dimanche 22 juillet 2012

Avignon "off" entre en danse!

Le "off" affichait en Avignon bon nombre de spectacles de danse.
En voici un petit aperçu parmi la vingtaine vus durant 5 journées très "denses"!

"Tu" par la compagnie "Etantdonné" de Haute Normandie est un bel exemple de travail bien fait.
Trois danseuses évoluent derrière deux paravents, obstacles à contourner, objets destinés à laisser apparaitre et disparaitre un ou deux personnages, vêtus de blanc, avec capuches enfoncées de manière à ne pas laisser apparaitre les visages....Le leurre fonctionne: gémellité, dédoublement, disparitions fugaces selon les éclairages...La petite salle de la Condition des Soies se remplit de mystère au petit matin (10H) et la magie opère. La chorégraphie signée Frédérike Unger et Jérôme Ferron est orchestrée de main de maître et la pièce grandit et s'envenime dans une belle tension. Au finale, on découvre qu'elles sont trois à nous avoir embarquer dans un voyage au long cours, sans faille.
www.etantdonne.fr

"Point de vue" par la Compagnie Scalène devise sur les nouvelles technologies de la communication avec humour et distenciation.
Les portables, caméras et autres objets transitionnels qui nous lient et nous relient font l'objet sur scène d'expérimentation en live et en direct qui ne sont pas sans intérêt. Les caméras proposent gros plans sur les corps en mouvement, cadres rapprochés, corps morcelés et effets de sur- dimensionnement en noir et blanc. Les quatre danseurs se jouent ainsi des espaces créés qui se reproduisent sur un écran en fond de scène.Manuel Chabanis et Youtci Erdos opèrent dans ces "zones du dedans", intimes et actuellement incontournable dans les comportements humains.Les caméras de surveillance, les portables en prennent un sérieux coup et inventent de nouveaux territoires d'investigation.
C'est probant et efficace et les anecdotes chorégraphiques sont de bon aloi!
Le Théâtre de l'Oulle se prêtait judicieusement à cet exercice!
www.cie-scalene.com

"Petrole/ Fossils" par la compagnie David Drouard sont deux pièces choisies pour représenter la griffe du chorégraphe de la Région Pays de Loire au Grenier à Sel.
"Petrole" inspiré de la phrase de Pasolini "Ce qui toujours parle en silence c'est le corps" est un duo fin et délicat animé par la grâce de deux danseurs aguerris à un phrasé fluide et imperceptiblement virtuose.Les très beaux costumes de Michèle Amet et Keuin Bruneet renforcent cet état de rêve et de légèreté immaculée. Quant à "Fossils" la pièce travaille sur la trace, l'empreinte du corps, de la danse sur le corps de l'interprète. Telle un palimpseste fondateur, la gestuelle exprime la mémoire, le travail du chorégraphe sur les histoires et biographies de chacun de ses auteurs de mouvements que sont les interprètes. Comme des fossiles, des strates et couches qui fondent vécu et vivant.
www.ciedaviddrouard.com

"Au bord de la route" spectacle multimédia de la Compagnie La Rumeur- Patrice Bigel- est un voyage singulier aux limites, aux frontières du vécu.Un dispositif original à la Fabrik Théâtre révèle cette pièce singulière où chacun s'expose par la parole et le geste aux regards des spectateurs. Cela fonctionne comme autant d'aveux très touchants sur l'humaine condition, la perte, le désespoir,la vie tout court.
L'émotion est grande et la tension pulse entre chaque interprète positionné comme dans un confessionnal, devant nous.Lumières crues, fond de scène lumineux, musique puissante, L'égarement humain, l'absence de repères façonnent l'argument comme un livret de ballet contemporain désigné selon des références à Baudrillard.Des fragments d'histoire, volées par des caméras qui fixent ces visages émouvants sont autant de bribes de narration pour conter l'énergie de la danse , celle qui va "sauver" ceux qui s'y adonnent.
www.compagnielarumeur.com

