mercredi 20 novembre 2024

Gaël Santisteva, Saaber Bachir & Antoine Leroy. "Voie, Voix, Vois" : que vois-je sur la voie publique à voix haute? VVV....


Voie, Voix, Vois

Objet scénique pluriel et inhabituel, Voie, Voix, Vois est né d’une rencontre aux Ateliers Indigo. Cette association bruxelloise accompagne une vingtaine d’artistes en situation de handicap, dans des ateliers d’art plastique, de la scène et de la musique. Le musicien Antoine Leroy et le danseur et comédien Gaël Santisteva nouent une amitié et des affinités artistiques avec le plasticien-poète-acteur Saaber Bachir. Leur trio trouble les textures vocales et textiles afin de bouleverser l’ordre établi. La ventriloquie est détournée par modification électronique des voix, mais aussi par la prise de contrôle physique des partenaires de jeu sur scène. En maître de cérémonie, Saaber dirige, manipule, dicte le tempo et oriente les regards pour nous offrir sa propre vision des choses. Sur fond de sound system déstructuré, la normalité et la norme se trouvent questionnées, chamboulées dans leur frottement avec la légitimité, la soumission et le contrôle.

Belgique trio création 2023 

C'est un régal gourmand, ce trio atypique qui mène bon train un show en short de guépard, casquette et baskets de circonstance. Comme des marionnettes ils se manipulent et le son de leur voix n'est autre que celui du manipulateur. Effet de leurre garanti et trouble de surcroit pour ces duos drôlatiques et farceurs. Farce et tribulations de trublions de la scène que ce trio de fortune très riche en répliques, récits et autres histoires de verbe, le tout métamorphosé par des micros amplificateurs et tordeurs de sons. Ça cause et ça discute, ça polémique et ça enchante le plateau. Trois garçons dans le vent d'une balise-drapeau peuplée de chevaux esquissés, d'un tapis orange fluo fait maison, brodé d'une figure de cheval-licorne magnifique. Histoires de chevaux, d'équidés en tout genre pour un voyage chez ces animaux "sauvages" et beaux "Je me voyais déjà" sur un plateau de TV , hanté par des hauts-parleurs très design, façonnés par le musicien lui-même à la recherche de formes et de sons. Mégaphone en céramique rappelant des coiffes ou entonnoirs stigmatisant les fous du roi. Antoine Leroy aux commandes de cette recherche plastique et esthétique très réussie. Alors que ses deux compères, compagnons de route arpentent la scène en bavassant, sautillant, faisant la roue. C'est espiègle et malin, mutin et plein de charme. Les voix sont sur les chemins de traverse et le sentier de l'âne, sur la bonne voie. Et l'on y voit que du feu en empathie totale avec cette évidente simplicité de la représentation. Le pavillon en poupe pour mieux entendre les sons déformés des voix, pavillons de phonographes ou de mégaphone, chapeau, coiffe ou parure fort seyants. Les trompettes de la mort comme instrument de musique où il vaut mieux ne pas souffler! Ce cheval de trois comme une figure de parade, de carnaval. Leurs chansons, c'est pas du pipeau Des éclairages de boite de nuit pour illuminer l'ambiance et faire danser les pupilles rivées sur ce petit monde bigarré et sympathique. Mustang comme égérie et passion pour Saaber Bachir dont l'amour des chevaux transparait sans frontière. Ils semblent indomptables nos héros de pacotille et dotés d'un pouvoir magique: celui de conter fleurette et d’enjôler le public avec trois fois rien d'humain, de fraternel. Émouvant spectacle généreux, cent pour cent pur sang, sans queue de cheval ni tête de mule. Gael Santisteva comme homme orchestre et capitaine, figure de proue d'une formation collective bien individualisée pour qu'aucun ni perde son identité!



Et Georges Federmann et son chapeau entonnoir de fou...pour référence locale....



