lundi 7 avril 2025

"Coup fatal": Fabrizio Cassol, Alain Platel et Rodriguez Vangama: un trio infernal pour un hymne au métissage des civilisations!

 


Coup fatal est une pièce musicale à l’énergie contagieuse, dans laquelle des musiciens, pour la plupart originaires de la République démocratique du Congo, s’emparent du répertoire baroque pour composer un véritable hymne à la joie. Rodriguez Vangama, Alain Platel et Fabrizio Cassol façonnent un spectacle à la croisée du théâtre, de la musique et de la danse. Bach, Haendel, Monteverdi enlacent les pulsations du continent africain. Le baroque et la musique traditionnelle congolaise aux épices rock et jazz fusionnent dans un décor qui fait écho à la réalité d’un pays en émoi constant. S’ajoutent l’exubérance et la coquetterie des « sapeurs », les dandys de Kinshasa. Il n’en faut pas davantage pour créer la magie d’une œuvre inoubliable. Frénétique et bouleversant.
 

La salle  est déjà bien chauffée dans une ambiance multigénérationnelle, joyeuse et bruyante. C'est dire si le pari de hausser le ton est presque déjà gagné! Danseurs, chanteurs se réunissent sur le plateau comme pour un rituel de retrouvailles, de communion: en "bonne compagnie". Voici les cultures et les disciplines qui se rencontrent, se catapultent, les siècles qui s'entremêlent sans heurt avec bonheur, courtoisie et tact. Du baroque à l'appui, en suspension pour ce contre ténor Coco Diaz sulfureux qui s'installe, beau prince sur l'estrade et n'en fait qu'à sa tête. Chanter le répertoire "J'ai perdu mon Eurydice" de Gluck extrait de "Orphée aux enfers" alors qu'autour de lui se meuvent des diablotins malins, va quasi de soi! On songe aux" Indes Galantes" de J.P. Rameau mis en scène par  Clément Cogitore chorégraphiées par Bintou Dembélé au krump légendaire et percutant le baroque avec rage et conviction. Très réussi, le choc des cultures esthétiques et musicales.
 

On y joue du likembe en dansant, de la double guitare en opérant comme chef d'orchestre:c'est Rodriguez Vangama qui s'y colle avec brio autant en improvisations qu'en savantes compositions inspirées de la culture musicale du Congo. Le rythme va bon train dans un décor de fils de perles en rideau de pluie.

Métissage des danses également qui tricotent du krump, hip-hop, break dance dans une joie contagieuse: une danseuse excelle parmi eux, soliste émérite et douée de belles enjambées, postures, attitudes à l'endroit, à l'envers pour un bon tricotage des styles. La tension ne baisse jamais soutenue par une dramaturgie musicale stricte et fort bien menée.On y croise des personnages burlesques et coquins comme ce joueur de kalimba qui fait office de jocker ou fou du roi, Scapin malin et grotesque plein d'humour venant singer les autres par un jeu plein d'humour.Intriguant malgré lui et savoureux joueur et danseur rayonnant, souriant.C'est dire si Bach, Vivaldi, Haendel et son "Lascia ch'io pianga" font recette et collent à l'atmosphère tonitruante du spectacle..En deux parties dont la seconde consacrée aux dandys de Kinshasa (pas Piccadilly) : costumes colorés, seyants, fantaisistes autant qu’apprêtés. 
 

On bascule dans le vaudeville, la comédie musicale et c'est réjouissant. Les antagonismes se rencontrent, les contrastes opèrent et ça roule quasi deux heures durant sous la houlette d'Alain Platel qui déchire la chorégraphie baroque en élucubrations africaines heureuses. Fabrizio Cassol aux commandes musicales servi généreusement par des artistes polyvalents . Et ce guitariste qui hante le plateau, Rodriguez Vangama, vedette et cible de tout ce joyeux petit peuple dans son agora polyphonique vertueuse.Un régal que partage un public enthousiaste, invité à danser en slow aux premières loges ou accueillant les danseurs dans les rangées du théâtre. Un "coup fatal" où l'on tord le cou aux conventions et affirme comme une évidence que l'art est multiculturel et aux delà des frontières par dessus les siècles.
 
Au Théâtre du Rond Point jusqu'au 5 AVRIL



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