lundi 20 juillet 2015

MONTPELLIER DANSE 2015: de belles "pointures" pas toujours "à la pointe"!



Golden Hours (As you like it): le silence est d'or !

Quand Anne Teresa de Keersmaeker s'invite à visiter les textes et arguments de Shakespeare, on a envie de lui chuchoter que si le silence est d'or, la danse n'est pas "muette" ni mimodrame surtout sur la musique répétitive en boucle de Brian Eno !"Golden Hours" Deux heures durant, alors q'un bon départ s'amorce à la vision d'une magnifique danse chorale à l'unisson de ses onze danseurs, vêtus de tenues sportives banalisées,la danse servira de prétexte aux mots et phrases de Shakespeare, projetés sur le mur frontal de scène
Plateau nu, immense pour ses dialogues et monologues de sourd-muet!



Non, la musique et la danse sont complices et non compilation ou accumulation de gestes narratifs, voisins du mime ou de la diction sans le son!
Comment la chorégraphe démiurge de la musicalité se fait prendre au piège d'une lecture narrative de "Comme il vous plaira" alors que si souvent la magie opère entre ses choix musicaux multiples et surprenants.
Alors on se prend à l'ennui, aux repères d'un récit où les personnages incarnent caractère, sensibilité et matière à ne pas danser.
Seul, un instant de grâce où une danseuse traverse la scène, fulgurante, audacieuse: la danse est là, pour si peu de temps!
Revient le rituel texte-illustration du drame et tout fout le camp.
Au Théâtre de l'Agora, en plein ciel, en plein air, on songe à une tragédie qui n'a pas lieu faute de véritable choix et parti pris d'écriture.




"Bit" de Maguy Marin
Maguy Marin s'incline : le bon plan incliné !


Six plans inclinés, plaques tectoniques sur le plateau: musique tonitruante; apparaissent six personnages en tenue de ville, hommes, femmes, banals.
Ils vont esquisser une demie heure durant des pas de danse collectifs, style folk ou danses trad.
Répétitive, la danse, cadencés, les pas qui s’enchaînent et forment ainsi une chenille qui se déroule, se fait et se défait, rythmée, scandée dans ce vacarme étouffant, entêtant, ébouriffant.Lancinant, agaçant....Dérangeant!
La chaîne de ces six personnages qui dansent et (ou) marchent, se brise parfois pour laisser la liberté s'échapper, s'exprimer: glissages, montées et descentes, ascensions sur ces plaques tendues comme des tremplins, aires de jeu, de passage, de dérobades quand l'un ou l'autre passe entre les mailles, les failles du dispositif scénique très judicieux.Ils nous racontent leur chemin, leurs envies, leurs hésitations, leurs routines aussi dans cette redoute, cette escapade en forme de déambulation enivrante, défilé sans fin, farandole ou mascarade, débandade aussi quand la musique cesse de harceler les tympans.
Maguy Marin n'a de cesse ici d'interroger la répétition, celle qui engendre le vertige, la réflexion, l'ivresse du mouvement des corps, d'un seul corps qui fait écho et corps.Corps multiple qui se déroule comme une guirlande, une chaîne souple et ténue mais qui tient la rampe.


Plans inclinés, pente savonneuse..                                                                                                                
Le bon plan incliné !
Comme un dessin dans l'espace, la danse s'incline, se décline à l'infini sur cet espace singulier: ces plaques qui offrent leur superficie aux pas feutrés ou furtifs des danseurs, toujours enchaînés ou déchaînés selon leur humeur.C'est beau à l'infini, conjugué comme une ritournelle, une contine joyeuse, cavalcade ou échappée belle dans ce monde uniforme qui tenterait de nous conformer à un quelconque moule ou modèle de comportement quotidien routinier.
Pour y échapper, les rythmes sempiternels d'une musique répétitive de Charlie Aubry feraient obstacle ou handicaps....
Les leitmotivs, chers à la chorégraphe, reviennent comme une fable, une légende, une histoire que l'on a plaisir à retrouver.C'est ludique, jouissif, très prenant et la tension monte aussi vite qu'elle s'éteint dans le noir après quelques effets stroboscopiques hallucinants. On en sort secoués, maltraités avec grâce et on apprécie ici d'être ébranlés, décalés pour mieux se recentrer sur son propre sort.Être avec ou ne pas être, être collectif, choral ou individuel ou partageux???
A l'Opéra Comédie, la pièce revêt toute sa majesté et sa sobriété, simple "routine" enchanteresse, envoûtante, hypnotisante  !




mardi 30 juin 2015

"Les rencontres d'été de musique de chambre": L'Accroche Note ne décroche pas !

Un voyage dans le temps autour de la musique de chambre.