"On t'appelle Vénus" une œuvre signée Chantal Loïal de la compagnis Difé Kako, représentée à la Chapelle du Verbe Incarné se donne comme un hommage à la Vénus Hottentote qui fit la célébrité du corps médical à l'époque de colonialisme.Montrée pour sa différence et sa "monstruosité", cette femme noire incarne pour la danseuse chorégraphe originaire de Guadeloupe se donne dans l'interprétation intimiste, évocation discrète du destin de cette"vénus" meurtrie par les regards et les explorations, violations faites à l'adresse de son corps, "différent".
Du bel ouvrage où la sensibilité de Chantal Loïal est révélée par Paco Décina qui lui offre ainsi une chorégraphie, une danse sur mesure.
Les "fesses" y sont évoquées comme un hommage à la vie, au jeu de mots, à l'humour mais aussi aux formes callipyges de la belle danseuse qu'elle sait toujours être. Beaucoup de tendresse aussi dans ce solo, de révolte, d'aveux sur la valeur et l'estime que chacun a de soi-même.
On a envie d'y rire et d'y pleurer tant la pièce est franche, brute, vraie.
www.difekako.fr

Opération "La belle scène saint-denis": une parenthèse salutaire.
Un programme danse singulier à 10H du matin dans le centre historique d'Avignon, dans l'espace jardin du Théâtre de la Parenthèse: une pause dans la jungle du spectacle vivant avignonais comme un havre de paix, un ressourcement hors marché mercantile et de la foultitude!Un bain de jouvence qui proposait 7 pièces différentes signées respectivement de jolies "poinitures" de la danse contemporaine!
Initié par diverses structures de diffusion d'Ile de France, cette expérience regroupent des auteurs chorégraphes singuliers, aux propos engagés sur la danse et la recherche chorégraphique."Héroines" de Julie Nioche et Sir Alice se propose comme un solo de danse brute interprété par Julie Nioche sur la voix et musique live de Alice Daquet: une réussite de simplicité, dénudée, brute et directe. La sobriété de la gestuelle au plus proche du timbre et du rythme de la voix fait mouche.
"La Poterie Punaise" d'Emmanuelle Vo -Dinh et l'écrivain Jérôme Mauche fonctionne comme un duo en écho.Gestuelle, textes se répondent ourlés par la simplicité de la scénographie très plastique: un carré dessiné sur les mesures d'un pigment bleu Klein tracé à la corde.
"Ginger Jive" la dernière chorégraphie de Raphaelle Delaunay se veut comme une petite exposition et un regard sur la diaspora noire.C'est réussi, jubilatoire grâce à l'interprétation de la chorégraphe et de Asha Thomas qui évoquerait à elle seule Joséphine Backer et toute la danse swing.Deux femmes en transes, en danse se livrent et délivrent leur soif d'authenticité dans une gestuelle imprégnée de mémoire, de citations.
"Apache" rallie Hamid Ben Mahi au talent d'un guitariste déjanté Yan Péchin. Curieuse évocation du sauvage, de l'intru, du chef apache, très "physique", un peu caricaturale mais à prendre comme une ébauche d'un futeu spectacle!
"La fille qui danse" dernière chorégraphie de Daniel Doebbels sur des textes d'Alain Fleicher questionne en solo, le sort et les ressorts de la danseuse: est-elle femme, est-elle danseuse?
Quel désir fait-elle naitre chez celui qui la regarde?
On songe à bons nombre de définitions et de réflexion sur le sujet et Paul Valéry semble y répondre encore au plus juste: elle n'est pas une femme et elle ne danse pas!
Carole Quettier en est une brillante interprète, dévolue à la gestuelle sensuelle et inspirée façonnée par le danseur-écrivain-philosophe Daniel Doebbels.
"All off my" solo féminin succédant à cette pièce fait pâle figure: sur le même sujet, une femme qui danse Hermann Diephuis ne semble pas vraiment inspiré et ennuie dans un vain propos chorégraphique soit disant onctueux, ravageur et aguichant: tout ce qui fait qu'une femme ne danse pas devant nous, mais s'expose, agace et irrite: provocation réfléchie ou embourbement?
Dans tous les cas cette "parenthèse" est source d'inspiration, de questionnement au delà du spectaculaire: on y lit et relie la danse autrement, autre part!!!!
www.labellescene.wordpress.com

samedi 21 juillet 2012

Avignon danse: le "off" et les "Hivernales"

