Un film atypique, hybride, inclassable: la vie, la vraie en somme!
Plus de modèle, ni de standard pour Cavalier: finis les films avec narration, acteurs, costumes et situations recrées de A à Z.
Avec "Le Paradis" on nage dans un bonheur de filmer où tout est possible: de la naissance du petit paon qui titube sous la queue tronquée de sa mère, à l'esquisse d'un chat qui se dérobe en direct sur l'écran....
Alain Cavalier qui s'est progressivement dépouillé, depuis quarante ans,
d'à peu près tous les artifices
somptuaires qui corsètent le cinéma
pour finir par proposer, caméra HD en main et bille en tête, une formule
postindustrielle – on pourrait aussi dire lustrale, renée, miraculeuse –
de l'art cinématographique.
On y côtoie la matière à l'état brut, les objets inanimés qui ont une âme, dociles certes comme la marionnette de Kleist...Des danseurs idéals pour un chorégraphe de l'image où rien ne bouge en apparence, mais où tout est teinté de vie!
Les sculptures, objets filmés qui nous parlent (voix off du réalisateur), deviennent amulettes, parures de tombes improvisée pour petit paon mortellement abandonné.Osties, rollmops sont autant d'objets de cérémonie, petit rituel entre amis de l'image "sale" abrupte, jamais retouchée, comme le son direct d'ailleurs!
Comme du land'art, le caillou encerclé de trois clous, (ceux de la crucifixion du christ?) rappelle les plus beaux circuits de découvertes d'installation de plasticiens.Ici, c'est la vie, la mort que l'on côtoie au quotidien: ce quotidien que filme Cavalier, du soir au matin, dans ses yeux, sa perception de l'espace, où le temps de sortir sa petite caméra!
C'est comme une "paluche" qui révolutionna en son temps la façon de filmer la danse: Eric Pauwels et Jean Rouch veillent au grain, caméra au poing, immergés dans le présent des corps et des objets.Jamais les "sculptures" ne furent filmées ainsi, comme autant de personnages vivants sculptés par la lumière.
Magnifiés!
C'est de la mise en espace d'objets qui se réveillent et secouent en nous le monde dissimulé des images de l'enfance Tout parle ici à notre inconscient si on veut bien se prêter au jeu de cache-cache.
Tendresse au poing, sans nostalgie, dans l'instant ce "paradis" sans Eve ni Adam est un havre de paix: mais qui s'y frotte, s'y pique aussi pour un cinéma d'expérience, jamais "expérimental" pour initié!
Un conte de faits pour grands enfant en recherche de vérité!
mardi 30 septembre 2014
lundi 29 septembre 2014
Musica: le quatuor Tana a des cordes à son arc!
Le quatuor Tana: une découverte, une première apparition pour cette formation de musique de chambre à cordes au festival!
Belle surprise que ces quatre interprètes un beau dimanche matin, à la salle de la Bourse de Strasbourg Formation originale due au violoniste malgache Antoine Maisonhaute, pour quatre corps bien accordés à interpréter la musique d’aujourd’hui.
L' oeuvre de Jacques Lenot "Quatuor n° 6" est légère, délicate: les cordes s'y envolent, discrètes en autant de notes pincées, qui vibrent en cascade. Le jeu des interprètes est remarquable: gestes larges qui s'étirent dans l'espace pour mieux libérer l'énergie tendue des cordes des deux violons. La violoncelliste excelle dans les relâchés, tendus et son dos exprime lui aussi toute la largesse de cette pièce dédiée à une amitié sans limite, une relation humaine étroite, intime entre le compositeur et l'un de ses proches."Gloire, délice, honneur" pour cette "agalma" statue grecque évoquée ici comme référence à l'aura, à la brillance de la musique, de l'art, de la peinture.Les cordes s'y accordent avec bonheur et surprise!
La suite du concert laisse découvrir des pièces complexes comme celle de Ondrej Adamek, "Lo que no' contamo" de 2010: l'instrument y devient percussif, frappé par les archets ou les mains des musiciens, comme un jouet, un outil différent, très lointain du violon!Inspiré du flamenco, on y retrouve le rythme, le son résonnant de la percussion pour cordes!Chalenge qui fait mouche, note d'humour décalé, de vision inouie de l'instrument!
