Marquée
dès son plus jeune âge par les films d’horreur et les histoires de
possessions de sa Grèce natale, Chara Kotsali traque les esprits qui
hantent notre langue, nos textes, nos connaissances et le monde matériel
dans lequel nous baignons. En solo, elle donne vie à une multitude de
rituels successifs, issus de témoignages de femmes d’horizons variés.
Histoires de démons, exorcisme religieux, convocation d’esprits… autant
de matières qu’elle transcrit corporellement, agitée par des phénomènes
extérieurs qui entraînent une sauvagerie subversive. Être possédé par un
passé impalpable et un pouvoir inconnu, la performeuse compile des
archives de sons auxquels elle ajoute des effets de loop au micro, colle
des affiches comme autant d’idoles formant un cadre indémêlable
d’attirance / répulsion, dans une mise en abyme du carcan de normes qui
contrôlent le corps social, depuis des siècles.
La réflexion est prolixe, le mur d'affiches à l'inverse de la pratique d'arrachement à la Hains Rotella ou Villeglé, bordé de coupures de photographies qui vont se rejoindre et former une nouvelle image. Collages, décollage sur ce tarmac à la verticale que la performeuse va recouvrir de colle à tapisserie à l'envi. Trois plots pour accueillir les accessoires "utiles" ou "inutiles" pour cette performance percussive où l'artiste, soliste nous interroge sur le son, les mots de la folie. Ce qui passe par le vecteur corporel quand on est atteint de syndrome de "danse de saint guy" ou autre possession chamanique et rituelle. Les mots du corps, les maux de cette femme, longs cheveux éparpillés, jean et baskets communs. Elle déploie son talent unique et singulier en une danse diffractée, déséquilibrée, en miette comme cabossée ou inspirée par des esprits proches ou lointains. Ce solo énigmatique ne délivrera pas tous ses secrets: sa voix bordée en direct par une reproduction artificielle de ses paroles indistinctes. Jeu de malin, jeu de vilain, jeu de sorcellerie qui touche, inquiète et nous projette dans une étrange atmosphère de mystère. Douée d'une présence forte et ancrée, la performeuse use et abuse de cette physicalité qui lui est propre, de son regard inquisiteur. Chara Kotsali est intrigante et fascinante.Trompette de la renommée, percussions de secrétaire sur son clavier informatique, elle oscille entre danse et théâtralité, passe furtivement de l'une à l'autre, offrant des paysages harmonieux, des ambiances troublantes. Déséquilibrée, folle et lascive, elle s'empare de cette danse de Saint Guy -on se souvient des danses d'épidémie de 1518 de Strasbourg- avec passion et distanciation.
A Pole Sud les 17/ 18 Janvier dans le cadre du Festival "L'année commence avec elles"
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