lundi 10 juin 2024

"S'approcher": Exposition de Véronique Boyer - S'apprivoiser, se cotoyer, se taire....Et dessiner, peindre l'indicible.

Cette exposition au cloître nord de la chartreuse de Molsheim, rappelle la présence des pères et frères Chartreux durant presque deux siècles de 1598 à 1792. Discerner, éprouver, questionner, s’approcher, seraient au plus près de la démarche de Véronique Boyer. 

Dans le cloitre Nord de la Chartreuse de Molsheim, l'artiste peintre met en scène deux toiles qu'elle affectionne de part leur force, présence et radicalité esthétique. Face à face dans la perspective question/ réponse de cette partie retranchée et close du cloitre resplendissant, elles parlent et questionnent l'espace: distanciation pour un rapprochement possible, timide, sacré, respectueux des distances. Comme un miroir que l'on pourrait franchir. L'une suspendue, teintée de jaune, parcelles ou déchirures en collage comme des débris, des parcelles de ciel étoilé, fragiles, fragmentées.
 
 L’éblouissement de St Paul sur le chemin de Damas nous fait entrer dans le mystère d’une présence/absence. Paul est projeté à terre, environné de lumière. Il se relève du sol, et, les yeux ouverts, il ne vit rien. Commentant ce passage, Maître Eckhart dit : « Or ce rien, ce néant, était Dieu. » (Sermon 71). 
 
Chute d'un corps en miette, brisé, au sol, gisant et prêt à rebondir pour mieux s'élever à nouveau.L'autre ouvre comme un chemin de table, étendu, qui se déroule sur son socle, vague déferlante jusqu'au sol. Sans fin, roulée à l'envi cachant quelques secrets, quelques mystères indicibles. Flux et reflux de part et d'autre de cette salle, couloir, sentier, chemin à défricher, à déchiffrer. Et sur les murs de part et d'autres des figures géométriques, comme des stations de chemin de croix, sensibles traces de mémoire, strictes, concentrées. De teintes grises, sobres, discrètes comme s'effaçant devant le silence et le recueillement. Se taire et laisser vibrer les résonances, les échos que cette peinture lyrique laisse sourdre de ses accents toniques. Une partition simple emplie de sonorités qui résonnent dans ce couloir étroit où le son s'engouffre et vient percuter les murs. 
 
Une exposition qui s'organise judicieusement dans cet espace singulier, aire de jeu et de chant, de danse et de pas directionnels. Ce sera l'objet de performances dans le cadre des journées du Patrimoine,
 
 le DIMANCHE 22 SEPTEMBRE à 15H/ 16H et 17H, interprétées par Geneviève Charras, performeuse, charivarieuse.
 

2 Peintures 225 X 160, monotypes et encres

 Jusqu'au 15 Octobre dans le cadre de Chemins d'Art Sacré en Alsace Cloitre de la chartreuse de molsheim

 


Véronique Boyer vit et travaille à Strasbourg. Après une maitrise d’Arts plastiques à l’Université de Strasbourg, elle suit des cours de gravure à la HEAR (Haute école des arts du Rhin). Cet art graphique a beaucoup influencé son travail. La poésie et la littérature accompagnent sa recherche. Elle expose en France et en Allemagne.Elle a fait de nombreuses interventions au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg ainsi qu’à la HEAR. Collaboration avec Arte en 1994.Cette artiste a souvent travaillé auprès de populations marginales.La création d’un atelier à la maison d’arrêt de Strasbourg, service de psychiatrie, fut une expérience très enrichissante. Elle y intervient pendant 18 ans.

« A travers les fragilités se révèlent de grandes forces. Seules les failles laissent passer le souffle », dit-elle.

pour mémoire.....

https://genevieve-charras.blogspot.com/2023/09/veronique-con-carnet-une-exposition-de.html




"Un songe, une nuit, l'été": j'ai fait un rêve...Shakespeare découronné , déculotté dans la Vallée de la Faveur menacée...

 


"Un songe, une nuit, l'été"

Que le premier que tu verras
Ane, chien, orvet ou belette,
Ours, tigre ou cancrelas,
T'ensorcèle le coeur et la tête
Et les sens les moins exercés
Comme les plus perfectionnés.
Joli programme .... Shakespeare, notre contemporain
 
"les vents nous ont amené des brouillards malsains et des pluies violentes qui ont frappé de démences les plus humbles rivières. La confusion et le trouble règnent. La lune bouleverse les mers. Le travail des champs est anéanti. Le blé pourrit avant de mûrir. La boue et les herbes recouvrent tout. Les saisons ont changé leurs habits. Les mortels ne savent plus comment se vêtir, les rhumatismes pullulent et les poètes ne peuvent que célébrer une cacophonie de météores" Tout ça c'est la faute a Titania Obéron qui se font la gueule il parait... Mais nous on s'en fiche. On jouera quoi qu'il advienne !"
 

 Quand Shakespeare prend ses quartiers d'été, on songe avec bonheur à un théâtre de plein air, peuplé de fées, de chimères, de sorcières...Et voici le grand Sabbat épaulé par la compagnie du Matamore: un sabbat à la Goya sans nul doute mais plein de verve, d'humour et de distanciation! 
 

