samedi 25 janvier 2025

"A Star is burnes": Scoute chèr et ils ont du clito....et du culot. Donald et autres Mykey maous!

 


En 2025, cela fera cinquante et un ans que le Café-théâtre de
l’Ange d’Or ouvrit ses portes dans le pittoresque quartier de la Krutenau à Strasbourg. L’Ange d’Or fut le berceau, autant dire la couveuse, de ce bébé prématuré qui deviendra plus tard la Revue Scoute.


Pas de Jeux Olympiques, pas d’élections, a priori pas de crise sanitaire ni énergétique… Pas facile pour des gens dont le métier principal est de se moquer de tout quand il ne se passe rien.Il faudra une fois de plus faire appel à l’imagination débridée des auteurs de la Revue pour inventer l’improbable, créer l’inimaginable, jouer l’impensable. Par exemple, on dirait que l’Angleterre réintégrerait l’Europe, que le Racing serait champion, que l’Alsace serait autonome, que Leroy serait mon cousin, que le théâtre deviendrait obligatoire, que les EPHAD se lanceraient dans la culture du cannabis, qu’il y aurait un ministre alsacien… Bref, que des trucs impossibles !Et sur ce terreau d’une actualité inventée de toutes pièces, les comédiens de la Revue Scoute, comme en 24 avec Extras, tes restes ! , comme en 23 avec L’eau, régime du monde, comme chaque année depuis quarante ans, quoi, permettront à leur cher et vénéré public d’atteindre l’acmé de la sagesse.8 comédiens sur scène, plus ou moins genrés, 4 musiciens plus ou moins ensemble, un chorégraphe plus ou moins souple, inscrivent au menu de la Revue Scoute 2025 ce qu’il faut d’émotions, de rires, de larmes pour que le public puisse se dire en sortant de la salle : “Du haut de ses 40 années, la Revue Scoute nous contemple !”


Ça Trump énormément.

Ca c'est pour les bonnes notes d'intention: résultat: deux heures de revue tonitruante sans bon, brute ni truand mais en compagnie de comédiens galvanisés par un environnement politique très fertile. Démarrage en trombe. Les sketches s'enchainent tambour battant et c'est à un florilège de jeux de mots, calembours et virelangues que s'adonnent les premiers sur la loi inventaire prolixe et de bon ton qui augure de la suite verbale. C'est "des primes renov" en majesté!De la verve donc, du trivial, du "foutre" et autres grossièretés bien campées pour cette équipe qui n'a pas froid aux yeux. De l'abbé Pierre à Jeanne Barseghian, tout y passe et repasse dans une fièvre tendue, qui monte, qui monte. Pas de quartier pour la Maire de Strasbourg en Sainte ou vierge Marie de pacotille qui fait des miracles Lourdes de conséquences...


Et ça n'arrête pas, ça fuse en grains de folie, en personnages virulents. Coup de chapeau à Patricia Weller, notre nationale et compétitive gouailleuse pleine de tonus avec son accent à couper au couteau. Nathalie Mercier en Lady Gaga de première classe et Murielle Rivemale en quiche lorraine bien enfournée. Emma Massaux toujours exquise Schatzi Fausetaire et la superbe et pulpeuse Sophie Nehama. Quant aux messieurs, puisque le show est bien genré on déguste Fayssal Benbahmed en Robert de Rhinau, Raphael Scheer désopilant et droit dans ses bottes, Jerôme Lang bien pendu, Yann Hartmann en Elvis Presskopf jubilatoire.Tous ces surnoms dans le programme pour évoquer le règne animal de Trump qui se profile dangereusement à l'horizon. On en revient au phénomène tram nord au Pôle Nord avec ses ours blancs mal léchés. 


Et Jean Philippe Meyer, James Dine, de tenir le plateau avec brio et humour très classe. Alexandre Sigrist rayonne de chaleur et de rondeurs en Kevin Kassler. 
 
Sans oublier le pilier de la farce Robert Raifort alias Denis Germain l'auteur des diatribes, Michel Ott en Kaes Charette inoubliable musicien-compositeur. Et le chorégraphe qui fait bouger tout ce petit monde mouvant et indiscipliné, Bruno Uytter, malin Fred Munstaire aux petits pas et millepieds bien trempés. A la scénographie, le plasticien Bruno Boulala fait lui aussi des miracles. Et en avant la musique de Michel Ott et sa tribu, la mise en scène grand format et l'écriture en verve de Daniel Chambet-Ithier.
 La belle équipe qui gagne et joue sur la corde raide du politiquement incorrect, de la satire en grande forme et du cabaret foldingue sans modération. Ça hurle, ça gueule à l'envi les affres de l'actualité pas toujours réjouissante.Alors faut-il rire ou se moquer de tout? Là n'est pas la question Brassée avec du culot alsacien, la revue mousse et se trémousse joyeusement sur des airs revisités qui tanguent la nostalgie.
On en reprendrait bien une lampée en bon dialecte et accent appuyé: la Ville de Schiltigheim et sa maire démontée ferait bien de se tenir à carreau: ils visent et touchent et font mouche là où ça fait mal!19 saynètes, du "Porno Bio" bien légumineuse, à Trautmann ressuscitée, à "Dolly Plane" pour écraser la fièvre du Samedi soir. On se régale comme l'"Idole des jeûnes" encanaillé qui fait régime sec!

