lundi 8 décembre 2025

Compagnie Leïla Ka - "Maldonne":"Maldonne" et mobile! Leila Ka : elle se dé-robe en robe des champs, des villes. L'étoffe des chrysalides pour seule parure.

 


Au plateau, des robes. D’intérieur, de soirées, de mariage, de tous les jours, longues ou courtes. Et cinq femmes rebelles qui se jouent et s’affranchissent de ces identités d’emprunt.
Tout commence par un souffle. Celui qu’expirent, face au public, les bouches des cinq danseuses serrées les unes contre les autres. Comme soudées par un fil invisible, elles portent des robes aux imprimés fleuris et démodées rappelant le temps où la féminité était - est encore ? - affaire d’apparence. Un préjugé que ce quintet explosif va faire voler en éclat, au cours d’un spectacle qui mixe allègrement les styles, chorégraphiques et musicaux.

Dans un geste collectif impeccablement exécuté, les cinq corps féminins se mettent d’abord à jouer des coudes puis à se désarticuler, à l’unisson et en décalé. Progressivement, leurs gestes traversent les mille et une tâches domestiques traditionnellement réservées aux épouses et mères, pour mieux s’en émanciper dans une énergie libératrice.

Leur conquête de ce girl power s’incarne dans leurs changements de tenue, tout au long de la pièce, à vue ou en coulisses. Une quarantaine de robes sont ainsi portées puis abandonnées, comme autant d’oripeaux dont il convient désormais de se défaire.

La bande son elle aussi s’affranchit joyeusement des normes, enchaînant le « Je suis malade » de Serge Lama revisité par Lara Fabian, avec Leonard Cohen et Vivaldi. Contrairement à son titre, Maldonne redistribue les cartes à l’endroit, en un élan iconoclaste et vivifiant.




Leïla Ka
France 5 interprètes création 2023

Maldonne

Véritable prodige de la scène chorégraphique d’aujourd’hui Leïla Ka impose son énergie sur scène. Précise, pressée, dramatique et paradoxalement relâchée sa danse nous propose des montagnes russes d’émotions. La chorégraphe tente dans Maldonne de créer une dramaturgie hypnotique portée par cinq femmes. Sur scène, des robes. De soirée, de mariée, de chambre, de tous les jours, de bal. Des robes qui volent, qui brillent, qui craquent, qui tournent … Toujours fidèle à son univers théâtral, elle fait évoluer les danseuses sur des musiques issues du classique, de l’électro et de la variété. De cette intimité au féminin la chorégraphe dévoile et habille, dans tous les sens du terme, les fragilités, les révoltes et les identités multiples portées par le groupe.

Un gang sororal : mâle-donne...
Cinq femmes sur le plateau nu, en longues robes vintage pieds nus dans le silence: une galerie de statues médiévales qui s'anime peu à peu de gestes spasmodiques dans un rythme en canon, en points de chainette, en maillon subtil de changement imperceptible. En savant tuilage. Ce quintet silencieux possède l'éloquence du mystère d'un spirituel rituel, l'étoffe du désir de bouger, de s'animer. Dans des spasmes, des halètements qui rythment leur souffle et leurs gestes au diapason. Autant de soubresauts qui hypnotisent, intriguent tiennent en haleine.Tableau vivant dans une galerie d'art, un musée de l'Oeuvre Notre Dame où les vierges sages et folles trépignent à l'idée de s'évader. Soudain surgit la musique et le charme est brisé: mouvements tétaniques ou circonvolutions élégantes et distinguées, alternent. A la De Keersmaeker ou Pina Bausch pour la grande musicalité gestuelle, le port de robes colorées ou pastel .Elles se vêtissent et se devêtissent sans se dérober, se parent de tissus, d'enveloppes, d'atours sans contour. La seconde peau des vêtements comme objet de défilé, de mouture charnelle. Anatomie d'une étoffe de chutes, de roulades au sol pour impacter la résistance à cette fluidité naturelle. Vivantes, troublantes les voici à la salle des pendus, les robes accrochées dans les airs, boutique fantasque de spectres ou ectoplasmes flottants dans l'éther. Dans une jovialité, un ton débonnaire. 
 

