Enki Bilal avait déjà travaillé les décors et costumes du "Roméo et Juliette" d'Angelin Preljocaj. Les corps mécanisés le passionnent, l'architecture, les robots, bref, cette exposition est emblématique de son érotisme glacé et de ces visions extraterrestres magnétiques de l'univers charnel et mécanique.
"J’aime
beaucoup jouer avec les mots, et j’attache une certaine importance à la
recherche du titre de mes livres, cela me paraît nécessaire d’avoir en
tête un titre avant de me lancer dans la création. Le nom «
Mécanhumanimal » m’est venu à la suite d’une discussion avec les gens du
musée. Il me semblait bien définir ce lieu, car il paraît évident que
le musée est un ensemble de rencontres par la mécanique autour de
l’inventivité humaine, et que l’Homme n’est jamais loin de l’animal
qu’il a été. La mécanique, les machines qui y sont présentées ont
beaucoup emprunté au physique, à la morphologie de l’humain et de
l’animal. Ce titre m’est donc apparu comme une évidence !"
"Ce lieu m’apparaît comme le musée de la folie humaine, là où l’humain se
révèle dans tous ses états. Je le dis avec tendresse car on y découvre
une belle folie, un ensemble d’inventions qui nous permettent cette
traversée hallucinante de nombreuses époques. Au fond, ce sont ces
objets qui nous ont amenés là où nous sommes, car notre monde a été
façonné par les inventeurs, par les chercheurs… Les visites successives
pour préparer l’exposition m’ont permis de connaître le musée mieux
encore, et de l’aimer, car il est à la fois attachant et profond, et il
raconte tellement d’histoires !"
mardi 29 octobre 2013
"Sur le fil" de Javier Perez: mordant, franchant!
La danse vue par ce plasticien bien connu est étrange, mais aussi l' objet du désir.
L'exposition à la Galerie Papillon à Paris est accérée et tranchante!Elle "tranche" littéralement dans le vif du sujet: le pied, le chausson de la danseuse classique sont des objets de torture!
« C’est sur ce pied que je me fonde pour produire cet
écartèlement qui pose une existence. »
Jacques Lacan, Encore, 1999
Après deux expositions, à la Galerie Claudine Papillon,
d’œuvres relevant d’hybridations où les substances humaines, animales et
végétales se relaient et s’épousent, Javier Pérez présente ici un ensemble
pensé davantage à l’aune de la culture, où les objets entrent en scène. On
pourrait être surpris par ce qui apparait comme un contraste. Pour autant, le
propos n’a pas changé. Javier Pérez nous avait habitués à un corpus visuel
troublant, très érotique, fibreux, essentiellement organique, mais bonne part
des pistes explorées ici suivent son sillon précédent. En faisant usage d’objets
codifiés pour raconter les tensions affectives et les émois du corps, il ne
fait que décaler vers le champ social une réflexion verticale sur l’instabilité
inhérente à la vie.
Sur le fil, on marche en équilibre. Le fil de cette
exposition est évidemment – visiblement - celui d’une lame, mais cette lame
traverse les épaisseurs et les forces à la manière du boucher de Tchouang Tseu,
qui ; écartant les muscles dans l’intervalle exact qui les sépare au lieu
de trancher les chairs.
Cette lame menace apparemment à plusieurs titres, ceux vers
qui elle est dirigée, ceux qui la regardent, ceux qui la portent ou tiennent
sur elle. Mais sa récurrence dans les œuvres présentées ici révèle aussi sa
possible innocuité. Si on la comprend pour la place qu’elle occupe en nous,
elle indique la condition d’un rapport entre les êtres qui évite la violence,
en tant qu’il la reconnaît et la prend en compte.
