dimanche 26 janvier 2014

Danse papillon: ça papillone?Minute papillon:danses z'ailées!


 

    Edgar Degas, Danseuses ailées, 1880, pastel, Norton Simon Museum Pasadena ( Californie ) , 
Le mot papillon n’est pas aussi étrange que le mot anglais butterfly mais on peut s’interroger à propos de son origine.
Papillon vient du mot latin masculin papilio, papilionis.
Papilio en latin désigne deux choses : le papillon et le pavillon, la tente.
A ne pas confondre avec le mot latin féminin papilla, qui veut dire  » bout de sein  » et a donné la papille.
Le pavillon était une toile de tente, qui a désigné ensuite une petite construction légère, puis une maison individuelle. C’est aussi une toile qui recouvrait le ciboire à l’église, un dais au dessus du lit, un étendard, et puis un chapeau, une partie de l’oreille … le pavillon s’étend assez loin dans le dictionnaire ( le mien c’est Le Robert ) !
Est-ce parce que les ailes du papillon sont vastes comme une toile de tente que son nom est commun à celle-ci ?
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Du papillon vient aussi un mot surprenant : parpaillot.
Un parpaillot est un protestant. Ce nom, souvent péjoratif, vient du vêtement blanc des calvinistes qui les faisait ressembler à des papillons.
Les danseuses papillons de Degas sont, elles, très colorées ! On connaît la nage papillon, mais la danse papillon devait être ravissante à regarder … sur un air de Puccini ? !
Loie Fuller et sa danse du papillon, le gagaku, la "danseuse et le papillon", sans oublier les sylphides ailées ou "minute papillon" de Denis Mariotte!
Les "éphémères" hantent le milieu de la danse:lutte contre le temps, la mort, la pesanteur?




samedi 25 janvier 2014

"Madame rêve" et monsieur se livre.Emmanuelle Konstantidinis papillonne.



Bashung et la danse...Il dansait sa vie et chantait la danse des mots...
Le "if you couldn't see me" après Trisha Brown! (solo entièrement de dos de la grande chorégraphe américaine)
Elle est danseuse de toute sa peau, de tous ses muscles qui apparaissent à fleur de peau: un solo qui lui va comme un gant, comme un justaucorps, minutieusement tissé en haute couture.
Ce soir là à la librairie "L'usage du monde", elle évoluait au sol, de dos, sur ces deux ischions, de noir vêtue.
Longue robe déployée pour mieux faire deviner les écarts, les profondeurs, les failles  d'une "origine du monde" dissimulée. Elle danse sur "Madame rêve " de Bashung.Ça tangue comme dans le "C'est extra" de Léo Féré. Ses bras s'animent comme ceux d'un cygne affolé, d'une Léda se mouvant avec grâce et volupté.
Sobriété des mouvements, étrangeté de ce dos qui se soulève, se délie, se détend, s'étire pour mieux s'abandonner.Sculpture, modelée, révélée.
L'adaptation "physique" et très charnelle d'une des plus érotiques chansons de Bashung, fait mouche et touche.