Avignon fait son "off" et la danse y a toujours une bonne part.
Principal pôle de diffusion, le Centre de Développement Chorégraphique " Les Hivernales" sous la houlette d'Emmanuel Sérafini y affiche une solide programmation éclectique et plurielle: 8 spectacles de 10H à 21H 30 pour s'y faire un bel aperçu des tendances du jour, des climats chorégraphiques, des recherches en matière de danse d'aujourd'hui: multiple et variée."L'été au CDC, particulièrement danse"!
On citera "Notebook" de Malgven Gerbes et David Brandstätter, un duo de créateurs, entre Allemagne et Normandie qui multiplie les rencontres de cultures asiatiques: comme un carnet de notes ou de route où se mélangent les images et les fragrances asiatiques, entre Japon et Corée.
La gestuelle est précise, les traces et délimitations de territoires attestent d'un long travail sur la mesure de l'espace, les dimensions d'un jardin zen, la perception de limites ou d'infini.
Un sérieux travail sur l'architecture, le trait, la ligne et l'inscription des corps mouvants dans ces espaces légitime ce spectacle porté par une réflexion très mature et une expérience physique des paysages et contrées lointaines: du vécu mis en scène sous forme de média multiples: vidéo, son, textes, scénographie, danse président à ces choix fins et affirmés, probants et porteurs d'une analyse acerbe.Voici des artisans nouveau de la réflexion dansée qui font avancer la recherche chorégraphique et la porte à un degré de réflexibilité intelligent. Le riz à la fois matière, grain, outil, pinceau, symbole d'une culture, d'une nourriture y est l'élément fondateur et fondamental.; "Shifts projets" le nom de la compagnie instigatrice de ces carnets de voyages est synonyme de changement, de transition, celle qui mène d'un point à un autre. En somme celle d'un promeneur aguerri, d'un piéton de l'espace en marche. Cette démarche originale est aussi conduite par le vidéaste Julien Crépieux qui met son grain de sel dans les rouages avec malice et inventivité. Du bel ouvrage intimiste aussi et très méditatif.
www.s-h-i-f-t-s.org

"Et des poussières......" par le collectif "2 Temps 3 Mouvements" sous la direction artistique de Mathieu Desseigne, Sylvain Bouillet et Nabil Hémaïza invite la circassienne Marie Bauer à formuler un métissage très concret de styles, de genres, donnant naissance à une danse très hybride, délicate et imprégnée de poésie polymorphe.Créée lors du festival Montpellier Danse 12, cette pièce est riche des expériences singulières et collectives de chacun.Une histoires de rencontres "dans le cacophonique vacarme des pensées emmêlées, là où des mains se touchent, des corps se bousculent, des regards se soupèsent".Histoire individuelle et collective, mémoire ou amnésie, construction identitaire en sont les fondements, la charpente. Les corps s'y bousculent, s'y attendrissent aussi dans une harmonie attachante et poétique. Les énergies, plurielles, se singularisent pour mieux se mêler, s'emmêler, se répondre, se repousser.Les images sont probantes et impriment du sens, de la beauté aussi, de la tendresse. C'est efficace en diable et bien mené. Les styles se chahutent, s'entrechoquent, se chatouillent à l'envie.L'amitié débordante transparait et est portée sur scène avec force et pudeur à la fois. Un beau coup de maître pour cette production cuvée 2012 Montpellier Danse et CDC Hivernales.
www.2t3mdanse.com

"Lamali Lokta" de Karine Ponties est à nouveau une oeuvre où la griffe de la chorégraphe belge fait mouche et touche droit au but comme à son habitude.
Inspiré par l'univers extravagant de la dessinatrice Beatrice Alemagna, la danse de Karine Ponties est incisive, tranchée, acerbe, tectonique. Portée par des interprètes aguerris à sa démesure, elle tranche dans le vif de l'espace, dessine elle aussi traits, points, lignes et traces à la Kandinsky, comme hallucinée par des compositions chorégraphiques à la musicalité intérieure, indicible, secrète, avançant dans le labyrinthe de rythmes et phrasés inouïs. Elle gratte, griffonne, esquisse des volutes dans l'espace scénique et chatouille l'entendement avec grâce et volupté. Déjà pour "Brutalis" Karine Ponties s'acoquinait la complicité de Thierry Van Hasselt et flirtait avec un graphisme singulier, très tonique et virulent. On songeait à la complicité de François Verret avec Vincent Fortemps pour "(Coulisse)" d'après son "Chantier Musil".Les portés masculins basculent dans la rémanence, et son interprète fétiche Eric Domeneghetty sert son propos avec talent et justesse comme à son habitude.
Du "presque" jamais vu qui se décline à l'envie, en noir et blanc, en lumières savantes qui illuminent les corps dansant et trace ainsi des faisceaux translucides. Du bel ouvrage de "dame" de Pic, sensible, percutant, poétique et fragile à la fois.Un univers de déflagrations intense s'y dissimule imperceptiblement au cours de la pièce qui fascine et hypnotise, envoute et convainc par son extrême justesse. Karine Ponties malmène, dissèque l'espace à l'envie pour le bonheur du regard pour l'inconfort du spectateur, témoin vivant de son art à faire faire surface à l'inconnu.
www.damedepic.be

