une revue sacrément "palpitante"!


 Paris dans les années 1930. C’est l’histoire d’un amour contrarié entre Vincent et Rose.
Lui est chorégraphe, apprécié dans les grands music-halls de la capitale. Elle est danseuse dans un petit cabaret louche.
Vincent veut engager Rose dans son prochain spectacle, mais elle est la fiancée de Gus, « l’Elégant », le chef d’une bande de malfrats. Quand Gus, jaloux et possessif, découvre leur amour naissant, il s’arrange pour faire accuser Vincent d’un crime qu’il n’a pas commis. Ce dernier est alors obligé de fuir la France et se réfugie à La Havane. Il se laisse aller au désespoir et devient bientôt une loque traînant de bars en bars. Il y fait la rencontre de Howard Smith, un riche homme d’affaires français ayant fait fortune aux Etats Unis, et grand amateur de music-hall. De leur rencontre va naître un nouveau projet à Broadway, mais aussi un nouvel espoir pour Vincent.
Ce nouveau départ va-t-il lui permettre de revenir à Paris pour prouver son innocence, laver sa réputation et retrouver son amour perdu ?

« Rififi, c’est offrir au public un moment hors du temps pendant lequel il va se sentir envahi d’un sentiment de joie et de plaisir. C’est rire, s’émerveiller, tomber amoureux des personnages, voyager et avoir envie de fredonner les chansons entendues en sortant du spectacle… Et pourquoi pas avoir envie d’esquisser quelques pas de danse ? » Jean-Luc Falbriard


Tout démarre en trombe dans un rythme éffréné qui ne cessera deux heures durant. On y brosse un tableau croustillant, préambule ou prologue aux chapitres suivants: c'est Paris, son coiffeur, son bistrot, son marchand de fleurs et le cabaret "Plum'art. C'est tout Pigalle réuni, son "aquarium" à maquereaux comme place principale. Beau tableau vivant où les personnages, protagonistes de l'histoire, se présentent à toute vitesse. Entrée en matière qui annonce la couleur et le rythme tambour battant mené par l'orchestre "de chambre" derrière son petit rideau noir.Le ton est coquin, malin, endiablé, de mise pour le sujet abordé/ Les "malfrats" de Panam ou Pantruche pour les intimes, trois voyous, braqueurs de charme qui jouent les méchants. Les imbattables habitants de cette plaque tournante désopilante. Trio de choc que celui formé par Francesco Gill, un Gus malin et fourbe, arriviste et jaloux, Seppi l'Alsacien , un Raphael Scheer en grande pompe et Alexandre Sigrist en Teigne au diapason.Des bandits de grand chemin au turbin pour effectuer leurs larcins. Serait-on dans la pègre, le pays des condés, ou le royaume des malins du système D des embrouilles?  Un bel homme charmeur se profile dans les coulisses du cabaret-lupanar de luxe.Dans un solo magnifique inspiré de "Chantons sous la pluie"Jean François Martin se la joue Jene Kelly. Le réverbère faisant le reste.


Solo d'un chorégraphe tombé subitement amoureux de Rose, danseuse et chanteuse, propriété artistique et affectueuse du taulier, Gus. Enjôleur, timide, réservé, le voici embarqué dans une folle aventure où la femme désirée, Rose, une Léa Guérin savoureuse et enchanteresse s'affole à l'idée de trahir son souteneur. Sa frangine de coeur et de scène, "La Toupie", Mathilde Melero comme confidente, conseillère et soutient indéfectible. On serait presque aux Folies Bergères ou au Moulin Rouge. Un rêve que caresse Vincent en compagnie de Rose. Mais les affaires se compliquent et au coeur du dressing multicolore, les secrets, aveux et intriques se délivrent à l'envi. C'est excitant, emballant et haletant. Les saynètes s'enchainent bordée par la musique toujours aux aguets de l'action et de la narration. Signée Romain Schmitt et menée par quatre musiciens aguerris, les mélodies, chants et texte sont bien roulés et étonnent. La verve, le tonus des interprètes faisant le reste! Les profils de chacun se précisent, leurs intentions, bonnes ou mauvaises aussi. Gus aux consoles de ce navire déboussolé, Francisco Gil parfait petit homme de paille qui se croit grand seigneur, voix et diction au top pour incarner ce pantin de pacotille...Du talent à revendre chez chacun sans omette René, un Jean Luc Falbriard qui endosse le r^le de l'arrangeur complice ainsi que le futur Fratelloni du second acte. Habile, agile et souple personnage qui hante le plateau qu'il met en scène avec le brio qu'on lui connait. L'art de faire se déplacer les foules, de focaliser l'intrigue sur les personnages qu'il façonne à l'envi de sa patte de directeur d'acteur sans faille, à l'écoute de chaque personnalité créative: les interprètes alors au mieux de leur forme.Sabrina Rauch, irrésistible femme de compagnie de ce grand bordel, bazar des intrigues et du charme pas discret de cette joyeuse assemblée. Un petit solo à la Liza Minnelli pour enrober les coeurs, faire chavirer ses hommes, gardienne de cette baraque, boutique fantasque des désirs et de la cupidité. Et le Clou, Dominique Grylla d'en remette une bonne couche d'humour, de malice débonnaire, de bonhommie décapante. Le "palpitant" -le coeur en argot titi parisien-vedette de ce show à l'étuvée, de ce panorama burlesque d'une micro-société sympathique malgré ses travers. Le ton monte, le meurtre arrive pour dénoncer et faire leurre pour chasser l'amour des deux pigeons, Vincent et Rose: c'est la vie!Chacun fait de l'autre son affaire et cela se complique énormément en fanfare et tambour battant.