Entre les êtres, mais également entre les êtres et les
choses, entre l’être et lui-même à travers les choses. Tous ces objets de la
culture occidentale qu’on voit ici à peine modifiés, plutôt à rendus à leur
nature réelle par la présence de cette lame, sont des moyens d’accès des hommes
à eux-mêmes, des hommes aux femmes, des femmes aux hommes. On s’approche
mutuellement, on se séduit, on se touche, par le truchement de la musique et de
la danse. Dûment chaussés, on se juche et on se campe, on se talonne, on
s’étalonne, on se mesure. Tous ces actes du désir contiennent la possibilité
d’agressions très violentes. Chacun d’eux peut devenir le moment d’une harmonie
très juste. Le choix entre les deux branches de cette alternative est
perpétuellement en jeu. Comme les danseurs de tango, les amants se mènent ou se
malmènent au gré de leurs états. L’adresse et la précision sont la fin d’un
exercice sans terme, que le piano résume ici dans plusieurs grands rôles
inusuels.
Habillées de lames, ses touches peuvent couper en deux, dans
le sens de la longueur, la pulpe des doigts du pianiste. Cela semble presque
inévitable. La performance jamais exécutée en public, que suggère cette
photographie consiste à trouver, à force de douceur, le seul toucher qui
permette de ne pas blesser. Il est physiquement possible d’appuyer jusqu’en bas
chaque note, avec les doigts des deux mains, si et seulement si la pression
exercée est infiniment légère. Les cordes caressées au lieu d’être frappées ne
produiront aucun son.
L’autre piano est en duo, lui, avec une femme. Il finira son
tour de scène scarifié, parcouru d’un inextricable dessin de stries. Il est
insupportable, le crissement des pointes de la danseuse qui s’y tient debout et
s’y déplace. Insupportable aussi, l’anxiété qui nous gagne à voir l’effort
brutal qu’elle fournit à chaque instant pour ne pas tomber d’une hauteur aussi
considérable. Les pointes de ses chaussons de danse sont prolongées de lames,
tout le poids de son corps repose sur leur extrémité.
Rassemblés dans un écrin insupportable de transparence, les
enjeux du travail de Javier Pérez nous déséquilibrent. La boîte à musique, qui
joue si on l’ouvre un nocturne de Chopin, présente les deux pieds sur lesquels
la vie humaine s’avance: un chausson de satin et une chaussure
orthopédique, tous deux à la pointure d’une très jeune fille. La beauté boîte.
La vie se déhanche.
mardi 22 octobre 2013
Irving Penn: "dancer": un recueil de photos de danseurs incongrus!!!
L’intérêt
de Penn pour la danse aurait pu se limiter à son seul aspect classique,
de loin le plus spectaculaire. Il n’en fut rien. Nous le savons
désormais, il suivit les tentatives, très choquantes pour l’époque, des
jeunes compagnies américaines. Aucun voyeurisme chez le voleur d’images.
Il se borne à capter le travail des corps en mouvement, il observe la
grâce mélancolique de couples juvéniles et nus, leurs gestes tendres,
leurs regards timides tandis qu’il s’adonnent ensemble au plaisir du
bain. Isadora n’est pas loin qui prônait le retour des pieds nus. Comme
elle, mais avec d’autres moyens et avec sa furieuse vitalité, sa joie de
vivre en moins, des jeunes chorégraphes en 1967, choquaient les tenants
du classicisme en rêvant de rendre aux corps leur liberté, de
débarrasser la danse du carcan de l’apparat, de l’entrave des
justaucorps et de l’étroite prison des chaussons.
Est-ce par goût des contrastes que Penn a voulu que ses photos du Workshop de San Francisco soient placées non point sous le signe de Matisse et de sa Ronde mais sous le signe de Cézanne et de ses robustes Baigneuses qui, dans la glorieuse lumière de la campagne d’Aix, se livrent avec bonheur aux joies du soleil et de l’eau ? Soudain les audaces de Penn et celles de Cézanne se rejoignent.
Est-ce par goût des contrastes que Penn a voulu que ses photos du Workshop de San Francisco soient placées non point sous le signe de Matisse et de sa Ronde mais sous le signe de Cézanne et de ses robustes Baigneuses qui, dans la glorieuse lumière de la campagne d’Aix, se livrent avec bonheur aux joies du soleil et de l’eau ? Soudain les audaces de Penn et celles de Cézanne se rejoignent.
Sont ce des monstres qui dansent, des corps glorieux, grotesques, difformes, callipiges?
Dansent-ils?
En tout cas pas des corps canoniques, mais irrévérencieux à souhait, nus comme la danse l'a rarement osé!!!
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