Au tour de Yves Chauris pour "Shakkei", référence à l'art japonais du shakkei, ce jardin clos qui laisse entrevoir des perspectives immenses.....Ecrit à l'origine pour le chorégraphe Michel Kéléménis, cette œuvre ouvre un univers entre l'étroitesse et l'irruption de l'espace élargi, entre le haiku et le poème traditionnel. C'est beau et recueilli et l'on songe encore aux pas et évolutions des danseurs...
Pascal Dusapin et son "Quatuor n°4" illustre le geste de va-et-vient d'un texte de Beckett sur le cri, l'écho, la vitesse. Bel ouvrage très animé, complexe , une ligne monodique persistance égrenant une texture musicale infime, progressive et libre.
Un programme éblouissant pour ce quatuor, équilibriste, perfectionniste dont la virtuosité n'a d'égale que le risque de cette gageure: réinventer l'instrument à cordes pour imaginer sons, vibrations, couleurs et textures inconnues!
Belle surprise que ces quatre interprètes un beau dimanche matin, à la salle de la Bourse de Strasbourg Formation originale due au violoniste malgache Antoine Maisonhaute, pour quatre corps bien accordés à interpréter la musique d’aujourd’hui.
L' oeuvre de Jacques Lenot "Quatuor n° 6" est légère, délicate: les cordes s'y envolent, discrètes en autant de notes pincées, qui vibrent en cascade. Le jeu des interprètes est remarquable: gestes larges qui s'étirent dans l'espace pour mieux libérer l'énergie tendue des cordes des deux violons. La violoncelliste excelle dans les relâchés, tendus et son dos exprime lui aussi toute la largesse de cette pièce dédiée à une amitié sans limite, une relation humaine étroite, intime entre le compositeur et l'un de ses proches."Gloire, délice, honneur" pour cette "agalma" statue grecque évoquée ici comme référence à l'aura, à la brillance de la musique, de l'art, de la peinture.Les cordes s'y accordent avec bonheur et surprise!
La suite du concert laisse découvrir des pièces complexes comme celle de Ondrej Adamek, "Lo que no' contamo" de 2010: l'instrument y devient percussif, frappé par les archets ou les mains des musiciens, comme un jouet, un outil différent, très lointain du violon!Inspiré du flamenco, on y retrouve le rythme, le son résonnant de la percussion pour cordes!Chalenge qui fait mouche, note d'humour décalé, de vision inouie de l'instrument!
Au tour de Yves Chauris pour "Shakkei", référence à l'art japonais du shakkei, ce jardin clos qui laisse entrevoir des perspectives immenses.....Ecrit à l'origine pour le chorégraphe Michel Kéléménis, cette œuvre ouvre un univers entre l'étroitesse et l'irruption de l'espace élargi, entre le haiku et le poème traditionnel. C'est beau et recueilli et l'on songe encore aux pas et évolutions des danseurs...
Pascal Dusapin et son "Quatuor n°4" illustre le geste de va-et-vient d'un texte de Beckett sur le cri, l'écho, la vitesse. Bel ouvrage très animé, complexe , une ligne monodique persistance égrenant une texture musicale infime, progressive et libre.
Un programme éblouissant pour ce quatuor, équilibriste, perfectionniste dont la virtuosité n'a d'égale que le risque de cette gageure: réinventer l'instrument à cordes pour imaginer sons, vibrations, couleurs et textures inconnues!
dimanche 28 septembre 2014
"Golgota" :Bartabas par démons et merveilles!
Dimanche à la Filature de Mulhouse, pause dans la programmation et ligne éditoriale du festival des musiques d'aujourd'hui, pour s'atteler au géant du théâtre équestre, Bartabas et son fameux Théâtre Zingaro d'Aubervilliers.