A Schiltigheim jusqu'au 2 Mars puis en tournée!

jeudi 23 janvier 2025

"Cécile": chapitreries et autres facéties en têtes de gondole.

 


Il y a des rencontres qui changent des vies. Rencontrer Cécile Laporte, écologiste, porno-activiste, porte-parole de mouvements squat en France ou défenseuse des droits des migrants a changé la vie de Marion Duval. Celle-ci témoigne : «Je me suis immédiatement sentie chez moi auprès de Cécile. Sa générosité sans bornes et sa joie contagieuse m’ont permis de briser des barrières et des peurs qui étaient profondément ancrées en moi. Un peu par gratitude, un peu pour partager tout ça avec le public, j’ai voulu lui dédier un spectacle.» Elle a fini par le lui confier entièrement. 


À la fois spectacle, performance et personne, Cécile porte en elle mille vies, une conteuse hors pair et toutes les raisons de lui dédier un spectacle.  

Héroïne de ses propres histoires, elle les raconte sur scène, avec simplicité et humilité, pour le plus grand plaisir du public. « Cécile fait fleurir les gens autour d’elle », comme ces rencontres qui changent des vies. Écologiste, porno-activiste, spécialiste en psychotropes thérapeutiques, porte-parole de mouvements squat en France, clown en hôpital ou défenseuse des droits de personnes réfugiées, Cécile mène ses combats, en autodidacte, avec ses fragilités et sa fougue généreuse. Sans filtre et pleine d’autodérision, elle nous livre ses aventures, ses souvenirs et ses batailles contre l’insupportable complexité du monde dans une performance-vérité où elle accepte de jouer son propre rôle. Libre de déborder, elle navigue à travers les différents tableaux de sa vie, accroche le public par son authenticité, on la suit, comme on suit une odyssée, avec tout ce que ça a de jouissif !

 Un chapitre peut en cacher un autre: pour preuve ce show titanesque que nous livre une performeuse de charme et de tonicité: Cécile Laporte qui trans-porte son public dans un flux continu de mésaventures autobiographiques, très stylées. Concentrée sur son vécu, dans une parole franche, un langage châtié, cette femme, monstre de malice et de répartie, tient le plateau plus de trois heures, variables selon les commandes de sa metteuse en scène en direct. Jeu de malin, jeu de vilaines car les saynètes qui s'enchainent comme un collier de perles à inventer vont bon train. 


Ainsi après une brève introduction bon-enfant des règles du jeu, le spectacle démarre en trombe. Personnage au plus près du corps et des pensées de Cécile, cette créature, être solide et campé de toute la carrure sculpturale de Cécile nous tient en haleine.Elle navigue de tableau en tableau à l’instinct, l"improvisation et son extrême réactivité aux consignes éditées par des cartons soulignant le thème de chaque "chapitre". Comme autant de nouvelles ou courtes écritures qui se lisent en tout sens. On retiendra le passage sur le clown, où la comédienne incarne son propre rôle de "clown à l'hopital" avec un humour noir à la Desproges. Jeu interdit quant au contenu cinglant autant que tendre d'une thérapeute de choc aux prises avec un malade. Lèves toi et marche sans condition ni empathie en font un sketch désopilant et sans gant de velours...Femme aux multiples facettes, mante religieuse autant que mère aimante, passe au crible psychanalyse, entretien, monologue, seule en scène sur sa chaise: en jean, pantalon et veste, là voici qui vante les bienfaits érotiques d'une couture de jean bien placée en entrejambe: on ne perd pas son temps précieux avec elle qui nous tient sans devenir otage de sa destinée hasardeuse: yi-king du choix des scènes pour amuser ou méduser son public: invité à réagir, argumenter ou lancer quelques proverbes de bon ton. 


La sympathie qu'elle engendre conduit à une fidélité d'écoute et d'attention. La scénographie prend soudain le dessus lors de deux séquences sur le sexe et le groupe; un amas de corps, poupées de chiffons se débat dans des poses hallucinées, alors que des lumières bleutées en font une toile vivante, sculptée, dansée. Au final , c'est le faciès récurent en 3D qui s'incarne en visage surdimensionné, deux mains énormes animées par deux manipulateurs pour clore cette parole au flux incessant. Très belle icône terminale pour tenter d’arrêter cette tornade voluptueuse de dires, d'aveux, d'histoires tonitruantes.Telle une image de Jaume Plenza, la tête est homme à la tête qui se prend le chou...

Sauf que les yeux exorbités se déverrouillent, que des mains de papier mâché s'en mêlent et que le spectacle est soi-disant terminé. Carnavalesque figure de proue qui crache ses confettis!Cécile porte sa croix au final entre deux marionnettes géantes: étape ultime de ce chemin de croix, station qui pèse sur ses solides épaules architecturées pour un corps massif et percutant.