Nous sommes à présent sa proie, elle a tissé sa toile arachnéenne, subtile .Sans y voir, on pénètre dans cette atmosphère ouatée, sensuelle de la voix du chanteur. Ils font corps, ils s'aiment et se rejoignent.
Elle se lève, évolue en volutes dans un espace restreint: elle le prolonge, l'agrandit et franchit les frontières du réel.
Solide, robuste et fin à la fois, son corps se déploie, se tend, s'enroule, ses bras sont d'une envergure phénoménale qui vibrent, scintillent, s'affolent.
Sa longue robe noire, dont l'attache lui encercle le cou et dévoile ce vertige dorsal, guide ses gestes, accompagnent les flux et reflux du corps qui danse, de la musique qui s'apaise et s'endort en suspension. Carlson n'aurait pas renier cette filiation esthétique, cette langueur si suave, ses changements de directions si versatiles, déroutants...C'est beau et émouvant. La proximité de la danseuse avec ses spectateurs autour d'elle renforce l'intimité mais crée aussi de la distanciation. Son regard est figé, rien ne bouge sur son visage. Elle semble absente, ailleurs déjà, au nirvana.Les courbes s'affirment et prolongent la course de sa robe, ses pieds s'enfoncent dans le sol.
Elle évolue, grave, concentrée, très présente.
A ses côtés, un homme de noir vêtu démarre la lecture de Virginia Woolf, les "Phalènes".
Sobre, timbrée sa voix s'impose après la musique et la danse. Un texte sur l'éphémère, ce papillon d'un jour qui danse lui aussi jusqu'au dernier soubresaut de vie, sur le dos, les pattes en l'air pour mieux toucher déjà le ciel, les cieux. Bon choix pour prolonger les pulsations, les frémissements de la danse.La danseuse, sa danse serpentine et son corps se plient aux caprices des mots, se figent sur des silences prometteurs On respire le texte, on écoute la danse.
On regarde l'homme, la femme le temps de la rencontre.Conclure par ces deux qui s'attrapent, elle se ruant sur lui, dans un porté en apné, qui revient, recommence, est très juste. Surprenant dans la dynamique. Prise de corps éprise de corps après la prise de paroles.
Puis tout cesse. On se tait aussi devant la grâce enfuie qui laisse tant de rémanence dans les yeux.
Jean Lorrain, Emmanuelle Konstantinidis: une rencontre aux prises avec le corps: celui des mots, celui du geste, du texte. En "corps", encore, s'il vous plait, comme un instant que l'on voudrait suspendre et retenir à jamais. Serait- ce l'amour?

jeudi 23 janvier 2014

"A posto": Ambra Senatore: placement libre!



Elle est chorégraphe et performer, italienne, et pétrie d'humour intempestif et décalé!
Déjà avec " Passo" un fameux et croustillant quintet sur la féminité, elle débordait des cadres, en marge d'une écriture chorégraphique reconnue.
Ici, c'est un plateau noir et blanc qui s'offre aux périgrinations de trois femmes, vêtues comme à la ville, bien mises et nickel chrome sur elles.
Premières apparitions des unes et des autres, successives, comme au cinéma: en lointain, plus rapprochées, focales et découpages sur une partie du corps.
Le tout orchestré par des noirs ou des fondus au noir...Interruption des lumières, coupure du "courant", pour mieux cadrer les corps, signaler les présences, contrôler les absences, les pertes, les apparitions-disparitions..De petites touches de gestes, des petits bougés au quotidien, des rires, des fous-rires où les trois complices vivent des instants de bonheur, simples, détaillés, finement cisellés comme disséqués dans le temps.
Clins d'oeils de connivence pour ce trio jubilatoire qui évolue toujours avec grâce, détachement dans un humour cinglant et cocasse de situations.
Serions-nous simplement témoins d'un "beau dimanche" à la campagne où l'on gambade, s'affole ou virevolte dans la simple joie de partager des instants de bonheur tout simple?
La situation va se corser à l'aided'objets emblématiques d'un pique-nique: thermos, gâteau et autres petits détails résonnants.
La bande son, lointaine , évoque chants d'oiseaux, travaux des champs ou autres bruitages du quotidien.
La tension monte,l'absurde va naitre de revirements entre les filles qui s'adonnent à savourer un gâteau , celui du dimanche, bien crémeux!
ça tourne au vinaigre, quand on s'en met plein les doigts, pourtant avec délicatesse et retenue au départ. Compulsif et festif, ce "déjeuner sur l'herbe" se métamorphose en débâcle ou petite catastrophe pas vraiment  bienséante et l'image finale serait digne d'un cliché apocalyptique d'un David Lachapelle!
A Pôle Sud ce soir là, les trois "grâces" ont fait rire le public avec doigté et subtilité, comme seule la danse "italienne" saurait le faire:avec ironie, détachement, recul,petites grimaces et petits rien, au poing!
Ambra Sénatore, Caterina Basso et Claudia Catarzi dévorrent la scène, habitent le plateau, le quittent, se le réapproprient à l'envi, comme pour autant de saynètes cinématographiques, montage, découpage scénaristiques à l'appui.
Où est-on? Chacun à "sa place" ou légèrement en porte à faux?