Complices et joyeuses commères , elles se soudent en sculpture mouvante pour des saluts prématurés qui se confondent en satisfecit et autre autosatisfaction: la beauté pour credo. Et les robes de devenir étoffe de leurs pérégrinations, de leurs ébats protéiformes. Clins d'oeil à la fugacité, à la superficie des désirs. Se revêtir d'atours séduisants et aguichants pour plaire, se plaire. Bien dans leur assiette, leur centre, la pondération des corps en poupe: l'assise et l'ancrage comme essor de leurs bonds, chutes ou simple présence sur scène Les voici en mégères apprivoisée, se crêpant le chignon dans des bagarres burlesque à la Mats Ek: mouvements spasmodiques, changements de direction à l'envi, énergie débordante.  "Je suis malade" comme chanson de geste, comique et pathétique à la fois.
 

Ou figures de "bourgeoises décalées" comme un Rodin mouvant en pose jubilatoire.Encore un brin de Léonard Cohen pour faire vibrer nos cordes sensibles. Les robes que l'on essore comme du beau linge, en famille,au lavoir, qui battent le sol comme des lambeaux, des serpillères de ménage qui se jettent à l'eau. Lavandières ou travailleuses d'antan. Fresque historique de la condition féminine brossée en moins d'une heure. La joie y est vive, les personnages attachants en phase avec le public attentif et concentré. Les "donna e mobiles" comme des plumes de paon dans un Rigoletto très féminin-pluriel de toute beauté. Leila Ka magnifie nos fantasmes de femmes, les expurge, les projette au dehors comme pour les exorciser en magicienne, prestidigitatrice de choc.
 

Création 2023 - Pièce pour 5 interprètes
Chorégraphie : Leïla Ka
Avec (en alternance) : Océane Crouzier, Jennifer Dubreuil Houthemann, Jane Fournier Dumet, Leïla Ka, Jade Logmo, Mathilde Roussin
Assistante chorégraphique : Jane Fournier Dumet
Création lumières : Laurent Fallot
Régie lumières en alternance : Laurent Fallot, Clara Coll Bigot
Régie son en alternance : Rodrig De Sa, Manon Garnier

 
le 7 Decembre a Mougin dans le cadre du festival de danse de cannes

Nederlands Dans Theater - NDT2: du sur mesure en majesté! A la dimension du Festival de Danse de Cannes 2025: XXL...En cloture magistrale

 


Trois pièces, trois regards sur notre présent. Le triple bill proposé par les virtuoses du NDT 2 offre une vibrante démonstration du pouvoir de la danse à éclairer nos vies.
Watch Ur Mouth - Chorégraphie : Botis Seva / Folkå - Chorégraphie : Marcos Morau / FIT- Chorégraphie : Alexander Ekman

Pour beaucoup, chaque jour est un combat. Contre les difficultés, les tourments intérieurs, les jugements d’autrui et « l’incessant bavardage de la vie quotidienne ».

Watch Ur Mouth de Botis Seva incarne, dans les corps expressifs de ses interprètes, une traversée au cœur de ce chaos. Ce chorégraphe autodidacte, dont la danse mixe allègrement les influences hip-hop, contemporaines et théâtrales, délivre toutefois un message d’espoir : derrière le tourbillon du monde, l’amour et les connections entre les êtres demeurent nos plus précieux auxiliaires pour continuer à tenir debout. Chacune à leur manière, les deux œuvres qui l’accompagnent témoignent du même besoin de retrouver une énergie inspirante.

Folkå de Marcos Morau fait ainsi écho aux rites mystiques auxquels se livraient nos ancêtres des cavernes pour repousser la crainte immémoriale de la mort. Par la musique et par la danse, la pièce offre un précieux moment de communion collective, à rebours de la frénésie du monde contemporain.

Quant à Alexander Ekman, il questionne avec FIT notre besoin systématique d’harmonie, dans notre quotidien mais aussi dans la création alors que celle-ci se nourrit de ce qui « ne rentre pas dans le puzzle ». Sur les rythmes jazzy du Dave Brubeck Quartet, une démonstration réjouissante du pouvoir de la discordance.


FIT- Chorégraphie : Alexander Ekman 
Quand la danse se faconne comme un groupe soluble autant que soudé, alors la magie opère pour cette jeune troupe incroyablement opérationnelle et crédible.Jeunes interprètes déjà virtuoses en la matière,les voilà dans le flux de mouvements en cascades,de courses,d'arrêt sur image très cinématographiques.Bande déferlante,alignement éphémère au registre de l'écriture chorégraphique.Et des virevoltes de longues jupes blanches pour mieux aureoler la fluidité de la danse.