Jusqu'à nous mener à l'exil du héros, à la Havane, on s'offre une nouvelle vie,histoire de disparaitre de ces intrigues.Changement de décor, au "Blue-rose"de lieu et d'action pour pénétrer un univers de fête et de nonchalance. Les personnages sont "masqués" derrière d'autres rôles et une jolie confusion s'installe. On y retrouve Vincent exilé, toujours amoureux, esseulé aux prises avec un bandit richissime Howard Smith. Les rêves semblent se réaliser: celui d'un cabaret "Le Paradis(latin)? Belle occasion pour la chorégraphe Pippa Simmons de s'atteler à des morceaux de bravoures, danses de cabaret bien relevées, unisson de gambettes proches du Cancan d'une "Goulue" ou "Grille d’Égout". Les quatre danseuses et deux danseurs au top dans des costumes tout rose, seyants signés de Florence Bohnert: un panel de brillant, de couleurs, et d'inspiration music-hall de toute beauté et inventivité. Les escaliers, rampes et autres supports pour mieux magnifier les corps chatoyants en mouvement. Les plumes au final, les ronds de lumière très Crazy Horse pour fignoler les aspect musi-hall de plumes et de paons.. Menottes au poing pour quatre taulards resplendissants, micmac et aventures en ressort!C'est drôle et réjouissant: mener la revue et corrigée de toutes pièces pour ce gala tonitruant, mis en scène sans faille. La trahison, l’amitié au chapitre des émotions et du récit qui passe comme une lettre à la poste. Rififi, c'est aussi une mélodie du bonheur, une comédie  musicale qui fera du bruit et des remous dans l'univers de ce registre pas si simple à mettre debout. Une réussite pour Jean Luc Falbriard toujours au poste, livret en main, clef de voute, fédérateur d'énergie et de complicité. Un bain de jouvence à recommander sans modération

Avec : Jean-Luc Falbriard, Francisco Gil, Dominique Grylla, Léa Guérin, Jean-François Martin, Mathilde Melero, Sarah Puydoyeux, Sabrina Rauch, Raphaël Scheer, Alexandre Sigrist (ou Sébastien Dubourg)

L’ensemble chorégraphique : Joris Conquet, Mickey De Marco, Lilou Larre, Hilla Levy Aslan, Manon Lorre, Daphné Schlosser (ou Charlotte Duez)

Les musiciens : Raymond Halbeisen, clarinette, saxophone ténor / Laurent Wolf, flûte, saxophones / Serge Haessler, trompette, cor d’harmonie / Sylvain Troesch, guitare, banjo / Jérôme Wolf, contrebasse / Michel Ott, piano, claviers / Romain Schmitt, batterie, percussions et direction d’orchestre

Assistante au metteur en scène : Christine Denis
Scénographie : Mathilde Melero
Costumes : Florence Bohnert, Magali Rauch et Julie Desmidt
Habilleuse : Emmanuelle Maribas
Maquilleuse : Hélène Durli
Régisseur lumières : Xavier Martayan
Régisseur son : Mathieu Pelletier (ou Mailys Trucat)

 A l'espace K jusqu'au 31 Octobre