Par un beau soir de printemps, nous voici jetés et projetés après l'apéritif de bienvenue offert par les hôtes du site du Guensthal dans une odyssée truculente des pérégrinations d'un petit peuple bigarré et chatoyant. Les présentations sont de bon ton et ouvrent le chemin aux futures intrigues et rebondissements. Dans la prairie, un cercle magique, rond de sorcières où les chapeaux des bonnes ou mauvaises fées seront champignons hallucinogènes et autres fabuleuses images d'Epinal. Imagerie Wentzel du musée proche de Westercamp à Wissembourg...
 

Deux couples amoureux qui rêvent d'être au diapason alors qu'ils ne s'aiment pas seront dirigés et contraints par les autorités parentales et royales. De quoi alimenter les coups de théâtre, les empoisonnements ou autres hypnotiseurs de fortune. Un personnage clef, phare des embrouilles et autres quiproquos sera responsable de ce charivari, ces imbroglios magiques.Un fou qui fait des diagonales et hante ce petit monde sensible, humain, désopilant. C'est Yann Siptrott qui s'y colle avec malice et truculence comme un diablotin, électron libre qui flatte, interroge et solutionne tous les problèmes liés à l'existence de ces treize personnages fameux. Face à son maitre, il virevolte, esquive, ment et détourne pour mieux faire régner la zizanie dans le rétro! On suit avec délectation les faits et gestes de cette tribu, au sein de ce manège, arène bucolique auréolée de petites lucioles de lumière au crépuscule du soir. Ambiance de clairière aux fées garantie.Théâtre "forestier" affuté, futé, inventé par ses deux protagonistes, Serge Lipszyc en Bottom et Yann Siptrott,en Puck également impliqués dans le jeu et la mise en espace.
 

Leurs compères et complices de cette farce rocambolesque, tous plus intuitifs et glorieux les uns que les autres: Magalie Ehlinger, Helena, en pleine forme, pleine voix ainsi que sa rivale amoureuse ravie ou trahie, Hermia-Emma Massaux-, forte personnalité dramatique.
Charles Leckler – Lysandre (Jeune Athénien),charmeur et charmant,Geoffrey Goudeau – Démétrius (Jeune Athénien), ferme et déterminé. Que de destins indescriptibles et attachants que l'on suit avec empathie et beaucoup d’intérêt  solidaire. Grace à la magie du lieu qui fait rêver et "songer" avec beaucoup d'incarnation des rôles, à cette nuit shakespearienne de toute intensité.  On se prend les pattes dans les étoiles d'araignées, on rit et sourit face aux déboires et désespoirs des uns et des autres. Les costumes de Maya Thébault épousant tous les personnages: du "bleu de travail" très pastel et tendre de la troupe de théâtre invitée aux noces des amants contrariés, aux froufrous aguichants des mêmes héros de pacotille lors d'une représentation très "nanar" d'une comédie désuète et naïve. La mise en abime du théâtre dans le théâtre pour mieux nous troubler et nous renvoyer à une mythologie de demi-dieux bien charnels et joueurs...Car il y a du sentiment, du grotesque, de l’appuyé dans le jeu de tous qui rivalisent de punch, de tonus.Les courses folles et autres échappées belles des amants torses nus dans la prairie lointaine sont croustillantes...La mise en espace jouant sur les profondeurs de champs, la petite estrade derrière laquelle apparaissent et disparaissent les personnages comme dans un jeu de guignol burlesque. Du bon, du beau pour ce spectacle estival généreux, inventif et captivant: un rêve éveillé au pays de l'impossible bonheur et de la réconciliation. 
 
sophie thomann: le mur

Entracte autour d'une bonne potée, goulasch concocté par les patrons Sonia et Georges Flaig de chez Anthon à Obersteinbach: les nourritures terrestres à portée de bol collector signés Siptrott et de bonnes petites pyramides de fromage caprin. Une expérience théâtrale hors norme, une compagnie qui nous ressemble, fédérée, partageuse et joviale. "Cum panis"-en bonne compagnie- pour rompre la monotonie et déguster sans modération dans une riche adaptation, didascalies incluses, le patrimoine théâtral "classique" qui a bien de la réalité et de la diversité, de l'impertinence autant que de la pertinence. Du culot, du suspens, de la cadence, du chant choral a cappella pour dérider un public ravi et conquis par cette version du "Songe d'une nuit d'été"....Et l'on "songe" à "la chanson du fou": "Elles vont errer, crains d'en rencontrer quelqu'une, les lutins de l'air vont danser au clair de lune"...de Bizet et Victor Hugo. Et un âne bâté en vaut bien deux! Emballé, c'est "dans la vallée"!
 
Au Guensthal Vallée de la Faveur les week-end jusqu'au 7 Juillet.
 