Chaque année au début de l'été, l'ensemble Accroche Note organise à l'église du Bouclier à Strasbourg une série de concerts de musique de chambre croisant les répertoires dits classiques et contemporains.
Embrassant une large période du baroque au XXIe siècle et interprétés par des ensembles de petite taille, ils permettent de découvrir ou redécouvrir la richesse du patrimoine classique tout en se familiarisant avec les écritures d'aujourd'hui.
Les musiciens d'Accroche Note invitent de nombreux autres interprètes issus de divers horizons géographiques à les rejoindre dans cette aventure originale.
Les Rencontres d’Eté de Musique de Chambre sont  l’occasion de présenter des œuvres contemporaines du répertoire ou des créations. Ainsi en 2015 sont programmés Jonathan Harvey, Pascal Dusapin, François-Bernard Mâche, … Des créations de Martino Traversa et Christian Dachez seront également à découvrir. Lors de cette quinzième édition, l’Ensemble Accroche Note accueillera le Trio Notturno au cours d’une des trois soirées, ainsi que Vincent Dubois.

Mardi 30 Juin
C'est avec une oeuvre de Jonathan Harvey "Chu" (2002) pour voix, clarinette et violoncelle que démarre par ce beau soir d'été dans l'Eglise du Bouclier à Strasbourg, ce concert intimiste et recueilli.
La voix pure de Françoise Kubler borde d'une vibration chaude et grave les mélodies improbables d'une partition en tibétain en hommage à l'oppression d'un peuple, en souvenir de la chanteuse engagée Soname Yangchen. C'est troublant et empreint de grâce, de sensualité comme une mélopée incantatoire, tout juste surgie des limbes."Dans sa danse, Tara, la protectrice de ce peuple tibétain, frappe en colère, les forces destructrices de l'univers".
Une oeuvre unique aux résonances profondes et mystiques, graves et chargée d'une poésie, où la voix, les sonorités émeuvent jusqu'à très profond dans l'âme de celui qui écoute, aux aguets, les sons si savants d'une musique , mémorial d'une culture menacée.
Pour interpréter de Manuel De Falla "Fantasia Baetica" (1919) pour piano, le virtuose Wilhem Latchoumia, prète sa dextérité, toute l'envergure de son doigté sur les touches percussives, pour enchanter une oeuvre hispanisante, chaleureuse, hésitante, envoûtante. Une découverte, qui sous ses doigts, révèle l'épure de l'oeuvre, en décèle les moindres recoins de subtilité stylistique et rejoint le panthéon des interprétations de génie. Une chance de retrouver ici, un musicien, pianiste qui fait corps avec ses touches, son instrument. Belle rencontre avec un public, attentif, séduit, ravi comme à l'accoutumée!
Retrouvailles avec Pascal Dusapin et ses "Wolken" (2014) pour voix de femme et piano: Françoise Kubler enchante, fait naître et donne corps aux paysages multiples qui défilent sous nos yeux, jaillissent à nos oreilles, se jouent des mirages et de la magie d'une écriture complexe et pourtant si abordable !Goethe en forme de nuages évanescents, menaçants, enjôleurs........La beauté de l'interprétation pianistique ajoute intensité et dramaturgie mélodieuse à cette oeuvre pour voix de femme seule au firmament des cieux tumultueux ou apaisés!
Au tour de Gabriel Fauré
 avec "Trio opus 120" (1923) pour clarinette, violoncelle et piano et la soirée bat son plein de modernité, d'histoire aussi de la musique qui se déploie dans le temps et l'espace.

Au final de ce concert unique en son genre,une création de Martino Traversa "Trois poèmes de Stéphane Malarmé" (2015) pour voix clarinette,violoncelle et piano commande Accroche Note –Une  création qui fait mouche, élégante, bordée de rêves, de mémoire, de nostalgie dans sa texture et structure traditionnelle, inspirée de la musique de chambre
Et en prime, oh, surprise une improvisation des quatre interprètes, pour mieux se jouer des embûches, surprendre, séduite et ravir: quand quatre virtuoses se rencontrent, échangent et vivent leur musique devant témoin, on ne peut que saluer la générosité et tout le travail de ce projet ambitieux: faire dialoguer les époques, les styles pour rendre les "ancêtres" contemporains et les contemporains "familiers" du monde de la musique . Merci et bravo à cet esprit d'entreprise et d'échanges qui anime le groupe "Accroche Note" et dont ils sont loin de décrocher à la tradition!!!!

Avec.Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette / Christophe Beau, violoncelle / Wilhem Latchoumia, piano
Suite des concerts ce mercredi et jeudi, 20H 30 Eglise du Bouclier à Strsbourg
www.accrochenote.com

mercredi 24 juin 2015

Balai tutu !