Watch Ur Mouth - Chorégraphie : Botis Seva

"Take five" au zénith,galvanisant les danseurs au mieux de leur forme dans cette chorégraphie qui projette les corps,  divagations dans l'espace en bandes hallucinées d'énergie.La troupe se jette dans une rythmique bien connue d'une œuvre qui appartient à l'inconscient collectif dansant au delà des frontières...La pièce n'est pas que cela,dévoilant flux et reflux à l'envi.Les interprètes au plus près d'une sensibilité aiguë, incarnant l'enfermement, la détention des corps soumis. Hip-hop et danse fluide alternent pour évoquer cette frustration de mouvements liée à l'incarcération, toutes les formes de castration possible d'un monde politique d'enfermement.


Folkå - Chorégraphie : Marcos Morau 
Une performance inégalée pour la compagnie en ouverture de soirée pour mieux apprécier les talents de ces danseurs tant adulés par le public.Fouge,électricité d'une énergie sans faille ces  "Noces "de la danse et de la lumière que l'on assiste, à une véritable course contre la montre.Urgence des mouvements,des déplacements incongrus,des rencontres humoristiques, de ces ricochets de mouvements en bande défilante.Les costumes évoquent une identité semblable à la musique, folklore suisse ou des Balkans, cloches de vaches en sus.Tonicité garantie avec ces  rythmes fulgurants qui parsèment l'immense plateau à conquérir par ces électrons libres.Et le récit prend forme,la communauté humaine prend ses marques et subjugue.On demeure pantois devant une telle œuvre bigarrée,hallucinée ou tout bascule sans cesse.Mario Morau étonne toujours sans lasser ,génie et démiurge ambassadeur de la légitimité de la danse comme art majeur.


Watch Ur Mouth
Création 2025
Chorégraphie : Botis Seva - Assistants chorégraphie : Jordan Douglas, Victoria Shulungu
Musique : Torben Sylvest avec Bunny Sigler Shake your booty ; Sony music, Warner-Tamerlane Publishing Corp (BMI), Warner Chappell Music Holland B.V.
Performances voix avec Magero, The Seva Family
Création Lumières : Tom Visser
Scénographie et costumes : Botis Seva
Répétitrice : Lydia Bustinduy

Folkå
Création 2021
Chorégraphie, décor : Marcos Morau
Mise en scène : Shay Partush
Création musicale : Juan Cristóbal Saavedra avec Condividiamo La Luna & Whisper: Kim Sutherland. Le Chœur bulgare de Londres avec Dessislava Stefanova : Mor’f Elenku, trad.; Izgreyala Yasna Zvezda, trad. arrangement par Dessislava Stefanova; Razbolyal Se E Mlad Stoyan par Kiril Todorov.
Costumes : Silvia Delagneau
Création lumières : Tom Visser
Direction répétition NDT : Ander Zabala

FIT
Création 2018
Chorégraphie : Alexander Ekman
Musique : Nicolas Jaar : No. The Dave Brubeck quartet: Take Five. © Valentine Music Ltd
Doug Carroll: “Peacocks” par Animal Sounds.
Lumières : Alexander Ekman, Lisette van der Linden
Scénographie : Alexander Ekman
Costumes : Alexander Ekman, Yolanda Klompstra
Texte : Alexander Ekman
Collaboration artistique : Julia Eichten
Dramaturgie : Carina Nildalen
Citation du Directeur Artistique
 
Au Palais du Festival le 7 Décembre dans le cadre du festival de danse de Cannes

Ballet de l'Opéra Grand Avignon - "United Dances of America" Cultures en bonne compagnie

 


Où en est aujourd’hui l’émergence version US ? Réponse avec ce triple bill porté par l’interprétation aiguisée du Ballet de l’Opéra Grand Avignon. À découvrir d’urgence !
Elle et ils s’appellent Rena Butler, Mike Tyus & Luca Renzi, Stephen Shropshire. Peu connus en Europe, ils incarnent quelques-uns des nouveaux visages de la danse Outre-Atlantique.

Pour sa première saison à la tête de la compagnie avignonnaise, Martin Harriague les réunit autour d’un programme donnant à voir la créativité audacieuse d’un pays confronté à toutes les tensions contemporaines.