On continue au pot de première à s'entretenir sur la composition de la pièce: quelques secrets de fabrication à ne pas dévoiler pour apprécier pleinement le talent de Cécile que l'on quitte à regret. Hydre à deux têtes, Cécile Laporte et Marion Duval, se font ode au corps pensant devant nous, tête froide et coeur chaud, est un délice gourmand à consommer sans modération.

Au TNS jusqu'au 1 Février

mercredi 22 janvier 2025

Lara Barsacq "La Grande Nymphe": préludes et orgasmes chorégraphiques subaquatiques

 


La Grande Nymphe France  6 interprètes création 2023

Depuis longtemps, Lara Barsacq s’intéresse à l’histoire des Ballets russes. Dans IDA don’t cry me love, c’était à la fabuleuse danseuse Ida Rubinstein qu’elle rendait hommage dans une performance croisant les arts. Sa ré-interrogation de l’histoire de l’art via un prisme féminin l’entraîne à tisser des liens entre L’Après-midi d’un faune de Mallarmé, Le Prélude de Debussy et le ballet sulfureux de Nijinsky composé à partir des deux. La Grande nymphe peint sa vision du personnage, enfermé dans l’allégorie du plaisir charnel. Le faune est, lui, relégué au second plan tandis que Cate Hortl distord Debussy avec une pop électronique mélangée aux voix auto-tunées de la chorégraphe liégeoise et de Marta Capaccioli. Ensemble, elles déconstruisent les violences d’une sexualisation féminine cadenassée par les hommes pour mieux donner chair au point de vue des danseuses sur l’érotisme.

Lara Barsacq convoque brillamment en velours, la mémoire et le patrimoine de la danse et de la musique dans cet opus singulier dédié à "L'après-midi d'un faune" chorégraphié à l'origine par Nijinsky. Ce dernier brille par sa présence-absence par ses formes glanées dans la plastique grecque et c'est non sans humour que l'on découvre à l'écran Lara en roller sur le parvis du Louvre! C'est bien là que la filiation avec l'esthétique hellénique c'est faite, en 1912 et en 2022...Des références, certes, un petit cours d'histoire en route en présence de ses deux comparses et le tour est joué. L'Histoire, certes, mais présent oblige, la danse est transformée, remaniée et manipulée avec génie en solo, duos et musique électro acoustique en direct. Sur le plateau. La Grande Nymphe rivalise avec le Faune avec humour et distanciation, toujours dans le respect et dans la transgression. Gestes angulaires, profilés, toniques et directionnels à foison.Des questions actuelles et originelles s'y posent sur le plaisir, la jouissance, la tension amoureuse. Les deux danseuses se prêtent au jeu des questions-réponses verbales mais surtout la gestuelle érotique et sensuelle rappelle ce faune originel qui rampe sur son entaille de roche comme suspendu hors de l'espace commun. Un tableau en fond pour évoquer la nudité et le désir, une immense toile où une sorte de piéta embrasse un faune lascif et tentant...Des évocations qui font leur chemin alors qu'elles endossent des costumes quasi futuristes très esthétiques. L'histoire titille et taraude Lara Barsacq, comme héritage, source d'inspiration et de digression. Les doigts vibrant s'agitent et ponctuent ce qui excite et rivalise de chatouilles érotiques évocatrices.Une séquence filmée dans les entrailles de l'Opéra Garnier invite à une visite guidée des costumes inspirés de l'époque: les châles et voiles des nymphes dont s'empare le faune, les perruques grecques: tout concourt ici à rendre vivant un mythe très actuel sur l'identité, la sexualité, le genre. Au final c'est un trio musical de l'oeuvre qui  joue le prélude avec finesse et doigté alors que Marta Capaccioli danse, sublime mouvance inspirée, comme ces méduses de Mallarmé dans "Degas, danse, dessin": mouvance suspendue, aérienne ou aquatique, solo divin accédant à la grâce. Faune androgyne, danse hypnotique, révélation d"une composition chorégraphique qui surgit au final en apothéose. Du bel ouvrage de "dames" qui tel une toile se tisse , trame et chaine, pour faire éclore une mouvance étrange: inspirée du roller, une discipline sportive inclassable quand elle atteint toutes ses possibilités de glisse, de mouvement rotatif et d'élégance.Naïade, néréide sublime, la Grande Nymphe atteint des sommets de beauté intime et partagée. Mais aussi de la liquidité, du fluide qui parcourt le spectacle de bout en bout. Cela suinte d'adresse et la résurgence des gestes de la genèse de l'oeuvre emblématique de Nijinsky-Debussy-Mallarmé se fait narration, récit et histoire à danser debout! Pour mieux se liquéfier dans la jouissance.
 
 
A Pole Sud les 21/ 22 Janvier dans le cadre du festival "L"année commence avec elles"


En 1917, Nijinski rend visite à Charlie Chaplin qui lui rend hommage avec une
danse entouré de nymphes dans la séquence du rêve de son film Une idylle aux
champs (1919) s’inspirant du Faune.