L’exposition « OTHONIEL COSMOS ou les Fantômes de l’Amour » dessine un gigantesque parcours monumental qui peuple les institutions gratuites et les sites historiques de la ville.
L’artiste a élaboré des œuvres qui se dévoileront d’un lieu à l’autre croisant la sculpture et la peinture, les briques et les perles, des Astrolabes et des fontaines, de l’or et du verre, des totems et des nœuds infinis. Articulée autour de la passion amoureuse cette exposition sans pareille est orchestrée comme une grande machinerie opératique avec, pour point d’orgue les 1er et 02 août, une installation et une performance dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, spécialement chorégraphiée par Carolyn Carlson pour le danseur étoile Hugo Marchand et la danseuse Caroline Osmont de l’Opéra de Paris, accompagnés de Juha Marsalo de la Carolyn Carlson Company.
Cette chorégraphie a été construite autour des œuvres de Jean-Michel Othoniel spécialement installées sur la scène de la Cour d’Honneur du Palais des Papes d’Avignon. Une installation monumentale imaginée par le sculpteur pour ce lieu hors norme. Plus de 10 000 briques de verre métamorphosant l’architecture de la Cour d’Honneur dessinent un paysage qui accueille trois immenses sculptures de briques d’inox miroir aux formes fantomatiques.
Qu'est ce qui pourrait bien relier la sensualité de la danse de Carolyn Carlson aux figures abstraites de Jean Michel Othoniel? Sous la voûte céleste du Palais des Papes en Avignon le secret va être dévoilé. Rien ne les oppose au regard de tout le périple extraordinaire des œuvres exposées du sculpteur que l'on aura pu faire auparavant et après au cœur de la cité papale.
Un homme apparaît en fond de scène, démarche lente comme celle d'une ascension d'un pont de pierres qui s'esquisse en perspective, ogive du palais, voute romane ou pont vénitien.. On se souvient du séjour de Carolyn à la Fenice.. Il gravit lentement, rêveur cet espace souligné par les arabesques dessinées de courbes murales faites de pierres lumineuses. Tout de brun vêtu, large tunique souple soulignant ses gestes amples, plexus solaire offert à la brise du crépuscule du soir naissant. C'est Hugo Marchand qui ouvre ce bal, noble et puissant, la danse dévoreuse d'espace, avide de lumière et d'aisance. Il voltige au cœur de cette immense scène où trônent trois sculptures de pierres de métal réfléchissant la lumière. Trois immenses roses des sables, roses des vents, strictes stalagmites venues d'une autre planète. Le cosmos s'impose comme aire de jeu, les étoiles naissantes dans la voute céleste du soir. L'errance d'un jeune homme en quête d'espoir, d'amour, de rencontres. Apparait à l'orée d'une voûte, une jeune femme, longue chevelure blonde, robe ample emplie de la brise légère qui courre au sein du palais. Elle semble perdue dans cet espace immense ponctué de ces trois statues étranges, frontières ou murs lui dissimulant l'homme de ses rêves. Caroline Osmont véritable incarnation de grâce, de fluidité, de légitimité à incarner amour et passion dévorante. Pour agrémenter le suspens et l'intrigue, une sorte de mage, devin incongru, vient perturber la rencontre inévitable. Leur opposant sur leur chemin, des briques empruntées aux figures structurales du décor, mesurant ainsi ce qui les sépare où les rapproche. Ce qui fait obstacle à leur rencontre...Ce dernier danse son obstination à les séparer alors que tous deux esquissent pas de deux et portés aériens, enlacés. Les gestes tétaniques et segmentés si chers à Carolyn Carlson s'évaporant ainsi dans un grand lyrisme ondulant très classique épousant les corps de nos deux étoiles de l'Opéra de Paris. Car la gestuelle de Carlson est signature en apparence aisée à interpréter mais si imprégnée de directionnel fascinants et imprévus, de hachures morcelées vertigineuses que l'on songe à la difficulté à s'y glisser aisément...Ce que font à merveille les deux interprètes comme des somnambules lâchés dans cet espace grandiose. Seules les trois sculptures leur rappellent que métal et rigidité ne sont pas synonyme d'enfermement, d'emprisonnement. Leur amour devient alors possible malgré les poses réflexives du devin sur les wonder block de Jean Michel Othoniel, ni sur son banc de confidences au milieu de la scène. La scénographie relie ainsi écriture chorégraphique et sculpture monumentale avec bonheur et complicité. La danse se glisse parmi ses méandres minérales, ces matières stricte, anguleuses et tranchantes. Danse voluptueuse, délicieuse interprétation cosmique, lenteur divine de gestes en opposition apparente. Là se délivrent les secrets de mise en scène que Carlson sait révéler et incarner. Comme pour "Signes" où elle épousait les formes colorées de soutenue par la musique du même René Aubry...Musique résonnante au coeur du Palais des Papes comme un écho, une correspondance avec la danse de Carolyn... Alors l'alchimie opère et les deux artistes réussissent à créer une atmosphère autant féérique qu'onirique au rythme des changements de luminosité sur les pans de murs, sur les trois totems vibrants et scintillants d'Othoniel. Le pari est gagné, le Palais s'enflamme et se pare de majesté rêvée qui lui sied à merveille. La danse au Palais reprend ses marques, les étoiles y brillent par la splendeur de leur interprétation, leur lyrisme à fleur de peau, leur intelligence du graphisme évident de la chorégraphe si prompte à s'emparer d'un lieu préparé par un bâtisseur de rêves, perle rare actuelle du monde des arts plastiques résonnant de réflexion et d'adaptation à un topos légendaire.
Au Palais des Papes à Avignon les 1 et 2 Aout dans le cadre de Avignon capitale de culture et du parcours signé Jean Michel Othoniel
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