mercredi 1 octobre 2014

Adieu "Lola", adieu Anouck Aimée!


Lola est un film franco-italien réalisé par Jacques Demy, sorti en 1961. Lola est le premier film d'une trilogie, poursuivie en 1964 avec Les Parapluies de Cherbourg et conclue en 1969 avec Model Shop. Dans ce dernier, le personnage de Lola deviendra strip-teaseuse à Los Angeles.
Disparition ce jour de la danseuse de cabaret campée par Anouck Aimée, magnifiée par Demy!
on l'aura tant "Aimée"!!!!

L'Orchestre Philarmonique de Strasbourg et Le concert de Joelle Léandre: "Can you hear Me?": Yes aux contrastes!

Soirée contrastée pour entamer cette seconde semaine de notre marathon de Musiques d'Aujourd'hui au Festival Musica de Strasbourg sous la direction artistique infaillible de Jean Dominique Marco.
Concert de L'Orchestre Philarmonique de Strasbourg, en "petite forme" de chambre adaptée aux "formes" des œuvres présentées. Un va-et-vient entre musique moderne et contemporaine, miroir l'une de l'autre, engendrée l'une par l'autre: on ne vient pas de nulle part et écouter Fauré ou Ravel à Musica est un bonheur malicieux où les passerelles entre les époques se tendent et se franchissent sans heurt.
En présence du pianiste Pierre Etcheverry, sous la direction de Jean Michel Lavoie.
C'est Philippe Manoury qui entame ce programme éclectique avec "Strange Ritual", une pièce de 2005.
Aux sources de son travail, on y reconnait la puissance, l'aspect magistral des masses musicales, issues d'un "processus régulier" et ordonné dont les éléments ont tendance à développer en apparence, une conduite anarchique!Un "mini concerto grosso" pour flûtes et clarinettes dominantes, sorte de passacaille débridée, dépassée et submergée par les trouvailles musicales!
Suit "la "Ballade opus 19" de Fauré de 1881, avec sa structure d'andante et allegro qui fait vibrer la formation d'interprètes avec brillance, pétillance, comme autant de reflets scintillants dans les univers sonores chers à Fauré: douceur, tendresse, nostalgie proustienne.En mineur, en majeur voici une oeuvre intimiste à redécouvrir avec délectation.
Retour à Tristan Murail avec "Serendid" de 1991 inspiré par la mouvance débridée des vagues, de la houle de couleurs brumeuses et dorées: majesté des sonorités gonflées par des mouvements amples d'où surgissent des variations stupéfiantes.Inspirée par la légende des péripéties marines de Sindbab le Marin, l'oeuvre se déploie d'écueil en écueil, de naufrage en naufrage, sans jamais perdre pied ni couler dans les abîmes!Turbulences et marée haute garanties pour ce flux et reflux répétitif de sons et frissons!
Pour clore ce beau voyage dans le temps, Ravel invite toujours à la rêverie avec son emblématique "Tombeau de Couperin" de 1914: danses à l'appui, forlane, rigaudon,menuet, on y tange de plaisir sous l'effet des pluies de cordes, des souffles des vents qui nous font ployer mais jamais céder sous la douce caresse des notes égrenées.Hommage à la mémoire de la musique française, "tombeau" poétique pour mieux délivrer le meilleur de son imaginaire.On y goute aussi cette façon de retrouver une oeuvre connue dont l'inconscient collectif à fait un fondamental pilier de la musique si rafinée de Ravel.
Bon voyage aussi à l'Orchestre qui part en tournée pour ce concert de "musique française": heureux qui comme Ulysse vont faire un beau voyage avec un public captif et captivé!

Second volet de la soiré en coproduction avec le Festival Jazz d'Or, l'Arsenal de Metz: l'accueil de la formation de Joelle Léandre!
Elle a travaillé avec Joseph Nadj, Cécile Loyer, Cunningham danseurs et chorégraphes,et son désir de mise en scène des corps des musiciens, leur second instrument se dévoile une fois de plus: ils sont dix sur le plateau de l'Auditorium de France 3 Alsace, en demi cercle chamanique. Simple dispositif pour une oeuvre sobre sans cliquant."Can you hear me" est comme un manifeste de la compositrice, contrebassiste qui s'adonne ici à la découverte de nouveaux horizons dans le domaine de l'improvisation et de la composition.
Liberté, aventures des sons,richesse et audace des propos musicaux: tout concourt ici à rendre hommage à John Cage, sa musique improbable, truffée d'inventions et de références aux sons du quotidien, magnifié par l'écriture instantanée des musiciens. Le batteur s’effondre sur son dispositif après en avoir usé et abusé à bon escient, les autres rivalisent d'originalité, électrons libres de la création de sons, à l'unisson d'une formation musicale solide, groupée, harmonieuse sans faille dans la direction et la navigation sonore!
C'est lumineux et joyeux, imprévu, ricochant sur le "jouer", "composer", "diriger", sans fard ni prouesse visible...Mais oh combien périlleux et performant, à haut risque et haute tension: vertige d'une prouesse et virtuosité bien dissimulée sous la modestie des propos de la contrebassiste, pilier d'une écriture non formelle de la musique (jazz) d'aujourd'hui!
Une ré-création ré-jouissante sur la note do-ré!
Une belle complicité pour les coproducteurs, fidèles partenaire de cette géniale musicienne, si accueillante et respectueuse du talent de chacun de ses interprètes.
"Can you hear me":plutôt deux fois qu'une et avec plaisir, yes!

