À la croisée du théâtre musical et de l’installation, le compositeur et créateur de mondes Alexander Schubert propose avec Eternal Dawn une plongée dans un futur proche mais indéterminé, et paradoxalement très actuel. Les protagonistes sont ici sept individus composites, faits d’organes humains, de prothèses et de softwares, nés du progrès technologique autant que de notre profonde aspiration à dépasser nos propres limites. Ces cyborgs ne sont pas les habitants de quelque univers dystopique, ils sont le prolongement de nous-mêmes sous l’angle de l’amélioration.
Pas d’instruments ici, si technologiquement élaborés soient-ils. La musique s’élève de l’interaction entre
ces êtres faits de chair, d’acier et de plastique, et leur environnement : bruits de machines, frottements des matières, modifications des voix dessinent ensemble un paysage sonore à la fois numérique et tangible. Avec Eternal Dawn, l’artiste donne une forme scénique aux débats actuels sur le transhumanisme et apporte la preuve – vivante ? – du caractère toujours provisoire de notre humanité.

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| iris van herpen |
Le plateau est déjà occupé par les "comédiens", on est invité à faire le tour pour apprécier les éléments de scénographie: histoire de se plonger dans le bain de ce voyage au long court cosmique et sidéral, intergalactique. Les corps puissants des acteurs interrogent la sensualité, la corporéité dans des déplacements multiples et une gestuelle chorégraphiée par Colette Sadler. Danseuse émue par des soubresauts et gestes tétaniques, autant que par une fluidité renaissante à fleur de peau, ce justaucorps seyant qui épouse son architecture corporelle. Le bâti est ici de mise avec tous ces accessoires robotiques, bras et prothèses d'acier, prolongements des corps, des membres comme chez la chorégraphe canadienne Marie Chouinard ou les danses des bâtons d'Oscar Schlemmer... Gestes gymniques, boxe feinte et autres gymnopédies proches du burlesques ou de la caricature...Sur une estrade, à travers un cube transparent et niché dans les hauteurs, les corps s'affairent, battent le rythme, composent des partitions physiques imaginaires et se coltinent cet univers sonore ronflant fait de bruits et de fureur multiples. Matières diverses comme très minérales, de gré ou de force, âpre, solide ou fragile. Rugueux à l'envi dans ses échos et rémanences sonores qui concourent à une atmosphère de BD de fiction à souhait. Les costumes comme autant de seconde peau, de carapace de coléoptères en chrysalide. Armure de pacotille quant aux matières molles, plastiques et souples qui épousent malgré tout les gestes sans les contraindre ni les entraver. Robot démesuré pour emblème de modélisation, de mécanisation, de dynamique motrice. Lumières au diapason de cette source d'émotions qui émanent de ce show prestigieux: néons rougeoyants en carrés suspendus, traces et signes pour délimiter surface et territoire de réparation. L'ambiance est celle d'un laboratoire, clinique des corps disloqués oeuvrant malgré tout pour construire volumes et architectures très léchés.








