mardi 8 octobre 2019

Alice Ripoll ": "Cria"...Cuervos....Tous genres confondus.


"Chorégraphe engagée, Alice Ripoll travaille depuis de nombreuses années avec des danseurs issus des favelas brésiliennes. Auprès des interprètes virtuoses de Suave, le groupe qu’elle a fondé, elle a imaginé CRIA, une pièce éclatante qui célèbre le désir et la vie « malgré tout ». En portugais, le mot « cria » a deux significations essentielles : « jeune créature » (animale ou humaine) et « création ». Au Brésil, en argot, il désigne aussi la favela d’où l’on vient. Dans cette pièce, Alice Ripoll relie ces sens multiples et convoque toutes les interprétations, sociales, vitales et affectives, que ce mot suscite. Elle en fait un ensemble rythmique qui célèbre la force et la sensualité des corps. Les danses de CRIA s’inspirent de la « dancinha » née à Rio, littéralement « petite danse » qui dérive elle-même du « passinho » (petit pas) mixant les influences traditionnelles du Brésil, comme la samba et la capoeira, avec des mouvements de break dance et de hip-hop. La chorégraphie d’Alice Ripoll alterne passages musicaux où les danseurs débordent d'une énergie frénétique et accalmie, avec des temps, des accents plus silencieux, intériorisés. Ces écarts font naître d’étranges sensations, comme si derrière l’humour et la fête, les corps gorgés d'érotisme et de vitalité cachaient d’autres réalités, plus mélancoliques et solitaires. Des espaces où les corps s'isolent, se rapprochent par moments, se heurtent et s'effondrent parfois, conjuguant à la fois la naissance et la mort."


A "Petipa", "petite" danse haute en couleurs, sur le haut du pavé du plateau de Pôle Sud...
Sauvage et belle, la danse d'Alice Ripoll, sauvage et débridée autant dans la mouvance que dans la construction brinquebalante du spectacle..
Mais on reste séduit par le premier tableau, défilé du savoir faire de chacun des dix danseurs, costumés pour une fiesta pailletée, torse nu ou en culotte courte, les cheveux savamment coiffés, grand désordre de genres, de motricité, de gestuelles:on y remue les fesses, on y sautille plein d'allégresse, de tonus, d'énergie contagieuse.En un train d'enfer, sur une musique galvanisante. Comme une frise, une fresque au fronton d'un bel édifice, les corps se montrent, pausent, défilent en postures, allures et profils valorisants.
Sauts de batraciens, oiseaux aux longues ailes battantes dans le silence qui suit la tornade.
L'hyper mobilité d'un corps masculin, muscles saillants mobilisés pour une petite danse de la peau, des parties du corps, fait office de démonstration d'un chamane extra souple, danse instinctive et possédée, non dénuée d'humour et de distanciation.
 Chacun cale sa danse sur l'autre, à l'unisson, bouquet de corps fébriles. Chevelures foisonnantes, signe d'appartenance ethnique, culturelle. Une belle galerie de portraits, tous différents, unique et pourtant rassemblés par un esprit de "corps" mouvants. Un solo transgenre d'une "créature" attifée d'une culotte bouffante de soie orange attise notre curiosité; folle mouvance qui fait se tordre et flotter ses cheveux longs épars comme une crinière au vent d'un moulin déboussolé, en proie à un mouvement de rotation perpétuelle. La rémanence rétinienne en fait une séquence virtuose, enivrante, forte.
Deux hommes viennent claquer des dents et faire quelques mimiques grotesques, , les numéros et tableaux se succèdent sans grande cohérence et l'on patauge dans l'interrogation sur le propos de fond.
La voix, présente dans ce travail corporel, énonce cris et ralliements de la meute, tribu soudée, dans de belles secousses chorales en bouquet touffu de chevelures.Photo de famille, chorale votive, incantatoire, joyeux charivari, cris du marché, manège infernal, tout y passe pour ces possédés, en mêlée pour mieux jouer et porter aussi leurs morts: en sacrifice, en accouchement ou lors d'une tuerie sous les salves guerrières de la vie. On se protège, on y danse les esprits des morts, en faune ou djinns démoniaques, on porte en pietà le corps d'une victime, solidaires et soudés.
Un très beau duo au final, chevauchée de deux corps qui se portent en osmose, pour créer un être hybride, monture étrange pour siamois complices.
Cependant, les séquences mises bout à bout ne suffisent pas à architecturer rythme et cohérence
On ressort en empathie pourtant, tant la verve et l'énergie sont les piliers de ce spectacle réjouissant et grave à la fois.


A Pôle Sud les 8 et 9 Octobre

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