Distribution :

David Martins – Thésée (Duc d’Athènes) et Obéron (Roi des fées) Muriel-Inès Amat / Blanche Giraud-Beauregardt – Hyppolite (reine des Amazones) et Titania (Reine des fées) Patrice Verdeil – Egée (Père d’Hermia), Toile d’araignée (Fée au service de Titania) et Snut dit Le douillet (menuisier) / le lion dans l’intermède Yann Siptrott – Philostrate (Maître des réjouissances) et Robin Goodfellow, dit Puck la caresse (Serviteur d’Obéron) Charles Leckler – Lysandre (Jeune Athénien) Geoffrey Goudeau – Démétrius (Jeune Athénien) Emma Massaux – Hermia (fille d’Egée et ,Jeune Athénienne)Magalie Ehlinger – Hélèna (Jeune Athénienne) Isabelle Ruiz – Peter Quince dit Lecoing (charpentier) / prologue dans l’intermède et L’elfe (Fée au service de Titania) Sophie Thomann – Tom Snout dit La truffe (rétameur) / mur dans l’intermède et Grain de moutarde (Fée au service de Titania) Bruno Journée – Francis Flute (raccomodeur de soufflet) / Thisbé dans l’intermède et Phalène (Fée au service de Titania) Serge Lipszyc – Nick Bottom (tisserand) / Pyrame dans l’intermède Muriel-Inès Amat / Blanche Giraud-Beauregardt  – Fleur des pois (Fée au service de Titania) et Robin Starveling dit L’éflanqué (tailleur) / la lune dans l’intermède

Adaptation et mise en scène: Serge Lipszyc Lumières: Jean-Louis Martineau Scénographie: Sandrine Lamblin Costumes: Maya Thébault

C'est une histoire complexe dont l'action se déroule à Athènes en Grèce et réunit pour mieux les désunir deux couples de jeunes amants : Lysandre et Hermia d'une part, Démétrius et Héléna d'autre part. Hermia veut épouser Lysandre mais son père, Égée, la destine à Démétrius, dont est amoureuse Héléna. Lysandre et Hermia s'enfuient dans la forêt, poursuivis par Démétrius, lui-même poursuivi par Héléna. Pendant ce temps, Obéron, le roi des fées, a ordonné à Puck de verser une potion sur les paupières de sa femme, Titania pour se moquer d'elle. Pendant la nuit, une grande confusion règne parmi tous les personnages.

La scène la plus connue est l'apparition de Bottom, qui porte une tête d'âne, avec Titania, qui, par la magie de Puck, en est tombée amoureuse.

 

 

samedi 8 juin 2024

"Foreshadow" , Alexander Vantournhout fait le mur, murmures d'escapade.


 Une surface verticale est un défi lancé aux danseur·euse·s, dont la gravité contraint toujours le mouvement. Ce défi, Alexander Vantournhout le relève en faisant du mur le point d’appui des corps et le point de départ d’une chorégraphie originale. Avancé jusqu’à quelques mètres du public, le fond de scène devient un partenaire de jeu pour huit artistes contraint·e·s de réinventer les moyens de l’équilibre en s’inspirant du mouvement des geckos. Le groupe devient le moyen de réaliser des figures acrobatiques que toute verticalité exclurait normalement, une autre manière de dire, sur le mode symbolique, la nécessité de la collaboration : lorsque l’entraide devient la condition de la réussite, la danse devient un contre-modèle aux idéologies de la concurrence. Une musique rappelant le rock et le punk, littéralement vivante, accompagne la perpétuelle recherche de l’équilibre par ses variations de rythme et de volume. Avec Foreshadow, le mur n’est plus un obstacle mais au contraire le moyen de déployer les possibles du mouvement.

Ca démarre au quart de tour à partir d'un trio qui s’enchevêtre à toute allure bientôt rejoint par un autre partenaire qui vient s'adjoindre à ce tissage de corps-relais qui n'a de cesse de continuer ces entrelacs. En autant de combinaison de corps possibles...Puis c'est au mur de prendre la parole: en réception, adhérence et scotchage garanti sur une paroi, mur aimanté pour insectes grimpants! En plongé, sans ligne de fuite ni perspective, la profondeur est réduite, l'effet d'optique saisissant. Des accrochages pendulaires, des courtes échelles, des cordes comme des draps noués, se balancent. L'illusion est constante donnée à ces corps épinglés ou suspendus à des cimaises invisibles. 


Tissage et plessis, nattes, tresses végétales, lacets, noeuds, treillis entremêlés comme figures de prouesses virtuoses.La paroi murale comme support-surface, appui et rebond. Cette vannerie savante fonctionne en pyramide, en socle ou reposoir d'attitudes en construction constante, en énergie végétale d'osier souple, flexible. La matière corporelle se confondant avec un tonus ruisselant. Pas de coupure pour ce plan séquence, ce travelling très cinématographique où tout est réglé au cordeau. Un sans faute ni faille pour cet opus de haute voltige ou le trapèze volant n'est plus un agrès mais une chaine corporelle solidaire, en toute confiance. Des reposoirs éphémères pour tremplin, des figures de proue comme postures fugaces et très poétiques. Des images se forment à foison. 