Thierry Bae aux HIVERNALES 2012

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"Je cherchais dans mes poches" de Thierry Bae: des leurres, du trouble, de la joie.

Non, Thierry Bae n'a "toujours pas disparu", ni terminé son "journal d'inquiétude": le revoilà sur scène avec trois comparses pour une pièce unique, taillée sur mesure à sa démesure. Il est un chorégraphe, discret qui sait conduire ses gestes et ses paroles. Un musicien, pianiste, Benoit Delbecq orchestre ce petit monde de trois danseurs qui égrènent leurs souvenirs, leur " ce que je ne suis pas devenu" avec bonheur et humour, distance et proximité à la fois. Vrai ou faux, peu importe, on se laisse emporter par des récits de corps, des histoires humaines, des contes de fées qui n'ont rien d'extra-terrestre mais qui nous projette parfois dans nos propres souvenirs. Les images défilent sur l'écran de la mémoire, tendu derrière eux et réfléchissent le passé, font resurgir en résurgence, les flux et reflux des gestes incorporés, digérés par le corps, ses strates et la vie qui s'écoule.Tout concourt à nous immerger dans leur univers: la musique, présente, charnelle au même titre que les évolutions des trois interprètes y joue du sien avec malice, s'immisçant dans le chœur de la chorégraphie.Thierry Bae signe ici un petit manifeste de son art bien à lui, un souffle qui n'est jamais court malgré une anatomie toute singulière qui le pousse à vaincre son asthme qu'on aurait pu prendre pour un handicap chez un danseur. Thierry Bae cherche au fond de son âme, de ses poches tout plein de petits trésors que l'on garde précieusement près de soi, sur soi, dans ses vêtements.Et y ajoute un zeste d'autobiographie avec ceux qui l'entourent: Sabine Macher, Corinne Garcia, et Benoit Delbecq. Ils se présentent tour à tour, d'abord suspendus à des cintres d'armoire, comme des marionnettes un peu paralysées par le trac. Puis, les deux femmes se succèdent au devant e la scène, en alternance et offrent chacune de brefs solos très personnels, Sabine, sensuelle, évaporée, nostalgique et très glamour, Corine plus tonique, à la danse hachée, toujours inachevée, stoppée par de petits spasmes réguliers ou envolés.l Sabine chante aussi du Kurt Weill avec beaucoup de sensibilité, de subtilité dans le geste vocal.Alors que notre pianiste s'éclipse pour aller faire une partie de ping-pong avec les techniciens derrière le rideau de scène. La scène est filmée en direct et pleine de dérision et de distance! C'est désopilant et démystificateur. Les femmes revêtent à l'envi les robes de leur jeunesse, de leur vie et ne se dérobent aucunement à leur vocation d'actrice, de danseuse. Leur petit défilé démonstration est plein de charme et touche là où cela parle à notre mémoire, à nos envies partagées.Au final, la danseuse, en robe rouge, traverse et sillonne l'espace, fugitive, emportée par une mouvance aussi fluide qu'interrompue par une sorte de fragilité dans le geste inachevé, suspendu. Alors Thierry Bae se lève, lui qui a assisté, assis de côté à toute la représentation:: avec sa trompette, ilclot le spectacle qui s'éteint sous nos yeux à petits feux.Du bonheur assuré, assumé et transmis généreusement au public de Pôle Sud qui ce soir là lui fit un accueil chaleureux en retour.