Bartabas en belle forme, dans une "petite forme", un spectacle plus intimiste pour le plateau, pas le chapiteau, ce qui lui réussit à merveille.La scène de la Filature, avant le lever de rideau est occupée par un chandelier, dans une atmosphère religieuse, renforcée par l'émission d'encens. Unepersonnage , nain, vêtu à ecclésiastique allume les chandelles et quête parmi le public pour introduire dans le tronc la monnaie de singe!
Et tout démarre par des visions étranges et apocalyptiques: l'atmosphère est sombre, le noir domine et les douches de lumière tamisent le fond du plateau. Vision étrange que ce cheval, monté par un homme dont le corps semble se prolonger en centaure: homme cheval qui ondule selon les mouvements de la bête domptée, docile. Cheval noir dont l'homme emprunte la queue pour se flageller.
Univers monastique à souhait, évocation de l'inquisition espagnole en séquences ou tableaux vivants gorgés de lumières tamisées.
Un danseur de flamenco prend la scène à bras le corps et y exécute une danse tétanique, rythmée, ravageuse: c'est le sévillant Andres Marin. Flamenco très contemporain, de profil, dos en proie aux émois de tremblements.Torse nu, gainé de noir, il évolue, fier et altier, cavalier à terre, ravageur de sol, dessinant des courbes dans le sable jonchant la scène.Comme autant de voltes, de figures empruntées au vocabulaire du monde équestre. Danse et cheval ne sont pas des inconnus: depuis Louis XIV, la bonne éducation combinait équitation, danse et escrime!
Mimétisme des poses du danseur avec les pas du cheval, trépignements hystériques, impatience du danseur....Percussions corporelles à l'appui, Marin réinvente le flamenco équestre, à la façon de Israel Galvan, révolutionnant grammaire et code de la danse andalouse!
Des claquettes en rafale comme un feu d'artifice détonnant au loin scandent sa danse, l'amplifient....Les percussions de ses pieds se propagent dans son corps....
Un trône lui offre l'occasion de jouer de multiples façons dans un espace exigu, une plaque au sol, amplifiée par une chambre d'écho résonne de tous ces pas...Ses doigts armés de dés percutent, il cherche de nouveaux supports pour imprimer les sons et frissons de la danse!
Sur une musique espagnole du XVI ème siècle, jouée et chantée en direct. Humains et animaux se rencontrent dans une atmosphère très recueillie, spirituelle aux accents démoniaques, diaboliques. Les images de crucifixion sur le mont Golgota viennent clore cette intrusion dans la mystique, le secret et les interdits d'une époque réactivée sur scène par la beauté des images, des Tableaux à la Zurbaran.
De l'humour aussi lorsque affublé d'une fraise, ou d'un couvre chef en forme de coiffe de fée, nos héros gravitent dans ce monde obscur, fantomatique pour initiés à l'ésotérisme.
Trois splendides chutes d'un cheval blanc, comme dans un ralenti, évoquent la perte, la descente aux enfers.Une apparition burlesque d'un poney, tracté par un "nabot" fait figure de cour des miracles, de tableaux de pendus à la Villon ou fait référence aux paysages de potences des crucifiés de Bosch. On songe à tant d'univers, de références que parfois la singularité de l'écriture scénique se perd dans des méandres de comparaisons.Le noir, le blanc, le rouge en majesté pour une ambiance épurée, ancestrale.Menaçante parfois tant les figures de l'inquisition, les gestes extatiques de rituels y sont présents.
Bartabas surprend cependant par ce côté intime: quatre chevaux, de la sciure, un dispositif très modeste pour exprimer tant de choses!
La danse y a la part belle et se frotte au monde équestre dans une belle complicité.Animalité, mystère, cérémonies et magnétisme de l'étrange, pour un spectacle inclassable!
"Ballet équestre": un nouveau genre pour des haras très cavaliers où le monde est chevauché par des monstres inouïs!
Une belle "récréation" dans le programme du festival : la musique nous viendrait-elle de ces temps profonds et mystiques, de ces voix monacales dont les tonalités ouvrent des perspectives et des paysages sans fin?