Le tout dans des couleurs bleu-vert variables, des lumières et ombres portées de toute beauté.Un solo d'une interprète se détache, les mains et bras en adhérance au mur..Les séquences s'enchainent dans une logique implacable, l'écriture de Vantournhout se précise, s'affirme, se renouvelle sans cesse. Sans rature ni retouche, la bobine se dévide en torsade et sur le métier à tisser du geste, les engrenages sont bien huilés. Chateau de cartes fragile, sculptures mouvantes, voici une imagerie d'Epinal, un abécédaire en enluminures dignes d'un Codex savant. On songe à Abracadabra de Philippe Decouflé, ex circassien, magicien de l'apesanteur.Encore un manège de roulades au sol, une ascension de la paroi vertigineuse, une échelle de corps qui grimpe et ne rompt jamais...Cette "annonce" comme un indice de préfiguration dans un conte d'anticipation prévisible où l'imagination rendrait les corps en suspension, hors sol pour le meilleur de l'évolution humaine: dans une galerie de créatures sportives et musclées vers un avenir proche d'adaptation.

Au Maillon jusqu'au 8 juin

mercredi 5 juin 2024

VanThorhout , Alexander Vantournhout / not standing : à Thor et de travers sans avoir tord...On la tourne-boule


 

VanThorhout , Alexander Vantournhout / not standing

Fils d’Odin et dieu du Tonnerre, Thor n’est pas seulement une figure d’un lointain panthéon scandinave. Les bandes dessinées et surtout l’industrie cinématographique en ont fait un représentant incontournable de l’univers Marvel. Non sans ironie, c’est donc à une véritable icône du présent que s’attaque Alexander Vantournhout, jouant au passage avec son propre nom pour donner son titre au spectacle.Son marteau Mjöllnir à la main, soumis au point qu’il lui revient quand il le lance, le héros incarne sans ambiguïté tout à la fois la force, l’autorité et la maîtrise des éléments naturels. Mais l’artiste inverse le rapport de force : devenu plus long, plus souple, c’est désormais l’objet qui imprime son rythme à l’homme qui doit composer avec lui, dans une chorégraphie exclusivement circulaire, qui n’est pas sans rappeler la tradition des derviches tourneurs. En jouant avec l’image du surhomme, Vantournhout déjoue les codes de la virilité, propose une vision décentrée du monde et trace par le mouvement dansé les contours d’une humanité sensible à son environnement.

Torse nu et musclé, il apparaît sur scène en tant que Thor,  Dieu guerrier nordique, accompagné de son emblématique marteau,  tellement puissant qu’il peut créer la foudre ou arrêter les tempêtes.  Jouant avec cet objet phallique, il le transforme en un marteau souple, à  la fois puissant et fragile. Il explore la gestuelle d’images  archétypales et en déploie de nouvelles qu’il relie au contrôle de son  corps pour devenir un héros non-violent. Un spectacle fascinant,  amplifié par les sons des objets, des mouvements et de la respiration !  

Il est seul avec son axe comme partenaire et se met à tournoyer à l'infini, l'énergie sans cesse maintenue dans une fluidité continue. Danse du tourbillon, de l'aspiration vers la gravité, de la torsade et de la vrille. Ses bras l'enveloppent, le caressent, le protègent, tel une peinture d'Egon Schiele, quelque peu acrobatique dans des figures et attitudes incroyables. Puis devient arbre au tronc qui se noue et enlace son propre fut. Il s'écarte de son axe vertical , vis ou chignole aspirante, siphon avaleur de gravité, pour affronter les quatre points cardinaux en autant de fendus en tierce et de figures voisines et apparentées aux arts martiaux: en en prenant l'énergie et la qualité de mouvements très respirés, sentis, habités.En manège de capoeira ou de vocabulaire classique ou circassien .Derviche tourneur inspiré par les sons de ses pieds rivés au sol, les glissements furtifs ou appuis de ses plantes des pieds bien ancrées. Toupie lancée dans des réverbérations de tours et rémanences optiques. 

Un marteau et son maitre

Au tour d'un partenaire de faire duo avec un marteau au long cou, Vantournhout s'emparant de cette prothèse pour créer à nouveau tours et contours de son corps en spirale. L'objet le guide, le conduit, l'induit dans des courbes et cercles magiques dignes d'un chaman. Rituel païen de toute beauté, le souffle animant ses courbes à l'envie. Marteau rigide qui peu à peu s'assouplit et lui impose d'autres mouvements flexibles. Allumeur de réverbère, laveur de vitre, balayeur, tantôt vers le sol, tantôt vers le ciel dans de beaux enlacements de gestes de qi qong. Torse nu, jupe culotte pour simple costume. Mouvements inspirés du monde du travail sans pour autant flirter avec le mime ou la reproduction . Il a le bras long notre héros Thor qui ne va pas de travers!

