samedi 4 octobre 2014

"Cataloguer" Buren!

Dresser un catalogue "raisonné" de l'oeuvre "in situ" de Daniel Buren: un projet titanesque piloté par Joëlle Pijaudier-Cabot et Estelle Pietrzyk, commissaires de l'exposition "comme un jeu d'enfant" au MAMCS...
Chose faite et aboutie grâce aux talents d'édition du Musée, aux graphistes,et au texte édifiant de Marie-Ange Brayer!.
Faire et prolonger l'oeuvre spatiale de Buren, la "contenir" dans un ouvrage livresque,lui rendre ses volumes, espaces et respirations...
Laisser entrevoir des perspectives inattendues grâce aux regards, focales inventés par Sophie Steefkerk
On y plonge dans l'humour des points de vue, dans les couleurs, spirales, architectures multiples!
Un catalogue "souvenir" et en prime une édition spéciale dans un coffret cartonné avec en couverture une photographie originale, insérée et une gravure des initiales DB tamponnée, estampillée ainsi de sa griffe!
Il reste encore quelques uns de ses "livres d'artistes" pour les amis du musée MAMCS!

Musica: le trio K/D/M et Bamberg: du simple au gigantisme!

De la petite formation, à trois petits génies de la percussion et de l'accordéon, à la gigantesque formation de l'orchestre symphonique de Bamberg, il n'y a qu'un saut!
Le festival Musica le fait allègrement, renversant les frontières de l'intime, vers l'extime exubérant d'une formation éléphantesque et pachidermique: l'orchestre bavarois dirigé par Jonathan Nott.
Commençons par l'intimité du concert de 18H 30 Salle de la Bourse, pleine à craquer comme il se doit (ne dite pas qu'il n'y a pas de public pour la musique contemporaine) !
Une formation simple, trois musiciens très décontractés, agréables à fréquenter du regard et de l'oreille tant leur discrétion et présence semble aller de soi.
Un trio idéal pour les compositeurs soucieux de rendre hommage et place légitime au "piano à bretelle du pauvre", l'accordéon, ici joué par Anthony Millet
Du souffle, de la détente, de l'étirement pour cet instrument hybride, à touche à vent qui semble pulser et respirer comme un corps accroché à celui de l'interprète Accordéons nous pour avouer que la présence de cet instrument connoté populaire tonifie, rapproche et exhausse la musique à un caractère de simplicité autant que de sophistication.
Gérard Grisey avec "Stèle" et Luis Rizo-Salom avec "Rhizomes"échappent à la règle dans ce programme avec leur oeuvre pour percussions seules, en confrontation, en face à face ou regards croisés.
Le dispositif est fascinant déjà a observer: bric à brac d'instruments percussifs qui donneront naissances à des sons inouis, découvertes simultanée de l'objet et de sa résonnance
La musique est art visuel et chorégraphique: le son est mouvement et prolongation de la musicalité des corps!
La pièce de Clara Ianotta "3 sur 5 " en est bien le manifeste éclairé et revendiqué: "éxpérience existencielle et physique" elle doit être autant vue qu'entendue, la musique!
"Chorégraphie des sons" plutôt que "orchestration", nous voilà au corps, au coeur du sujet!
François Narboni avec "The mosellan psycho" de 2009 dédie lui aussi une pièce pour le trio virtuose K/D/M: associer l'accordéon à deux percussions: clavier, marimba et vibraphones se lovent, s’alignent, se doublent s'entremêlent pour des accord, désaccords parfaits entre eux!
Quant à Martin Matalon, il ajoute un soupçon délectronique à cette cuisine savante des chefs qui se libère ainsi des recettes pour rejoindre le registre des mets gastronomique et de la bonne nouvelle cuisine de bistrot!
C'est savoureux et jouissif à l'oreille, au regard et l'on respire les sons, comme autant de rémanences lointaines qui se démultiplient dans l'espace, sonore, physique.
Un trio "modeste" en dimension, très grand en interprétation et pertinence! En corps, encore!

Suite de la soirée au PMC Salle Erasme, l'écrin idéal pour recevoir l'orchestre de Bamberg!
Ondrej Adamek avec "Endless Steps" de 2006/2008 révisée pour l'occasion fait mouche et touche, tectonique des montées et descentes vertigineuses, envolées vers des contrées vastes et turbulentes, cette pièce pour orchestre (8 contrebasses entre autre) est forte et puissante.Le compositeur, alerte et jeune, très bien mis, en couleurs salue avec modestie devant cet ensemble gigantesque, gargantua de la musique à dévorer sans modération. L'oeuvre est mouvante, changeante, énivrante.
Les percussions plongées dans l'eau nous immerge dans une atmosphère aqueuse, et feutrée. On plonge sans retenue dans l'inconnu, l'oeil toujours aux aguets tant le spectacle est intéressant: qui est à la source de quoi?
Du côté de Jarell avec "Spuren" c'est le retour au calme apparent après la tempête.
Mais le silence des eaux dormantes est de courte durée et résonnent grâce à la présence magique du quatuor Arditti Les "empreintes" se dessinent pour mieux imprimer dans l'espace des figures musicales qui tendent à une calligraphie sonore.
Enfin retrouvailles avec une grosse pointure légendaire, figure de repère dans le parcours de la musique contemporaine: le très attendu" Lulu suite" de 1934 de Alban Berg. Un monument, un gigantisme quelque peu diluvien et pachydermique, un moment de grâce comme de félicité
Puissance, masses sonores, poids des appuis musicaux, voix profonde de la soprano: nous voici embarqués pour un voyage nostalgique au pays des modernes.On y goute les références, citations multiples et l'on fait la liaison avec les créateurs d'aujourd'hui.Lulu version courte, c'est inédit et donne envie d'y retourner!Du tonal, à l'atonal,des formes anciennes à la modernité, voici un bain de jouvence où il fait bon se plonger!
Comme une archéologie du futur de la musique!
Au loin ce soir là, les hélicoptères (du rally automobile) vrombissent...Stockhausen n'est pas loin!!!

"The tribe": fais moi un signe!

Un film ukrainien de Myroslav Slaboshpytskiy joué par des comédiens sourds et muets, sans sous titre ni traduction: résultat: un film d'animation corporelle où tout fait signe.
Seul le son direct, sans musique,matérialise et  rythme les plans et contribue à musicaliser le film.
En Ukraine, Sergei est un adolescent sourd et muet, qui entre dans un internat spécialisé et doit subir le bizutage d’une bande qui organise trafics et prostitution, à l’intérieur et à l’extérieur de l’école. Le jeune homme fait le dos rond et prend les coups sans rien dire. Charismatique et intelligent , Sergei prend du galon mais tombe amoureux de la jeune Anna, membre de cette tribu et prostituée.
Celle-ci vend son corps pour survivre et quitter le pays. Celle-ci tombe enceinte et décide d'avorter. Une opération qui ne se fait pas dans les meilleures conditions. Par amour, Sergei se rebelle et veut faire exploser cette mafia au sein de l'école. 

Batailles, discussions, scène de viol ou d'avortement deviennent des sources d'images violentes où les langages se multiplient ou additionnent, se chevauchent
Gestes des signes, ou gestes de combat? Les deux en même temps, ce qui multiplie les effets de mouvement et d'où nait le langage: celui du corps et celui plus scientifique, des signes.
Mais la violence sans la parole, n'est-elle pas encore plus insupportable, tant ce n'est que le corps qui est en question!
Pina Bausch n'aurait pas renié quelques scènes de groupe où les gestes à l'unisson sont pourtant tous différents!