mercredi 17 juillet 2024

"Forever" (Immersion dans Café Müller de Pina Bausch): Boris Charmatz, artiste complice du Festival d'Avignon 2024: corsé ou longo, Café Mûller sur le comptoir de la mémoire vive

 


Osez l'impossible, l'improbable tout en se basant sur la mémoire corporelle des danseurs de la création de cette pièce emblématique du répertoire du Tanztheater Wuppertal c'est le pari gagné de Boris Charmatz. Le "Terrain" est favorable  pour notre "fêlé du bocal" si entreprenant, si audacieux, si attachant, et propice à une "restauration" d'un "chef d'oeuvre" non intouchable d'un répertoire consacré. Sur le zinc et dans l'arène de la Fabrika à Avignon, il embarque le public pour plus de sept heures de représentation possible.Aventure et plongée immersive au plus près des artistes performeurs, ou installés sur les derniers gradins, en hauteur. On choisit son point de vue, sa position, son rapport physique et émotionnel aux danseurs. C'est cadeau et voir interpréter les rôles phares soit par les danseurs d'origine, soit par les tous jeunes venus est émotion et discernement. Tables et chaises bien sur pour le morceau de bravoure de 45 minutes repris à six reprises durant tout un après-midi. On y ressent toute l'énergie de ces personnages, errant les bras tendus et offerts ou se fracassant contre les murs comme à l'origine. Pina semble veiller en bonne fée sur ce berceau de la résurrection de son oeuvre chargée d'auto fiction, de sensibilité, d'humanité profonde.Alors on regarde, on écoute Purcell, on comprend que "la plainte de l'impératrice" hante encore bien des esprits et que comme Wim Wenders dans "Pina"ou Chantal Akerman, le chorégraphe se frotte et se pique au jeu du respect, de l'inclination, de la révérence. "Forever" c'est un monument et non un mausolée, une architecture de tension-détente, une maison qui danse à la Frank O.Gehry.


C'est une visite dans tous ces états de danse, guidée d'un corps à l'autre, rompu aux gestes, déplacements errances et divagations de la pièce. Entre les six versions dansées par d'autres danseurs, se glissent en entremets, entractes et sans relâche des "involving", sorte de clins d'oeil à la genèse de l'oeuvre, à sa vie à travers les expériences de chacun des interprètes.Celle de "Kaspar Hauser", la plus belle et fameuse évocation de celui que Pina désigne comme le clone du héros du film de  Werner Herzog...Comme on fouillerait la mémoire même de Boris Charmatz qui confie son cheminement auprès de bien de compagnons de route dont Raphaëlle Delaunay. Et aussi Jeanne Balibar également "Quichotte" au festival, "la danseuse malade"...Retrouvailles et complicités obligent.On se remémore ou on découvre tout un univers chorégraphique, physique, mental et "une école" Charmatz, ferment de bien des expériences plurielles. Forever pour toujours, sans fin, sans toit ni loi mais bercé d'un total respect vis à vis d'une femme dansant sa vie avec celle des autres. En s'impliquant, en s'engageant, en participant à l'existence de Terpsichore."Danser, danser, sinon nous sommes perdus"

Au festival d'Avignon 2024 jusqu'au 21 JUILLET

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