Des moulinets à vent pour un Don Quichotte circassien

Au tour d'un drapeau blanc, étendard ou bannière,simple tissus accroché à une perche, d'être complice de ce jeu entre corps et objet. La toile vibre, enfle, bruisse sous l'effet du vent et de l'air déplacé. Le jeu des appuis est sidérant, passant du maintien, à la prise, puis aux appuis sur le dos de la main. Comme une danse contact qui génère des épousailles avec le corps sans cesse impliqué comme support-surface. Une nouvelle Loi Fuller est née: tissus dansant au bout d'une tige pesante induisant un effort considérable de maintient et guidage.Des instants de grâce où le danseur interprète conte et raconte des récits épiques dignes d'une odyssée ou d'un bréviaire animé de héros mi-dieu, mi-homme. Une performance qui au final est douce caresse de la toile au dessus des spectateurs, en rond, autour de l'artiste. La banderole bruissant au dessus de nos têtes comme un signe, un appel au vent, au souffle, à l'effacement. Hissez le Pavillon blanc comme indice de paix et réconciliation.Vantournhout comme un électron libre fasciné par la gravité, l'attraction, la pondération. Extrême concentration d'un performeur hors du temps, dans le risque et le danger constant de perdre ses repères. D'un Don Quichotte et ses volis de moulin à vent débonnaires...Boussole déboussolante, hypnotique, enivrante, ensorcelante. Cap sur l’inouï et l'indicible sans une once de musique ajoutée. Les sons et bruits du corps et des objets comme orchestre de chambre. Tours et détours d'objets aimantés par une force divinement magnétique !

Au Maillon jusqu'au 6 JUIN

Alexander Vantournhout a d’abord étudié la roue simple, l’acrobatie et le jonglage à l’École Supérieure des Arts du Cirque (ESAC) de Bruxelles. Il a ensuite intégré l’école P.A.R.T.S afin de se former à la danse contemporaine et à la performance. Fondateur de not standing, il écrit le solo chorégraphique Caprices puis, en collaboration avec Bauke Lievens, le solo ANECKXANDER et Raphaël, son premier duo. Peu après suit Red Haired Men, sa première pièce pour quatre performeurs inspirée par la prose surréaliste de l’écrivain russe Daniil Harms (accueillie au Maillon en 2018). Après Screws (accueilli en 2021) et Through the Grapevine en 2020, Alexander Vantournhout crée Contre-jour en 2021 où il endosse pour la première fois le rôle de chorégraphe et donne la parole à un groupe de cinq interprètes venues d’horizons multiples. Très atypique, son langage scénique se caractérise notamment par la recherche du potentiel créatif dans la limitation physique et la relation entre performeur et objet.

mardi 4 juin 2024

"Un requiem allemand" : Brahms au zénith pour un "requiem humain"

 


Contrairement à Mozart, Berlioz, Verdi ou Fauré, qui écrivirent des requiem latins, Brahms choisit de composer un Requiem allemand, c’est-à-dire non pas une messe des morts mais une méditation sur le devenir de l’Homme dans l’au-delà. Il choisit lui-même une série de textes dans la traduction allemande de la Bible, et imagina une vaste partition pleine de foi d’où les accents de terreur sont bannis.Ébauchée en 1856, au moment de la mort de Schumann, l’œuvre fut créée en 1869 ; Brahms y laissa infuser le temps, preuve de la confiance qu’il mettait dans sa propre inspiration et dans la clémence de Dieu qui baigne la partition tout entière. Le timbre lumineux de Pretty Yende et la noblesse de Ludovic Tézier sont ici les voix de l’apaisement.

Impressionnante entrée des membres du choeur de l'Orchestre de Paris qui remplit l'estrade lentement et s'installe pour interpréter ce morceau de bravoure et d'excellence qu'est "Le Requiem Allemand" de Brahms. Requiem, oratorio, ode funèbre ou cantate? L'office funèbre traditionnel semble bien loin...Sept mouvements pour magnifier et réinventer le genre. Un requiem "pour l'homme" universel et porteur d'un message de paix au final, empreint de magnificence, du brio du choeur qui exalte et semble frémir et jubiler de grandeur et d'émotions musicales. La masse sonore est dense et impressionnante, tantôt fine et sensible, tantôt grandiloquente et puissante. Contrastes qui font vivre et exister nuances et frontalité de la partition, sans égale. L'orchestre rivalise de présence et d'intensité alors que les deux solistes Pretty Yende et Ludovic Tézier animent cette ode de leurs interventions spirituelles et prégnantes. Des moments de pur bonheur, de concentration, dévotion  et logique implacable à la fois sur le plan dramatique et harmonique. L'ovation du public attestait ce soir là de la très grande qualité musicale de l’exécution d'une oeuvre phare et emblématique qui demeure une référence de non conformisme et d'universalité d'un genre dévolu aux morts et à leur célébration. Ici l'humain exulte et frémit et s'adresse plus aux hommes qu'aux fidèles.Promesses de paix et de réconciliation au final qui met tout le monde au diapason.