mardi 30 septembre 2014

Othoniel danse à Versailles!




"Je crois beaucoup à l'échange entre les arts"
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L'île du bassin bas au travers des fûts de chênes verts. Au loin, le ballet des fontaines de Jean-Michel Othoniel. Aquarelle ©Fabrice Moireau / Agence de Louis Benech
À l'issue d'un concours lancé en 2011 par Jean-Jacques Aillagon, le projet commun de Jean-Michel Othoniel et Louis Benech a été retenu parmi 27 candidatures afin de recréer le bosquet du Théâtre d'Eau du jardin de Versailles. Le résultat dévoilé en mai 2015, comporte le réaménagement du jardin et un ensemble de trois-sculptures fontaines qui retranscrivent de façon allégorique les danses de Louis XIV.
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Vue de l'atelier de Jean-Michel Othoniel, en plein cœur du Marais ©Philippe Chancel
Il faisait très chaud ce jour là à Paris, une chaleur terrassante, presque inattendue malgré la saison bien avancée. Lorsque je pénètre l'atelier de Jean-Michel Othoniel, niché en plein cœur du Marais, il est gorgé de lumière ce qui ne manque pas d'ajouter une grande poésie au lieu. Assis religieusement à sa table, l'artiste dessine au calme clair de cette belle matinée de juillet. Une grande plénitude se dégage dans l'air et j'observe avec attention les sculptures en perles de Murano disséminées dans la pièce, qui ont concouru à sa réputation actuelle.
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Entretien: Jennie Jieun Lee, la céramique à fleur de peau
Le marché de l'art se met en ligne
Je comprends vite que son travail d'artiste s'est progressivement dédoublé. La recherche créative solitaire a petit à petit laissé place à la nécessité du travail en équipe où tel un chef d'orchestre, il écrit sa partition avant de la délivrer à ses musiciens. "J'ai besoin d'être avec les personnes qui produisent pour moi, je ne me contente pas de déléguer car j'apprends à leur contact, je me nourris des techniques, un peu comme un chorégraphe qui s'inspire des interprétations des danseurs."
Une passion pour le verre soufflé
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Jean-Michel Othoniel. L'Entrée d'Apollon, 2013. Sculpture fontaine pour le bosquet du Théâtre d'Eau dans l'atelier de Versailles. ©Château de Versailles / Thomas Garnier
Celui qui a fait du verre de Murano sa signature a commencé tel un petit alchimiste à focaliser son attention sur les matériaux aux propriétés réversibles à l'image du plomb, du souffre ou encore de la cire. En travaillant la forme, l'artiste a instauré un dialogue poétique avec les mots.
"Le verre de Murano me correspond bien car il offre un champ très riche de possibilités. C'est une matière complexe associée à l'artisanat, aux artistes verriers mais qui est peu utilisé dans l'art contemporain. Verre sculpté dans la masse à chaud, il est aussi très lié au corps, à la sensualité ce qui lui donne ce côté imparfait et hyper technique à la fois."
L'artiste représenté par la Galerie Perrotin vient de fêter ses 50 ans et il s'apprête à présenter prochainement une installation pérenne dans l'enceinte du château de Versailles. Une grande première pour cette institution qui n'accueille en temps normal que des initiatives éphémères.
"Versailles arrive à un moment où je suis en pleine maturité, en pleine possession de mon travail. Je me sens à l'aise dans mon propre alphabet pour en décliner d'autres formes. Versailles va me permettre de révéler mon travail à l'international. J'ai la chance que tout s'enchaine, un projet en appelant un autre" ajoute-il humblement.
Une association avec Louis Benech
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Jean-Michel Othoniel et Louis Benech ©Château de Versailles, Thomas Garnier
Ce projet d'envergure, Jean-Michel Othoniel le doit au paysagiste Louis Benech. En s'inscrivant dans les pas de Le Nôtre qui avait pour habitude de travailler en équipe, il a souhaité faire appel aux compétences d'un artiste. Rapidement, Jean-Michel Othoniel lui est apparu comme une évidence.
