jeudi 23 janvier 2014
"A posto": Ambra Senatore: placement libre!
Elle est chorégraphe et performer, italienne, et pétrie d'humour intempestif et décalé!
Déjà avec " Passo" un fameux et croustillant quintet sur la féminité, elle débordait des cadres, en marge d'une écriture chorégraphique reconnue.
Ici, c'est un plateau noir et blanc qui s'offre aux périgrinations de trois femmes, vêtues comme à la ville, bien mises et nickel chrome sur elles.
Premières apparitions des unes et des autres, successives, comme au cinéma: en lointain, plus rapprochées, focales et découpages sur une partie du corps.
Le tout orchestré par des noirs ou des fondus au noir...Interruption des lumières, coupure du "courant", pour mieux cadrer les corps, signaler les présences, contrôler les absences, les pertes, les apparitions-disparitions..De petites touches de gestes, des petits bougés au quotidien, des rires, des fous-rires où les trois complices vivent des instants de bonheur, simples, détaillés, finement cisellés comme disséqués dans le temps.
Clins d'oeils de connivence pour ce trio jubilatoire qui évolue toujours avec grâce, détachement dans un humour cinglant et cocasse de situations.
Serions-nous simplement témoins d'un "beau dimanche" à la campagne où l'on gambade, s'affole ou virevolte dans la simple joie de partager des instants de bonheur tout simple?
La situation va se corser à l'aided'objets emblématiques d'un pique-nique: thermos, gâteau et autres petits détails résonnants.
La bande son, lointaine , évoque chants d'oiseaux, travaux des champs ou autres bruitages du quotidien.
La tension monte,l'absurde va naitre de revirements entre les filles qui s'adonnent à savourer un gâteau , celui du dimanche, bien crémeux!
ça tourne au vinaigre, quand on s'en met plein les doigts, pourtant avec délicatesse et retenue au départ. Compulsif et festif, ce "déjeuner sur l'herbe" se métamorphose en débâcle ou petite catastrophe pas vraiment bienséante et l'image finale serait digne d'un cliché apocalyptique d'un David Lachapelle!
A Pôle Sud ce soir là, les trois "grâces" ont fait rire le public avec doigté et subtilité, comme seule la danse "italienne" saurait le faire:avec ironie, détachement, recul,petites grimaces et petits rien, au poing!
Ambra Sénatore, Caterina Basso et Claudia Catarzi dévorrent la scène, habitent le plateau, le quittent, se le réapproprient à l'envi, comme pour autant de saynètes cinématographiques, montage, découpage scénaristiques à l'appui.
Où est-on? Chacun à "sa place" ou légèrement en porte à faux?
mercredi 22 janvier 2014
The Pyre de Gisèle Vienne: Fiat Lux!
Gisèle Vienne explore dans The Pyre la création d’une
pièce très en tension, au rapport impossible aux mots et à la narration.
L’écrit – le roman de Dennis Cooper – sous-tend toute sa chorégraphie
et le geste muet tente d’étouffer cette narration à travers son
abstraction. Leur collaboration s’aventure le temps d’un spectacle dans
les méandres d’un paradoxe essentiel à la danse, toujours prise entre
abstraction et narration. Gisèle Vienne, interroge en profondeur la
forme même du spectacle en troublant notre perception. Le geste
trouve son prolongement dans le silence, ou plutôt dans la voix
intérieure du spectateur, qui, après avoir assisté au spectacle,
découvrira le texte de Dennis Cooper sous la forme d’un court roman
distribué au début de la représentation.En résidence "européenne" à Strasbourg à l'initiative du Maillon et de Pôle Sud, la chorégraphe prend ici ses marques et ses attaches avec un brillant solo de Anja Rottgerkamp: une femme oscille dans un univers plastique évoquant un tunnel dont les parois ne cessent de vibrer dans des étincelles de leds qui façonnent un réseau vibratile hallucinant.
Elle semble en interaction avec ce dispositif surdimensionné qui la dévore, l'enferme, l'hypnotise au point parfois de la tétaniser. Son corps vêtu d'un "justaucorps"argent se déploie dans cette atmosphère rehaussée par un enregistrement musical très tendu, qui va crescendo jusqu'à l'ultime déflagration, détente et résolution d'un geste unique.La lumière est son seul partenaire, hormis l'apparition du fils, un jeune homme qui tente de la divertir de cette folie intérieure qui la consume, comme au bucher.
On songe au travail plastique de Julio Leparc ou de Ikeda où la cynétique renforce la perception dynamique du temps et de l'espace en immergeant le spectateur dans les volumes architecturaux revisités...
Le travail de Patrick Riou et de Gisèle Vienne, qui créent une véritable sculpture lumineuse, et la composition musicale de Peter Rehberg et Stephen O’Malley, mélange de musique électronique et de guitare électrique, participent de la physicalité de l’expérience très sensorielle que propose The Pyre.