Petite histoire

La création partielle d'Un Requiem Allemand a lieu en 1867, comprenant les trois premiers mouvements. Si les 2 premiers mouvements sont bien reçus, une monumentale gaffe du timbalier dans le 3e mouvement noie le succès prévu sous un déluge de protestations qui l'imputent au compositeur. Malgré ce coup d'essai peu satisfaisant, la première complète de l'oeuvre en 1868 sera chaleureusement reçue.Dans son choix de textes pour le Requiem allemand, Brahms se montre très désireux d'avoir un propos très large sur la mort, et sur la consolations à apporter aux vivants. D'où un texte plus spirituel que religieux. Le choix du 5e mouvement (composé en dernier), comprenant le verset "Je vous consolerai comme une mère console son enfant" tiré du livre d'Esaïe, fait également office de dédicace de Brahms à sa propre mère, dont la mort inspira son requiem. Brahms au reste, n'avait-il pas déclaré qu'il "supprimerait volontiers du titre le mot "allemand" pour le remplacer simplement par "humain" ?

Aziz SHOKHAKIMOV direction, Pretty YENDE soprano, Ludovic TÉZIER baryton, Chœur de l’Orchestre de Paris, Richard WILBERFORCE chef de chœur  

Au PMC le 4 Juin

dimanche 2 juin 2024

"Les baigneurs" Cledat et Petitpierre dans le bain au MAMCS: ronds de serviette et art-doudou délicieux: c'est la ouate qu'ils préfèrent...


 "Les Baigneurs": Art Doudou !

Performance
Durée variable
Avec Yvan Clédat et Coco Petitpierre

De Picasso à Leger, le sujet des « baigneurs » est largement représenté dans la peinture moderne. Cette performance en est une déclinaison vivante et amusée, pendant laquelle un couple de grosses poupées en maillots à rayures, entièrement en tulle plissé, rejoue des scénes de bord de mer. Bain de soleil, farniente, jeux, et autres postures typique des baigneurs : Elles s’activent lentement autour de deux grandes serviettes bleues et d’un ballon jaune en tulle, comme une convocation primaire et enfantine de la mer et du soleil.


Cette performance  démarre à l'intérieur de la nef du MAMCS avec, parmi le public, au sortir des vestiaires, de plain-pied, les deux silhouettes burlesques en diable de Clédat et Petitpierre: telles deux figures quasi grotesques mais très attendrissantes, ces baigneurs, ours de peluche bariolés de rayures balnéaires , entrainent le public dans un univers tendre et douillet. En dépliant nonchalamment leur tapis de bain, parmi nous, ils interrogent leur place dans cet espace ouvert à tous. Gestes ralentis à deux temps pour mieux s'installer, prendre des pauses édifiantes de paresse, de relâchement, d'innocence.
Pris en flagrant délit de délicatesse, de respect l'un de l'autre, ils nous convoquent "gentiment" sur l'autre scène , la salle Gustave Doré avec son "christ quittant le prétoire" pour y déguster cette matinée de sensations douces. Au pied de l'immense toile, c'est séance de bronzette et de gymnastique douce, toujours. Amour et gestes tendres dans leurs costumes de peluche qui attirent les enfants, émerveillés par ces deux créatures inédites et singulières.

"Etre et paraitre", comme le titre éponyme de l'exposition voisine de Jeanne Bischoff. Le costume comme une seconde peau bien douillette, sans entrave ni empêchement. 

 


Costume à "danser", bouger en résonance avec le  "Ballet chaotique" de Jeanne Bischoff, une oeuvre singulière au regard de la composition musicale, picturale et chorégraphique...Nos deux baigneurs déroulent encore leur tapis de bain devant "Guilietta" de Bertrand Lavier: un joli décalage entre oeuvre conceptuelle devenue décor et pérégrination lascive de nos deux anti-héros de pacotille.Sans musique, ni parole.Un moment partagé par tous, enfants curieux, ébahis et parents, adultes ravis par ce charme désuet et tendre au rythme rassurant d'une marche lente et assurée, binaire et reposante... Une belle initiative des Musées : la liberté de la rencontre avec des artistes hors-norme, des "Poufs" du genre hybride et riche des arts corporels.

 

photo robert becker


Au MAMCS le 2 JUIN 15H 16H


 

picasso

seurat

portfolio: robert becker au MAMCS le 2 JUIN










"Carte blanche à Alexander Vantournhout": rencontre inédite en primeur! On la tourne! Et on la refait?

10 jours avec Alexander Vantournhout, ce ne sont pas seulement trois spectacles et des ateliers de pratique, c’est aussi une rencontre inédite avec l’artiste, qui lève le voile sur son univers pour le public du Maillon. Le temps d’une soirée « Carte blanche », il partage en exclusivité des travaux en cours d’élaboration et un extrait de sa future création. Une occasion unique pour toutes et tous de découvrir son cheminement artistique et de dialoguer avec lui.



« Pointe shoe » – conférence dansée: le pied de nez aux conventions qui se plantent!
avec Morgana Cappellari, danseuse de l’Opéra Ballet de Flandre

Sur scène, une ballerine chaussée de pointes... Équipée d’un podoscope* et de différents outils technologiques, elle nous partage la biomécanique de la chaussure de pointe et du tutu, tout en faisant référence à l’histoire de la danse et à son répertoire – en dansant, évidemment...* Un podoscope est un appareil de podologie permettant l’examen statique du pied grâce à la visualisation des empreintes plantaires d’un patient. Il permet de déterminer les points d’appui et ainsi différentes caractéristiques du pied.

