mardi 17 décembre 2024

"Des berceuses pour nos âmes": debout, les Voix de Strass!

 


"Des berceuses pour nos âmes", onzième mosaïque de Catherine Bolzinger pour Voix de Stras'.
« Se laisser bercer, laisser son âme être emportée par la musique : c’est le pari de Catherine Bolzinger, à travers sa onzième création a capella pour Voix de Stras' - Catherine Bolzinger.
Une mosaïque sonore imprégnée des voix de ses chanteuses ; une composition sur-mesure à fleur de peau, en toute intimité.
"Catherine Bolzinger catharsise les émotions. Ma coquille se perce puis s'en échappe tout un panel de frissons. Je chemine entre empathie, douceur, colère, sérénité ; je me laisse aller, je m'imagine danser avec les notes… le temps d’une ballade.Dans cette entrée au répertoire, la beauté de la résilience trouve son expression grâce à la plume délicate de Catherine Bolzinger. »
©Lily Causse rédactrice, musicienne
“La musique exprime ce qui ne peut être dit et sur quoi il est impossible de rester silencieux.” Victor Hugo
 

Et nous voilà embarqués pour une soirée de rêve, d'utopie, de charme tout court.Mais aussi de méditation et de gravité. Une "introduction douce" avec "Les Berceaux" de Gabriel Fauré revisité en autant de couches, strates comme un palimpseste radieux fait de touches singulières. Les voix sont claires, affirmées, douces, enjôleuses et réconfortantes."Dandini", la berceuse turque de Burak fait suite presque hispanisante teintée d'orientalisme et de plénitude vocale envoutante. Un bel alliage, une alliance de timbres de sopranos très colorés et variés fait de canons, ricochets et échos: c'est le don singulier de Catherine Bolzinger que de fondre, malaxer et adapter des morceaux de choix où se réveille l'inconscient collectif de l’ouïe, du souvenir. Les harmonies frissonnent, s'élèvent vers les cieux alors que le côté terrien est bel et bien inscrit dans le sol! Comme un jeu de Lego, les intrusions, constructions façonnent une architecture sonore bien campée, debout, ferme et solide. "Hiver 2" d'après Vivaldi clôt le chapitre ainsi qu'une "Berceuse yiddish" de toute beauté et sérénité. Les voix y sont tantôt feutrées, tantôt vives et exubérantes, se soulevant comme pour une insurrection sonore et corporelle: poétique et politique.
 Une berceuse tectonique
Seconde partie tant attendue et introduite par la compositrice: "Des berceuses pour nos âmes" d'après Pergolèse, Gouvy, Casals, Bach et des berceuses yiddish, séfarade, palestinienne, sud-américaine et anglaise: une "mosaïque" signée de main de maitre.
 

Un kaléidoscope musical à rebondissements et ambiances très contrastées. Des échappées vocales virtuoses, ponctuées de silences, s'élèvent , s’épanouissent dans une ambiance et atmosphère de recueillement et de franche tonicité. Des forte vibratoires, plein de nuances, des plaintes, des murmures s’égrènent au fur et à mesure. Une virulence parfois, rehaussée de tendresse et de complicité entre les interprètes. Ces dernières jouant, interprétant avec délicatesse, finesse et engagement total cet étrange opus qui ne ressemble à rien d'autre que lui-même Les citations s'y glissent, s'y développent puis se retournent comme des gants pour créer d'autres mélodies aux timbres si précieux, audacieux, fragiles. Les tenues sont impeccables, nuancées, pesées comme de l'or. 


Au final utopique c'est "Youkali" d'après Kurt Weill où chacune explose entourant la principale interprète de la mélodie. Un accompagnement original bordant le tout. Beaucoup de musicalité, de balancement dans cette errance nostalgique. Encore une belle adaptation de Catherine Bolzinger!
"Zingarelle" d'après Verdi met en joie ce choeur de femmes a capella dans l'enceinte magnétique du Temple Neuf qui ce soir là semble dévolu entièrement à la prière musicale. Et pour clore en beauté ce récital-concert atypique "Dans nos rêves" fonctionne comme un petit inventaire malin et humoristique de mélodies et chansons plus populaires dont "une chanson douce"... On se cajole, se réconforte, on se console auprès d'un prince charmant ou d'une maman protectrice.
Pour terminer un "Voi que sapete" de Mozart aux petits oignons: fusion entre la voix mélodique et le choeur, jeu et mimiques, corps investis et dansant pour une version très coquine et enjouée.
“Des berceuses pour nos âmes”, onzième mosaïque de Catherine Bolzinger fut le lieu d'échanges et de jeu de cet ensemble unique, bercé par l'imagination, le savoir être ensemble et la justesse d'un propos qui touche et n'endort jamais sur ses lauriers l'auditeur attentif que nous y devenons.
 
Avec HAELIM LEE, REBECCA JOY, LOHNES VARDUHI TOROYAN, GAYANÉ MOVSISYAN  et MANUELA ROVIRA
 
,le 17 décembre 2024  Temple Neuf de Strasbourg

lundi 16 décembre 2024

Tutu pan pan au carré !

