mardi 18 septembre 2012

"La nuit balinaise": aux sources d'Antonin Artaud

Quand les 50 artistes de la troupe Sebatu-Bali apparaissent sur la scène de l'auditorium de Lyon pour La Biennale de la Danse , c'est à une bourrasque de costumes, lumières, musique, instruments que l'on assiste.Un cadeau, comme un présent qui n'a pas de prix que de pouvoir assister à un tel rituel.Leur théâtre d'exception a su en son temps fasciner Antonin Artaud et lui laisser écrie dans son ouvrage de référence "Le Théâtre et son double" l'immense respect qu'il lui inspire.
Aujourd'hui,,la troupe est galvanisée par un répertoire traditionnel qui n'a rien de folklorique ni d'illustratif.Les faits et gestes sont bien là, la légende vivante, les histoires passionnantes que l'on suit à grand renfort de musique live, électrique, métallique, résonnante et percutante.
Ce programme est à l'identique celui présenté en 1931 lors de l'exposition universelle à Paris et dont Rodin tirera également son parti artistique.Opéra en trois actes, nous voilà embarqués dans une narration picaresque, pleine de rebondissements. Les personnages s'y côtoient, dansent, martèlent le sol, toujours dans l'en-dehors, jambes et pieds ouverts.Classiques et fiers de l'être!
Le légendaire Ramayana veille au grain pour le respect de l'écriture chorégraphique et musicale.
On sort du spectacle, enchantés, témoins d'un autre monde où la grâce des divinités sait encore opérer par la beauté, la rareté des costumes, des masques des extensions de doigts qui prolongent les mains des danseuses: par tant d'étrangeté. Plongés dans une atmosphère atypique, loin des clichés, près de l'authenticité de l'âme des artistes de Sebatu-Bali.

"Curva": ré-percussions multiples chez Israel Galvan

mardi 18 septembre 2012
"Curva": ré-percussions multiples chez Israel Galvan
"La Curva" d'Israel Galvan, c'est un concentré de son art, de son énergie, de la noblesse de son travail. Percussions de tout genre jusqu'à celles du piano très "contemporain" qui occupe une place de choix sur le plateau, dans l'espace de la danse qu'il soit sonore ou matériel.
La Biennale de la Danse de Lyon lui offre l'Auditorium pour faire percuter son génie.
Le démiurge de la danse flamenca revisitée à son gout, à ses fantasmes, demeure un personnage charismatique de poids, de plain-pied aussi tant ce qu'il affirme, pose et marque au sol est de l'ordre de la gravité.Il apparait d'abord par le son et se dévoile dans un costume de cuir, veste et pantalon moulant: sobre, vertical mais toujours de biais, de côté comme s'il dissimulait le frontal. Esquive quasi martiale comme un joueur d'escrime , de profil, fendu en tierce.Il est accompagné par le piano à queue et son interprète hors pair Sylvie Courvoisier, bricoleuse de piano préparé pour mieux être en symbiose, en écho avec les percussions corporelles de Galvan.
La complicité est totale, forte, jamais illustrative et la chanteuse Inès Bacan, les rythmes du fidèle Bobote démultiplient à l'envie cette atmosphère iconoclaste en diable. Car il est bien diabolique ce démiurge de la scène flamenca contemporaine. Hidalgo, toréador de la danse il séduit, ravit et captive comme personne.Les chaises qui l'entourent comme autant de tour de Babel qui font défi à la loi de la pesanteur sont autant de sculptures personnalisées qui jouent et gagnent. Quand il s'assoit c'est pour être le miroir du public et nous confier"la mort c'est le public", ou le public c'est la mort" quand il change de place.Tout ici concourt à la possession, à l'authenticité, la vérité, sans détour ni compromission, sans fard, sans hasard.C'est percutant, magistral neuf et plein d'audace. Le "danseur des solitudes" est bien le roi qui frappe haut et fort.

"Ce que j'appelle oubli": le corps du texte chez Preljocaj

Angelin Preljocaj est pétri de culture littéraire et ses références aux textes, entre autre Pascal Quignard, font désormais légende.On connait aussi ses affinités avec la création musicale ou plastique contemporaine: du groupe Air, à Fabrice Hyber, Bilal ou Stockhausen. Mais de là à s'emparer d'un texte, le faire dire par un comédien sur le plateau auprès des danseurs, il n'y avait qu'un pas à franchir. C'est celui-ci que lui offre la Biennale de la Danse de Lyon au Théâtre des Célestins.Le lieu n'est pas anodin: un théâtre à l'italienne où le spectateur est bien "enveloppé" dans le rouge et le noir.
C'est à partir d'un fait divers rapporté dans le texte de Laurent Mauvignier "Ce que j'appelle oubli" que Preljocaj va distiller paroles dites, texte et chorégraphie pour les "personnages " démultipliés de l'intrigue. Un homme se fait gratuitement tuer dans un super marché par quatre vigiles pour avoir osé boire une cannette de bière.Un comédien sur scène conte, dicte le texte, s'en empare à sa façon alors que sur le plateau des hommes qui dansent suggèrent, évoquent la brutalité des faits, le sordide de la vie policée de nos cités. Spectacle très urbain dans l'évocation de la malchance, du hasard qui a conduit l'anti héros du roman à se faire "descendre", humilié, bafoué sous la garde et avec la complicité des autres.On retrouve ici l'amour de Preljocaj pour le mouvement à l'unisson, la beauté de la ronde, des gestes de danse traditionnelle suggérée lors de la mêlée de vigiles et puis le torse nu des danseurs ou les chemises blanches qui s'envolent pendues par les corps virevoltant des danseurs. Danse "masculine", puissante quasi rituelle, alors que le comédien peu à peu se font dans la dynamique jusqu'à y plonger, rattrapé par les portés des interprètes.Il y a quelque chose de galvanisant dans cette mise en scène, malgré parfois la pâleur du texte redondant. Qui est qui, le trouble s'installe, la métamorphose du personnage principal opère au bon moment.Exercice périlleux pour notre "funambule " de la danse, cette pièce est comme la première marche surement d'un processus de création à fouiller pour Preljocaj. Il devait lui-même incarner le héros, réciter le texte mais le temps lui à manquer pour expérimenter à fond cette rencontre nouvelle, ce "corps-texte" inédit.