Le chapeau juif, connu aussi sous les noms de coiffe juive, Judenhut ou hoods en allemand et de pileus cornutus (calotte à cornes) en latin, est un chapeau pointu infamant en forme de cône ou d'entonnoir renversé, blanc ou jaune, devant être porté par les Juifs dans l'Europe médiévale et parfois dans le monde islamique ...
 
A Pole Sud le 20 Novembre

mardi 19 novembre 2024

L'heure joyeuse - Pulcinella: heure exquise qui vous grise...Allègrement!

 


L'Orchestre propose un nouveau rendez-vous ! En formation symphonique, les musiciens interprètent des pièces phares de la musique classique. Un concert d'une heure qui se glisse joyeusement dans le quotidien.Stravinski visite le passé, se penche sur la musique de Pergolèse, écrit Pulcinella et en tire une Suite pour orchestre. Le hautboïste Pasculli brode sur un opéra de son temps et fait briller son instrument face à l’orchestre dans un concerto virtuose. Tisser des liens entre les œuvres, les époques… quelle source de richesse ! Deux pièces à découvrir durant cette « heure joyeuse ».

Le bel hautbois dormant.

Antonio Pasculli
Concerto pour hautbois sur des motifs de l’opéra
La Favorite de Donizetti, arr. G. Silvestrini

De cette oeuvre, l'orchestre et sa chef Emilia Hoving en font une ode à la joie, au tonus et à la malice d'une écriture pleine de verve et de rebonds. Le hauboïste Sébastien Giot se donne en virtuose avec son instrument rivé au corps comme une voix issue de son souffle teintée d'une véritable tessiture. Son chant est celui d'un "bâton de bois mort" que le souffle anime et fait vibrer comme des cordes vocales frappées par la respiration. Un véritable enchantement que ce leurre entre voix et instrument, prolongation du corps. L'homme, l'interprète et son "son" très personnel. Une touche, une rare personnalité invitée bientôt à intégrer l'Orchestre de la Philharmonie de Paris.

leonide massine

Le Polichinelle idéalisé

Igor Stravinski
Pulcinella, Suite pour orchestre

Ce ballet, à l'origine commande de Diaghilev à Stravinsky en version "concertante" est un joyaux de style néo-classique, comme à l'époque la chorégraphie et la danse de Léonide Massine.En fermant les yeux on imagine Tamara Karsavina séduisant ce Polichinelle aguicheur. L'Orchestre, très à l'aise sous la direction très gestuelle, toute en cercles, volutes et arabesques de Emilia Hoving, très vive et pleine d'enthousiasme contagieux. Les sonorités se font inspirées de sources italiennes et revêtent parfois un caractère quasi hispanisant.Épure et grâce d'une musique à danser sous ses plus belles tarentelles, gavottes et autres références rythmiques et chorégraphiques.

Distribution Emilia HOVING direction, Sébastien GIOT hautbois
Lieu
Cité de la musique et de la Danse le 19 Novembre

 

samedi 16 novembre 2024

ONE SONG , Histoire(s) du Théâtre IV , Miet Warlop : en forme olympique!

 


Acclamé par la critique, cette longue chanson est avant tout un morceau de bravoure athlétique et musical, un déferlement d’énergie vitale pour la relecture d’un requiem : en 2005, la metteuse en scène Miet Warlop avait conçu Sportband / Afgetrainde Klanken comme un hommage à son frère décédé. Vingt ans plus tard, elle relit la pièce à l’aune d’une œuvre qui s’est entre-temps imposée sur la scène internationale, et lui donne une teinte nouvelle. ONE SONG
est aussi inclassable que ne l’est son autrice, qui aime mettre à bas les conventions, avec humour et finesse. À commencer, ici, par la différence entre le sport, la musique et le théâtre. Encouragé·es par leurs fans enthousiastes, et accompagné·es par un pom-pom-boy dévoué à la cause du spectacle, cinq musicien·nes sautent, courent, marchent sur une poutre, font des étirements… à moins que ce ne soit cinq athlètes au violon, à la contrebasse, à la batterie ? Dans cet étrange meeting sportif qui mêle le rire au chagrin de la perte, chaque note nécessite un effort. Une performance, dans tous les sens du terme.