Turlu-tutu et pan pan sur le tutu! En "crêpe" ou pancake !

En quittant la barre, je deviens "un homme du milieu" disait François Raffinot, complice de Francine Lancelot  . Et voici donc une femme "du milieu" de la Danse qui s'offre au regard, seule sur le plateau, en introduction à cette soirée inédite, dite "carte blanche" à Alexander Vantourhout. Page blanche plutôt, objet et surface à remplir pour ce trublion de la danse circassienne belge. En tenue de répétition, la danseuse nous conte sa vie, son apprentissage et nous offre quelque démonstration de figures et postures de danse classique. Du bel ouvrage académique sans surprise, avec grâce et sourire aux lèvres. Que du bonheur en apparence.Des morceaux de piano spécifiques à l'entrainement en sus, une "corde" comme barre frontale et les exercices s'enchainent joyeusement. Barre-de traction, barre à terre, barre en l'air sur corde à sauter! Béjart avait fait une oeuvre remarquable en hommage à cet objet de culte,"La Barre", mobilier complice du miroir. C'est le "podomètre" qui va nous séduire, instrument de mesure de la répartition de l'équilibre corporel. Engin sur lequel elle grimpe et est filmée en contre-plongée histoire de provoquer des images hallucinantes de toute beauté, en agrandissement; spectres et empreintes colorées, déformées, monstrueuses, étirées des pieds et du corps de Morgana Capppellari. A la "Vives", illustrateur de BD (Polina la danseuse) ou à la Bacon. Plantes des pieds bien impactées comme une peinture couchée sur l'écran. Rallonges des membres et du corps,  prothèses entre monstruosité et beauté. Triviaux clichés en opposition aux canons de la danse classique... Clone, avatar de la femme qui s'entraine à loisir. Puis au tour de l'emblématique "tutu" plateau costume à danser: ici, c'est l'objet de tarlatane de labeur non talqué ni amidonné qu'elle enfile pour nous en montrer la souplesse, le rebond et la prolongation du mouvement. Elle décolle, tourbillonne en diagonales ou manèges froufroutants. L'écho du tulle en résonance de ses gestes. Comme une rémanence optique digne d'une séquence de cinémascope. Comme les ondes des ronds dans l'eau. Pas de colophane dans le bac pour ne pas déraper!Belle prestation savante et sobre, généreuse, en langue anglaise, charmante interprétation, diction et autre respiration salvatrice pour cet opus, lec-dem séduisante et instructive. A la pointe de la danse qui se pointe ainsi sur scène, dévoilant quelques recettes sur ce chausson  mythique, danse des petits pains à la Chaplin pour se ruer sur l'or dans les brancards de la technique. On songe à la prothèse selon Javier Perez: la pointe acérée des couteaux comme axe de tour des pointes du pied de la danseuse sur le piano de supplice martyr.

Javier Perez sur le fil


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« Boléro » – Solo : Toupies en folie.
avec Alexander Vantournhout

Ce solo conçu pour l’Opéra Ballet de Flandre se jouera prochainement avec un orchestre d’une soixantaine de musicien·nes. En avant-première, Alexander Vantournhout le partage avec nous.
Sa chorégraphie dialogue avec une des pièces les plus marquantes du répertoire classique en Belgique, le Boléro
de Ravel par Maurice Béjart. Sur une table-podium, Alexander Vantournhout anime des toupies ; une fois lancées, comme des ballerines, elles dansent toutes seules...

Ou presque, impactées par un lancer de dés qui n'aboliront pas le hasard de cette opéra de poche sur plateau en direct filmé et projeté en "grand" au dessus du manipulateur de toupies. Mouvements giratoires, déséquilibrés, en tourbillons qui s'épuisent: d'autres petites toupies colorées bleutées,prennent la relève, enivrées par la sempiternelle rengaine du Boléro de Ravel. Alexander jouant de dextérité, de patience, de concentration pour ne jamais interrompre ce ballet d'objets inédits. Ca tourne à l'envi sur ce petit nuage-plateau au dessus de lui qui donne une impression céleste de cosmos en désordre, en mouvement, planètes et astres en synergie avec les mouvements du corps du marionnettiste. Plein de poésie, d'invention, donnant aux toupies une dimension scénographique d'accumulation drôle et sur le fil. Les toupies en apesanteur sur l'écran, champignons et autres coulemelles gracieuses aux tutus rigides, vastes et magnétiques. Tutus plateau, pas romantiques pour un sou, machinerie comme un lancer de dés, de derviches tourneurs sur leur axe ou décalés. Faites vos jeux de hasard, jeu d'adresse circassien en diable, danse-objets de toute beauté. Ludique et plein de risque et de danger de briser le rythme... .

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« every_body » (extraits) – Duo

avec Emmi Väisänen et Alexander Vantournhout 

Dans every_body, Alexander Vantournhout et sa collaboratrice artistique Emmi Väisänen explorent les mouvements du quotidien. La pièce transforme une poignée de main banale en une chorégraphie élaborée impliquant bras, coudes et épaules, ou une simple marche en une multitude de mouvements de jambes. Le duo crée ainsi une toile de dynamiques corporelles, métamorphosant les mouvements élémentaires en quelque chose de remarquable

A Table ! Danses de table...pour "tout le monde"...Every body knows.