Bartabas en belle forme, dans une "petite forme", un spectacle plus intimiste pour le plateau, pas le chapiteau, ce qui lui réussit à merveille.La scène de la Filature, avant le lever de rideau est occupée par un chandelier, dans une atmosphère religieuse, renforcée par l'émission d'encens. Unepersonnage , nain, vêtu à ecclésiastique allume les chandelles et quête parmi le public pour introduire dans le tronc la monnaie de singe!
Et tout démarre par des visions étranges et apocalyptiques: l'atmosphère est sombre, le noir domine et les douches de lumière tamisent le fond du plateau. Vision étrange que ce cheval, monté par un homme dont le corps semble se prolonger en centaure: homme cheval qui ondule selon les mouvements de la bête domptée, docile. Cheval noir dont l'homme emprunte la queue pour se flageller.
Univers monastique à souhait, évocation de l'inquisition espagnole en séquences ou tableaux vivants gorgés de lumières tamisées.
Un danseur de flamenco prend la scène à bras le corps et y exécute une danse tétanique, rythmée, ravageuse: c'est le sévillant Andres Marin. Flamenco très contemporain, de profil, dos en proie aux émois de tremblements.Torse nu, gainé de noir, il évolue, fier et altier, cavalier à terre, ravageur de sol, dessinant des courbes dans le sable jonchant la scène.Comme autant de voltes, de figures empruntées au vocabulaire du monde équestre. Danse et cheval ne sont pas des inconnus: depuis Louis XIV, la bonne éducation combinait équitation, danse et escrime!
Mimétisme des poses du danseur avec les pas du cheval, trépignements hystériques, impatience du danseur....Percussions corporelles à l'appui, Marin réinvente le flamenco équestre, à la façon de Israel Galvan, révolutionnant grammaire et code de la danse andalouse!
Des claquettes en rafale comme un feu d'artifice détonnant au loin scandent sa danse, l'amplifient....Les percussions de ses pieds se propagent dans son corps....
Un trône lui offre l'occasion de jouer de multiples façons dans un espace exigu, une plaque au sol, amplifiée par une chambre d'écho résonne de tous ces pas...Ses doigts armés de dés percutent, il cherche de nouveaux supports pour imprimer les sons et frissons de la danse!
Sur une musique espagnole du XVI ème siècle, jouée et chantée en direct. Humains et animaux se rencontrent dans une atmosphère très recueillie, spirituelle aux accents démoniaques, diaboliques. Les images de crucifixion sur le mont Golgota viennent clore cette intrusion dans la mystique, le secret et les interdits d'une époque réactivée sur scène par la beauté des images, des Tableaux à la Zurbaran.
De l'humour aussi lorsque affublé d'une fraise, ou d'un couvre chef en forme de coiffe de fée, nos héros gravitent dans ce monde obscur, fantomatique pour initiés à l'ésotérisme.
Trois splendides chutes d'un cheval blanc, comme dans un ralenti, évoquent la perte, la descente aux enfers.Une apparition burlesque d'un poney, tracté par un "nabot" fait figure de cour des miracles, de tableaux de pendus à la Villon ou fait référence aux paysages de potences des crucifiés de Bosch. On songe à tant d'univers, de références que parfois la singularité de l'écriture scénique se perd dans des méandres de comparaisons.Le noir, le blanc, le rouge en majesté pour une ambiance épurée, ancestrale.Menaçante parfois tant les figures de l'inquisition, les gestes extatiques de rituels y sont présents.
Bartabas surprend cependant par ce côté intime: quatre chevaux, de la sciure, un dispositif très modeste pour exprimer tant de choses!
La danse y a la part belle et se frotte au monde équestre dans une belle complicité.Animalité, mystère, cérémonies et magnétisme de l'étrange, pour un spectacle inclassable!
"Ballet équestre": un nouveau genre pour des haras très cavaliers où le monde est chevauché par des monstres inouïs!
Une belle "récréation" dans le programme du festival : la musique nous viendrait-elle de ces temps profonds et mystiques, de ces voix monacales dont les tonalités ouvrent des perspectives et des paysages sans fin?
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