"Quand j'ai visité son exposition à Beaubourg, j'ai vu combien les enfants, agités dans d'autres expositions du musée, semblaient fascinés devant son œuvre. Leur calme, leur admiration devant ses sculptures gaies et pétulantes m'ont convaincu. Avec ses facultés et sa grâce, il me semblait en parfait accord avec l'esprit du bosquet" confie Louis Benech.
À la manière de Le Brun et Le Nôtre, ils ont imaginé ensemble leur vision du jardin. Appréhendé comme un lieu de contemplation où l'on suspend le temps, cette vision contrecarre avec l'esprit de Versailles historiquement assez militaire. "Le jardin est une terre de douceur, de rencontre paisible. Un endroit qui panse toutes les infirmités que l'on porte » précise Louis Benech. Partant de cette idée, le paysagiste recrée deux bassins d'eau en référence aux emplacements où des spectacles étaient organisés pour la Cour.
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Plan du bosquet du Théâtre d'Eau. Projet de Louis Benech ©Agence de Louis Benech
De son côté, Jean-Michel Othoniel mène un travail de recherche poussé sur la fonction du jardin à Versailles.
"J'étais à Boston et je suis tombé sur un livre que Louis XIV a écrit, Manière de montrer les jardins de Versailles, où il explique comment se mouvoir dans le jardin. A sa lecture, ce langage m'est apparu comme une chorégraphie. J'ai alors réalisé qu'il y avait un lien entre la danse et le jardin. En approfondissant mes recherches, j'ai découvert une thèse qui mettait en rapport les parterres en broderie de Le Nôtre à l'origine des jardins à la française et une écriture de la danse que le roi avait commandée auprès de Feuillet en 1701 afin de se souvenir de tous ses pas de danse." Seuls trois exemplaires du livre de Feuillet existent dans le monde. Signe du destin, un de ces ouvrages s'avère disponible à la bibliothèque de Boston. L'artiste détient alors une source d'inspiration majeure. Les "Belles Danses" vont prendre vie au cœur du bosquet du Théâtre d'Eau.
Des sculptures inspirées par l'écriture chorégraphique du Roi Soleil
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Jean-Michel Othoniel, Les Belles Danses, Le Rigaudon de la Paix, simulation, 2012 ©Othoniel Studio
En reprenant cette calligraphie du corps en mouvement comme base pour ses sculptures fontaines, Othoniel réincarne poétiquement les danses du roi sur l'eau. Au nombre de trois, elles correspondent chacune à une danse de Louis XIV: L'Entrée d'Apollon qui est un face à face, Le rigaudon de la Paix et La Bourrée d'Achille qui au contraire se dansent à deux d'où leurs formes circulaires. "La France est le seul pays à avoir écrit sa danse. C'est grâce à Louis XIV qui avait une vision conquérante de la culture" précise l'artiste dont la sensibilité pour le ballet est vive.
Ce projet très complexe est presque architectural. Pour le mener à bien, près de mille sept cent cinquante perles dorées ont été soufflées à la bouche dans l'atelier de Bâle. Ornées d'une feuille d'or et pesant chacune entre quatre et huit kilos, elles ont ensuite été montées sur une structure métallique qui laisse passer l'eau et crée ainsi une continuité dans le flux à l'image d'un pas de danse.
De plus, en amenant le verre de Murano à Versailles, Jean-Michel Othoniel opère une sorte de revanche sur le passé. Louis XIV avait en effet le désir de créer une manufacture de verre comme il l'avait fait à Sèvres pour la céramique. Afin d'exporter ce savoir-faire propre à la Sérénissime mais hautement protégé, Colbert débaucha une équipe de verriers vénitiens. Ironie du sort, ils seront rapidement assassinés obligeant Louis XIV à travailler directement avec la Cité des Doges pour la galerie des Glaces.
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Jean-Michel Othoniel, Les Belles Danses, simulation, 2012 ©Othoniel Studio
Les "Belles Danses" s'inscrivent de manière subtile dans l'Histoire de Versailles et font dialoguer ensemble la sculpture, la danse et le jardin. A l'écoute des autres disciplines, Jean-Michel Othoniel avoue: "il n'y a pas de stratégie en art. En tant qu'artiste-plasticien, la chose la plus importante, c'est l'écoute, l'ouverture au monde."
Lorsque la nature aura repris ses droits, une performance orchestrée par des danseurs viendra inaugurer l'ensemble sublimé du duo français. Le ballet a résolument retrouvé ses lettres de noblesse!