 


Tout ce que nous avons toujours voulu savoir sur le tutu

Par DOMINIQUE FRETARD

Même les experts s'y perdent : on ne sait si le mot tutu est un diminutif de tulle, donc un mot léger, voire allégé, ou s'il est un dérivé du mot cul, genre « tutu-panpan », donc un gros mot déguisé. Le mot étant la chose, jamais un costume de scène n'a exprimé avec autant de précision le regard ambigu d'une société sur un art dont les femmes sont les héroïnes. « Est-ce le plus poétique des costumes, ou l'équivalent d'un "bleu de travail" ? Est-ce un symbole de chasteté ou le plus grivois des dessous ? », s'interroge Martine Kahane, directrice du service culturel de l'Opéra de Paris, en préambule au texte du catalogue de l'exposition, « Le Tutu, petite histoire de Louis XIV à nos jours ». « Il trace autour de la danseuse un cercle magique », ajoute-t-elle. Le tutu comme gri-gri ? Le tutu qui exhibe physiquement la danseuse la protégerait, dans le même temps, psychologiquement : l'idée n'est pas banale. Emblème de la ballerine, il serait aussi son talisman.

Tout est affaire de mots dans cette histoire. Pour preuve, la culotte, cousue sous le tutu, s'appelle la « trousse ». De trousser à détrousser, encore une fois, la légende du ballet s'inscrit entr e la pureté et la figure du vieil abonné de l'Opéra qui guette sa jeune proie. Trousse-chemises. Trousse-tutus.

L'exposition est organisée en deux séquences : la première est consacrée aux reproductions d'oeuvres et aux photographies, la seconde aux tutus dessinés par les maîtres-costumiers que furent Bérard, Clayette, Cassandre. Dans un dessin de Paul Renouard, datant de 1897, une danseuse, en caleçon, a déjà son tutu enroulé autour des chevilles. Dans un autre dessin, elle se sert de son tutu pour essuyer ses larmes. La prostituée et l'enfant. Images de celles qui travaillent dur sous la férule du maître de ballet pour apprendre à plier leur corps. Karine Saporta, chorégraphe française contemporaine, a fort bien exprimé cet état social et artistique de la danseuse dans La Pâleur du ciel, qu'elle créait en 1996.

 

samedi 14 décembre 2024

"La Symphonie tombée du ciel" de Samuel Achache, Florent Hubert, Antonin-Tri Hoang, Eve Risser: le parlement de musique est né !

 


Où sont passés les miracles ? Samuel Achache, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Eve Risser et leur orchestre La Sourde sont parti·es à la recherche des miracles d’aujourd’hui. Leur enquête les a conduit·es au plus près de chacun et chacune d’entre nous, dans notre quotidien ordinaire et extraordinaire, pour trouver et mettre en musique ce qui pourrait faire miracle dans nos vies. De cette récolte intime et poétique est née une symphonie dont tous les mouvements sont façonnés par les récits des personnes rencontrées, avec leurs croyances et leurs espoirs. Un souvenir, une odeur, un paysage, un rêve… Dans les mains et les corps des 17 musicien·nes, tout devient son et mélodie. Un spectacle-concert où la musique illumine le théâtre — et réciproquement — dans ce style inclassable propre à Samuel Achache et ses acolytes découverts au TnS la saison dernière
dans Sans tambour
.

Symphonie fantastique, fantaisiste...achevée!

Les idées fusent et se concrétisent durant la fabrication de cet opus unique: longue aventure d'un processus original fondé sur l'échange, l'humain et la collaboration de divers publics impliqués dans une démarche de récollection de souvenirs, d'impressions sur la thématique du Miracle. Miracle à Naples (et non Milan)..Clin d'oeil au film de Vittorio de Sica sur les miracles de Toto dans le bidonville de Milan?Cette "symphonie" polymorphe et plurielle est chatoyante, resplendissante, pleine d'humour, de sonorités des cordes, vents, cuivres et bois: comme un orchestre dévolu à jouer à dix-sept interprètes la musicalité des paroles collectées durant sa genèse.Le résultat se déroule une trop courte heure durant sur le plateau, juste équipé de chaises et d'un porte hautparleurs suspendu dans les cintres.Réjouissante compagnie qui produit sons, résonances et bruissements, alors qu'un conteur-récitant délivre les mots et la syntaxe d'histoires diverses où chacun raconte "son" miracle.Sobre, mouvant, émouvant le spectacle dévide mélodies, sons et ravissement festif de bon aloi et de saison. Le public, varié et constitué de tout jeunes émules de théâtre en fait un temps d'écoute et d'échange tant la simplicité de la forme rend la prestation accessible et ludique. Agora musicale fédérative, ce temps de divertissement plein d'intelligence est à déguster tel quel en pleine jouissance du partage.Ce mélange des sons symphoniques découle autant des voix, instrument corporel basique et organique que des instruments acoustiques. Se fondant dans cet alliage, alliance magnétique pour créer une musique plurielle.Du bel ouvrage collectif en assemblée internationale souveraine et démocratique. Libre à nous de croire alors aux mots de Jean-Luc Godard, cités en exergue du spectacle : "Qu’est-ce que la musique ? rien. Que peut-elle ? tout." »e

Au TNS jusqu'au 20 Décembre