Dans This That & The Third l’Afro-américaine Rena Butler, originaire de Chicago, dénonce sur fond de musique urbaine les normes sociales et comportementales menaçant les identités individuelles. Avec Holy, le Californien Mike Tyus et son partenaire Luca Renzi rendent un hommage humaniste et spirituel à la contre-culture, sur un poème du chantre du mouvement hippie Allen Ginsberg. Quant à Stephen Shropshire, vivant actuellement aux Pays-Bas mais né à Miami, il orchestre dans Mythology un rappel musical et poétique de la terrible insurrection d’Attica, qui révéla en 1971 le racisme systémique régnant dans les prisons américaines. Point commun de ces trois regards passionnants : le rejet de tout enfermement, physique, spirituel ou symbolique, et un puissant désir de liberté. À ces enjeux forts la danse donne magnifiquement corps, dans une grande diversité de styles et d’inspirations.



United Dances of America
Création 2025

This That and The Third
Pièce pour 6 interprètes - Chorégraphie : Rena Butler - Musique : Chance The Rapper, Justin Hurwitz

C'est chacun pour soi au départ,tenue sportive  gestes vindicatifs de boxeurs en colère,individualistes et rageurs. Couleurs des costumes à l'appui qui parcourra la pièce jusqu'au bout.Puis c'est la curiosité des contacts entre membres de différentes couches sociales  qui fera le reste.La narration,le récit sont ici portés par les six interprètes dévolus entièrement aux phrasés très écrits d'une chorégraphie tirée au cordeau.Les corps s'y plient et s'y déploient sans cesse dans une fluidité où une tétanie contagieuse à l'envi.Un fulgurant solo au sol d'une des interprètes,électron libre renforce l'idée de peur,de traque de ceux et celles différents d'origine sociale.Au final c'est le groupe qui l'emporte dans une solidarité adoptée, acquise à force de contacts fructueux.La danse au delà des mots pour fédérer les énergies,rapprocher les inconnus ou les parias.Belle ode à l'altérité..Toute en couleurs chatoyantes et rayonnantes d'espoir.


Holy
Pièce pour 2 danseurs et 1 violoncelliste - Chorégraphie : Mike Tyus & Luca Renzi - Musique : J.S. Bach, Allen Ginsberg

Un duo de deux hommes quasiment nus se profile d'emblée dans la lumière sur le plateau nu.Deux corps splendides et canoniques,en miroir évoluent au sol s'assemblent,se repoussent,s'attirent pour une ode à l'amour interdit,bafoué dans une société intolérante et castratrice.Sensualité garantie dans une interprétation distinguée,sobre et mesurée. Toujours très écrite, la danse s'y déploie, sereine et autoritaire dans des gestes et attitudes amoureux.Une œuvre osée ,virtuose et sans concession aux pensées rétrogrades.


Mythology
Pièce pour 12 interprètes - Chorégraphie : Stephen Shropshire - Musique : Frederic Rzewski

La pièce finale de ce programme riche et fort pertinent s'impose pour évoquer la lutte,la résistance à l'oppression,à l'humiliation.Les corps sous tensions,performants et aguerris à un style percutant s'affrontent à l'ordre et la soumission dans une écriture solide comme le propos l'impose.La Musique se fait voix et rythmes ascendants pour une apogée réelle de l'humanité encore possible.La poétique très politique de cette pièce laisse penser et réfléchir :je danse donc je pense,philosophie à rependre d'urgence pour apaiser les conflits.

Notons qu'a chaque intermède une courte séquence filmée introduit les problématiques et laisse faire connaissance avec chaque chorégraphe de façon très pédagogique.Une compagnie soudée et virtuose des savoir-êtres multiples partagent avec le public des éclairages sociétaux comme seule la danse est en possession de la faire.Un être ensemble façonné de main de maître par Martin Harriague,celui qui relie en toute intelligence et laisse la danse porter sa voix au delà des mots.Le "cum panis" laïc d'une communauté dansante de toute beauté. En bonne compagnie..

Avec : Daniele Badagliacca, Sylvain Bouvier, Lucie-Mei Chuzel, Aurélie Garros, Joffray Gonzalez, Léo Khébizi, Hanae Kunimoto, Tabatha Longdoz, Kyril Matantsau, Marion Moreul, Ari Soto et Giorgia Talami

Maitresse de Ballet : Brigitte Prato

le 7 Decembre dans le cadre du festival de danse de cannes theatre palais stephanie