Comme ils l’avaient fait en
2021 avec leurs Merveilles, Clédat & Petitpierre puisent dans
l’Histoire pour cette nouvelle création
Les poufs, ce sont
ces perruques surdimensionnées et extravagantes apparues à la cour de
Marie-Antoinette, décorées d’ornements les plus farfelus. Les « poufs
aux sentiments », auxquels étaient accrochés portraits et objets
rappelant les êtres aimés, reflétaient plus particulièrement les liens
affectifs de ceux et celles qui les portaient.
S’emparant de ces étranges constructions, les deux artistes font naître
un monde insolite : dans un jardin à la française taillé au cordeau, les
danseurs Ruth Childs et Sylvain Prunenec, dont le costume prend la
forme duveteuse de ces coiffes d’antan, déploient une chorégraphie
subtile qui renvoie aussi à l’univers de la danse baroque. Deux arbustes
anthropomorphes habitent également ce décor de verdure, lui-même doué
de vie. Chez Clédat & Petitpierre, qui interviennent tant dans les
théâtres que dans les centres d’art et l’espace public, le
travestissement constitue à la fois le point de départ et la matrice
d’une rêverie hors du temps.
Je vous "haie" d'honneur...
Un décor comme un labyrinthe, jardin à la Le Nôtre, tracé au cordeau, un petit bosquet de buis qui va donner naissance en accouchant comme la montagne, de souris, velues: des moutons de jardin qui copulent sauvagement comme une bête à deux dos dans des ébats jouissifs, petits culs de puttini à l’appui. Cela s'annonce charmant et désuet: culs blancs de lapinoux et pom-pom girls au chapitre. Au menu, menuet et rigaudon car c'est bien la danse baroque qui est convoquée ici.On songe à:
"C´est nous les petits puttini
Fesses à l´air et joues rebondies
En peinture, en lavis,
En marbre d´Italie,
Fanfarons, fripons, trublions,
Tétons mignons, bedons trognons,
Chantons le gai rigaudon,
La chanson des gros cupidons
Fesses à l´air et joues rebondies
C´est nous les petits puttini
" (juliette le congrès des chérubins)
Précieuse et galantes évolutions, les bras et mains très maniérés, façonnés par le style relevé juste ce qu'il faut; sauf que, en collants chair moulants et cul-nus nos deux escogriffes font obstacle au bon comportement. Dress-code aux oubliettes.Le maitre (mètre) à danser fait défaut pour ces figures anachroniques qui se baladent nonchalamment aux jardin des délices. De la haie surgissent deux arbrisseaux malins qui ne cessent de se métamorphoser, de se transformer en animaux dans ce parterre de feuilles vertes artificielles. Kitsch et drôle à la fois, ce tableau ravit: les étreintes se font électriques et lumineuses pour ce couple de charme, enjôleur à souhait. Les sculptures de plantes, buis, en art topiaire se font vivantes et mobiles, s'adonnent à un jeu de mimétisme troublant et la haie d'honneur est endroit et place de révérences distinguées, de piqués en contrepoints, de sautillés savants, dosés à point. Quelques mouvements d'escrime , fondus en tierce pour orner le tout. Les perruques dissimulent deux visages charmants: celui de Sylvain Prunenec, petit faune désopilant au sourire naïf, serein et malicieux, le "ravi de la crèche" face à Ruth Childs, femme offerte et maline, calculatrice et séduisante. Cette danse très "plasticienne" obéit aux lois d'une mise en scène qui évoque la "carte du tendre", géographie du désir, de la reconnaissance, de l'estime: les codes de bonne conduite et de bienséance de l'époque. Danses tracées, éloquence du verbe et des paroles murmurées par la femme-mouton affublée de ce tutu de laine façonné comme les organes et membres reproducteurs... Une étreinte phosphorescente de barbe à papa glamour, savoureuse, succulente, un amour sur petit nuage duveteux, ouaté, et le tour est joué au pays de la douceur, de la tendresse.Billet doux, danse candide, retenue pour ébats érotiques de toute beauté amusante et frivole. Sans Lully, ni Rameaux sur fond de petites percussions ou de musique pop, se déroule les intrigues On se fait la chasse, la courre à cour, à jardin sans cesse et les bosquets de jouer à l'apparition-disparition comme autant de tableaux-pièges ou de décor de circonstances. Joli tableau où nos amoureux transits paradent sur la haie, bordée d'un treillis de verdure mouvante...Un cadre idyllique pour amours distinguées. On se laque à l'envi en poudre de perlimpinpin bombée sur les perruques , on se renvoie la balle au bond, ping-pong avec arbustes mouvants et les inventions fusent à l'envi. La chanson des amants de Moustaki vient au finale, couronner le tout, douce et suave comme cette odyssée précieuse, gâteau "merveilleux" saupoudré de meringue et autres douceurs sucrées. Haie d'honneur taillée dans le vif du sujet pour cartomancienne éclairée. C'est réjouissant et volage
- Conception, chorégraphie, scénographie, costumes : Clédat & Petitpierre
- Avec : Ruth Childs, Sylvain Prunenec, Max Ricat, Coco Petitpierre
- Lumière : Yan Godat
- Son : Stéphane Vecchione
Au Maillon Wacken jusqu'au 14 AVRIL
Couple d’artistes fusionnel, Yvan Clédat et Coco Petitpierre
se sont rencontrés en 1986. Sculpteurs, performeurs, metteurs en scène,
ils interrogent tour à tour l’espace d’exposition et celui de la scène à
travers une œuvre protéiforme et amusée, dans laquelle les corps des
deux artistes sont régulièrement mis en jeu. Leurs œuvres sont
indifféremment présentées dans des centres d’arts, des musées, des
festivals ou des théâtres, en France et dans une quinzaine de pays.
Au Maillon, ils sont accueillis avec Helvet Underground en 2019 et Les Merveilles en juin 2021 dans le cadre du temps fort Les Narrations du futur avec le TJP CDN.
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charlie le mindu
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