Au tour du gymnaste et de sa comparse Emmi Vaisanen de s'exprimer sur tapis roulant de studio de bodybuilding, stretching, steps et autres machineries de mouvements artificiels, mesurés en chambre....Body my body,"My blood, my body, my landscape" de Jan Fabre comme égocentrisme narcissique de référence. En introduction de ce duo anti-gymnique, un chassé-croisé, esquives à la Anne Teresa De Keersmaeker dans "Mikrokosmos" de Bartok...quelques belles empreintes d'une formation à PARTS après une école de cirque pour Alexander! Pétri de belles références  intelligentes.Enchevêtrement des jambes, à quatre pattes, quatre mains qui s'entremêlent en rythme, liaisons et illusions d'optique sur la perspective. Tricot en torsade et torsion des membres inférieurs dans une concentration extrême, histoire de ne pas rompre ce charme de trouble visuel. Tout se confond, se mêle à loisir.Confusion, leurre comme credo, danse d'orteils bien posés sur ce sol mouvant qui avance alors qu'ils donnent une impression de recul. Figures syncopées et altières pour un duo, mouvant, glissant, périlleux. Du tapis volant de rêve pour contes d'effets visuels très probants.

Au tour d'une table, de devenir objet-support de la danse. Assis de part et d'autre de l'objet à quatre pieds, les deux circassiens s'adonnent à des combinaisons savantes de petits bougés, infimes bascules de poids, d'appuis, d'impacts pour donner naissance à des espaces corporels en mémoire de la matière à la Odile Duboc, l'impact des expériences inscrit dans les corps pensants-penchants. Dans un beau halo de lumière le jeu s'offre , ludique, plein de malice et de bonheur, réjouissant et percutant: suspens et autre magie au poing pour ce numéro de choré-cirque fascinant. Pédalage dans le vide, apesanteur en appui, table complice et partenaire de ce trio singulier plein d'invention et de recherches laborantines de studio et paillasse de laboratoire expérimentaux. Résultats qui se livrent avec aisance dans la décontraction et le désir de partage.Établi sur lequel le travail se fait en reprise de tablier et sablier de l'espace et du temps. Incubation et fermentation des gestes comme objet de réflexion. "Je suis une école de danse" disait Boris Charmatz pour son "Bocal"...

Dialogue avec...
Ces « avant-premières » artistiques seront suivies d’un échange avec Alexander Vantournhout et Barbara Engelhardt, directrice du Maillon

Un bon moment de remarques, questions réponses sur le métier à tisser du lien entre les disciplines. Alexander se raconte, gaucher contrarié ambidextre converti pour synchroniser et vivre différemment la symétrie et autres constructions architecturales de prédilection.i Le corps plie et ne rompt pas pour cet auteur d'un nouveau genre: le "circo-graphe" magicien du mouvement et de l'optique. Au gré des agrès, du "programme d'actions" à inventer et répertorier pour un nouveau glossaire, une nouvelle syntaxe du spectacle vivant. Loin et près du chapiteau de légende circassien, du "cheval" ou du lion de monstration. La "co-émergeance de l'objet" en point de mire avec le partenaire pour une adaptation de l'homme à l'objet. Une tasse sans queue fait l'affaire pour se remémorer la qualité d'un mouvement inscrit dans le corps. Comme les objets inutiles de Put-Put ou de objets introuvables de Jacques Carelman. Les univers s'ouvrent et l'on s'y engouffre avec délectation. Affaire à suivre...Un nouveau matérialisme en pensée mouvante et percutante: en toupie qui danse, en table qui bouge, à la pointe du désarmant!

 Samedi 1 JUIN au Maillon


pour mémoire: Avignon IN 2018 Le sujet à vif SACD

"La rose en céramique" de Scali Delpeyrat et Alexander Vantournhout
Rrose Selavy
Il est son double articulaire, danseur, clone de ses sentiments, double de son destin; l'autre, c'est un homme "normal" qui se souvient et s’embarrasse de tas de choses pour bloquer son chemin, entraver sa course. Les objets le hantent: serviette brodée ou lave vaisselle contenant souvenirs et passé.Tous deux occupent le plateau du Jardin de la Vierge et l'un questionne le monde: ce qui est "important",  c'est de discerner ce qui l'est de ce qui ne l'est pas ! En désillusion, désenchanté, il clame tandis que son ombre, compère le manipule ou se contorsionne savamment dans de beaux engrenages de gestes virtuoses. Torse nu, en short, ils se séparent, se retrouvent dans des entrelacs de corps. Évoque un point noir en cicatrice sur fond de violoncelle. Et si "Rrose Selavy" gardons notre rond de serviette brodée dans nos cœurs et avec eux allons sur les chemins de traverse: le lave vaisselle qui lui servira de tombe ou de cercueil se chargera d'essorer la nostalgie !