Elle semble en interaction avec ce dispositif surdimensionné qui la dévore, l'enferme, l'hypnotise au point parfois de la tétaniser. Son corps vêtu d'un "justaucorps"argent se déploie dans cette atmosphère rehaussée par un enregistrement musical très tendu, qui va crescendo jusqu'à l'ultime déflagration, détente et résolution d'un geste unique.La lumière est son seul partenaire, hormis l'apparition du fils, un jeune homme qui tente de la divertir de cette folie intérieure qui la consume, comme au bucher.
On songe au travail plastique de Julio Leparc ou de Ikeda où la cynétique renforce la perception dynamique du temps et de l'espace en immergeant le spectateur dans les volumes architecturaux revisités...
Le travail de Patrick Riou et de Gisèle Vienne, qui créent une véritable sculpture lumineuse, et la composition musicale de Peter Rehberg et Stephen O’Malley, mélange de musique électronique et de guitare électrique, participent de la physicalité de l’expérience très sensorielle que propose The Pyre.
"Au bord du monde": c'est beau une ville la nuit?
Un film documentaire de création de Claude Drexel qui va loin, très loin chercher les âmes et les corps de ceux qui l'habitent, la nuit.
Ils sont "chez eux", cherchent à s'inscrire dans ce paysage irréel d'une capitale qui scintille de toutr part, paisible, calme, sans personne à ces heures où ils veillent, attendant un sommeil qui ne vient jamais, sauf par bribe.
Le temps s'étire, s'allonge, le froid tombe, la pluie tombe..
"Aux abris" de fortune, des espaces de "fortune" pour peu fortuné, dans des quartiers plus que chics, les bords de Seine, le jardin botanique, la place Vendôme....Paris "abrite" ses hommes et femmes en marge, en rupture qui glissent doucement vers l'isolement, la schizophrénie.
Paradoxalement la capitale est filmée dans ses plus beaux atours, la tour Eiffel illuminée veille au grain pour que rien ne change sous les sunlight!
Cadres, décors, prise de son sont extrêmement précis, mis en scène pour valoriser ces personnes qui deviennent personnages de la nuit.
Les corps ne dansent pas ici, ils attendent, végètent ou se reposent d'un rythme inhumain fait à leur journée de sempiternel déménagement ou course à la bonne affaire.
Les images signées de Sylvain Leser sont sublimes, les portraits, caméra fixe, sereins, posés, les décors dévorent les personnes: métro, bords de Seine, ponts....Presque de l'art plastique, de la sculpture de lumières! La prise de son de Nicolas Basselin distencie les actions, ne sont pas du genre documentaire coup de poing hyperréaliste!
Çà brille aussi dans les yeux de certains: Jeni, Wenceslas (qui fait tous les jours sa revue de presse), Christine, Pascal et les autres tentent de survivre sur les trottoirs de la capitale. Certains sont sans-abris depuis plusieurs années, Michel, âgé de soixante ans, garde toujours l'espoir de rebondir. Des personnes peuvent être généreuses, comme cet homme qui a ramené deux sacs de victuailles à Pascal, mais la grande majorité de la société préfère passer son chemin et n'envisage même pas la possibilité pour ces personnes de s'en sortir. "On dérange toujours" se plaint Michel. C'est ce fatalisme et ce manque de solidarité qui attriste le plus Christine.Le sapin de Noel de Pascal, à côté de sa cabane, ne clignote pas car sans branchement électrique, mais il est si "home sweet home"!
Un film d'utilité publique.
Paris, la nuit. C’est ici qu'ils vivent, ces fantômes de la nuit, ces oubliés de la cité. Sans-abri, ils hantent trottoirs, ponts et couloirs du métro, au bord d’un monde où la société ne protège plus. Ils nous font face, ils nous parlent.“Au bord du monde” redonne la parole à ceux qui, en perdant leur logement, leur fonction sociale, leur famille parfois, s'en sont trouvés privés. Il cède la place à ceux qui l’habitent : Jeni, Wenceclas, Christine, Pascal et les autres. A travers treize figures centrales, Au bord du monde dresse le portrait, ou plutôt photographie ses protagonistes dans un Paris déjà éteint, obscurci, imposant rapidement le contraste saisissant entre cadre scintillant et ombres qui déambulent dans ce théâtre à ciel ouvert.
Précédemment auteur d’une comédie noire au casting populaire (Affaire de famille, 2008), Claus Drexel négocie un virage radical en arpentant, caméra au poing, les trottoirs, les ponts et les couloirs du métro à la rencontre des sans-abri, âmes errantes d’un Paris nocturne. Son documentaire capte des destins brisés sous les lumières de la mégapole et, à hauteur d’homme, rend une humanité aux oubliés de la société, ennoblissant un réel tragique. Mais pour toucher plus de monde, il aurait sans doute gagné à être diffusé à la télévision.
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
"Sous le pont Mirabeau": Apollinaire visionnaire?
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