Sur une tribune, une speakerine s’égosille dans un mégaphone: arbitre tri-jambiste de handy-sport son discours inaudible se transforme en fou rire alors qu'elle présente les cinq joueurs de la soirée. Une majorette à plumes se dandine alors que sur des gradins, cinq supporters vont peu à peu se mettre en mouvement. Le tableau est brossé, l'échauffement des athlètes peut commencer, offensif, forcené. Petite course de fond aller-retour sur fond de métronome. Une violoniste grimpe sur la poutre et n'aura de cesse de jouer sur une jambe, en arabesque équilibriste. Le violoncelliste adopte la position couchée, à l'horizontale. Un plancher roulant pour le coureur de fond, un trampoline et des espaliers pour le quatrième larron. Alors qu'un drapeau flotte au vent, les hostilités démarrent: cinq places de percussions pour un batteur de choc et ses vibrations tectoniques, comme leur gymnastique tonique: le tout compulsif et hystérique à souhait pour éveiller les consciences, travailler sur la perte, la performance sportive, l'achèvement des héros d'un jour sur la piste aux étoiles. Le rythme s'accélère, démoniaque, hypnotique et nos oreilles "qui n'ont pas de paupières" songent aux bouchons . Un peu de Bach au violoncelle pour calmer les passions et adoucir les moeurs et ça repart. Ceux qui encouragent s'agittent frénétiquement, brandissant leurs slogans sur banderoles. TGV, très grande vitesse pour cette performance épuisante: un voyage virtuel où la course contre la montre dépasse et franchit les bornes de l'entendement. Un peu de ping pong sans filet, balles au bond et c'est une pause salvatrice, gestes au ralenti qui ponctue le show. Une majorette s'épuise à faire le pom pom boy et installer un jeu de scrabble géant. Calme apparent qui cache la future tempête... Des bruits d’effondrement, de salves se font entendre comme une métaphore  de destruction massive des corps en surpuissance. Accalmie de courte durée dans cette météo de cataclysme et tsunami prévisible. Nos anti-héros épongent le sol humidifié par une pluie survenue de nulle part avec leur t shirt, désacralisant le gadget et le produit dérivé de compétition. Les numéros affichés sur les corps en faisant de gentilles bêtes de somme à regarder, observer. Les basses tâches pour tous: très "zen". Horde sauvage, cette tribu, collectif doux dingue évolue dans le stress et la virtuosité, la résistance et l'endurance. Hilarant et agaçant . La percussionniste s'effondre et souffre à vue. Dans du talc ou colophane répandue au sol. Sur les tribunes les spectateurs en transe, en empathie totale avec les athlètes s'adonnent au rituel du frappement des mains pour encourager ce petit peuplé enragé. Elle court, elle court, la dépense et l'on achève bien vite les chevaux dans ce stade intérieur, gymnase ou salle d"évolution pour "martyrs". Tout est blanc, très clinique, clean et assourdissant de décibels et rythmes binaires. Le violoncelle a grimpé sur la poutre, la surdose de percussions explose et maltraite les tympans. Tout s'effondre alors, seul le tapis roulant travaille encore à charrier des fantômes. Le drapeau flotte, pavillon de détresse de mauvaise augure. Essoufflé le major d'homme se rend et capitule. Débâcle et débandade pour tous.Seule l'arbitre est rescapée sur cette arche de Noé désertée, sinistrée. L'hymne international au poing fait se redresser la troupe galvanisée par les ovations du public... Les JO fédérateurs et politiques rappellent à l'ordre les joueurs et supporters. La Cène finale à douze apôtres couronne Terpsichore en baskets avec brio. C'est la lutte finale.

Présenté avec POLE-SUD, CDCN au Maillon jusqu'au 16 Novembre