dimanche 9 juin 2013

Haegue Yang: la jeune fille aux grelots

Elle expose actuellement au MAMCS et à l'Aubette à Strasbourg


Sans "Equivoque" !
Dans la "maisonnée" de cette artiste coréenne, désormais de renommée internationale, se dessine tout un univers inspiré par le mouvement, l'architecture et toutes sortes de références à l'univers dada de Sophie Taeuber, des surréalistes.
Dans la vaste salle des fêtes de l'Aubette 1928, elle installe in situ, deux sortes de mobiles gigantesques, faits de stores vénitiens, de jalousies façonnées de tissus, de fils de laine, de grelots: comme deux cathédrales sonores et mobiles, les structures-sculptures "Dress Vehicles"s'animent quand un visiteur y pénétrant, manipule l'engin et le fait osciller.On pense aux structures et costumes d'Oscar Schlemmer et son fameux "Ballet Triadique"!
De l'intérieur, l'impression est forte et suggère des sensations de pesanteur, de résistance physique impressionnante.Les forces centripètes et centrifuges se vivent en direct avec l'énergie corporelle.
Dans la salle ciné-bal, sur les tables du café dada, des colliers, des parures faites de grelots se prêtent à un usage singulier: le visiteur s'en empare avec délicatesse et respect vis à vis de l’œuvre d'art, orfèvrerie énigmatique.
Défilé de mode, petit manège animé que le spectacle des convives intrigués, parés de ces colliers de grelots résonnants, lourds, fonctionnant sur la notion de tension-détente, de poids.
On se retrouve quelque part dans l'univers de Laban, testant la matière portée à même le corps. Costumes à danser une parade martiale, sortes de cotes de mailles, de parures d’apparat spectaculaire.
Une expérience corporelle à vivre absolument, seul, ou relié aux autres par les différentes entrées et sorties à enfiler comme autant de liaisons, de connections avec le corps de l'autre.
Clins d'oeil également à Sophie Taeuber-Arp et sa "coupe dada" avec une installation, citation pour le foyer-bar de l'artiste, danseuse -performeuse. La connivence entre l'une et l'autre opère et cette complicité continue à se décliner au sein de l'autre pan de l'exposition au MAMCS.
On y retrouve, suspendue aux "cintres" une installation nommée "Blind Curtain-Flesh behind Tricolore", structure volante, mobile, composée de stores vénitiens, à explorer en contre plongée pour y découvrir les subtilités rythmiques et chromatiques, comme une composition musicale, planant à l'entrée de l'exposition. Non loin de là, les cabanes empilées de Séverine Hubard,dans la cour du musée (installation pérenne) répondent à cet univers "domestique", maisonnée chatoyante de Haegue Yang.On passe de l'enracinement de la maison en déséquilibre, à l'aspect stabile des stores vénitiens clairvoyants, à claire-voie.
L'univers de la maison se retrouve dans l'installation au rez-de-chaussée, avec ce singulier fantôme de sèche linge, habillé pour l'occasion d'un tissus bleu, lui conférant un aspect d'épouvantail ou de robot des temps modernes. On retrouve lors de séquences photographiques, cet objet culte, transformé pour l'occasion en marionnette, en pantin désarticulé, dans des attitudes très "dalcroziennes" de formes et statures, postures angulaires et tectoniques très humoristiques.
L'exposition rétrospective de cette artiste singulière est une véritable réussite, jubilatoire quant à l'interactivité que le visiteur peut y vivre et expérimenter sans "équivoque"
L'intitulé de l'exposition prêterait alors à confusion: avec "Equivoques" l'artiste chorégraphie l'espace, les objets, leur donne une vie cinétique et émouvante, issue de la mobilité et du mouvement qui veille à sa constitution.La pensée qui sous-tend l’œuvre de l'artiste est elle aussi en mouvement et se donne à voir comme autant de sculptures du monde réinventé, recyclé au profit de la poésie et de l'intrigue.
www.musees.strasbourg.eu



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