jeudi 23 juillet 2015

L'HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES : lecture en "temps réel", du fait "maison" !

D'après l'œuvre de Jean Giono (éditions Gallimard), par la Cie Le Bruit qu’ça coûte avec Luc Schillinger (comédien). Dessin Laurent Kohler, conception et musique Philippe Aubry.
Une adaptation atypique de la nouvelle L'homme qui plantait des arbres de Jean Giono. Un comédien, un dessinateur et un musicien plongent les spectateurs au cœur de cette œuvre majeure et parlent de cet humble berger qui va modifier son environnement pour en augmenter les bienfaits.

Une bien belle adaptation qui rayonne à la fois d'inventivité, de sobriété
Tout se fabrique en direct, en temps réel sur le plateau: c'est du fait maison, du théâtre du marché, selon les humeurs des protagonistes, de la cuisine inventive, moléculaire, fusion. 
 Ils sont trois à se partager la scène 50 minutes durant: un graphiste, dessinateur, "croqueur" de texte, un comédien, conteur, récitant et un musicien "bidouilleur" de bruits, de sons, de musique
Ensemble, ils vont créer un univers, une atmosphère alors que Luc Schillinger, déroule le texte, comédien inspiré, sobre, sans manière pour servir un texte lumineux, très d'actualité, équitable, écologique avant l'heure
On songe au film de Werner Herzog sur le photographe Sébastiao Salgado qui fit revivre sa forêt équatoriale en "plantant" des arbres, à Beuys aussi et ses "mille chênes"!

Un son végétal

Un dispositif, comme un établi pour Philippe Aubry, alchimiste du son qui se joue de petits accessoires vibrants, volants pour créer des sons voisins des craquements de bois, des envols et souffles de feuilles: tout un environnement sonore évocateur, fertile qui produit une atmosphère végétale inouïe. Musiques de "table", artisan du son, fabricant d'instruments de bric et broc forts savants!

Un graphisme en direct, à croquer




Et sous les doigts de Laurent Kohler, se dessinent des paysages du midi, de Provence, des arbres, un arbre, de noir et blanc, de couleurs bleue comme le ciel
C'est beau, en "live", il dessine et les icones sont projetées en direct sur un écran
On a envie de les revoir à la fin du spectacle, comme des témoins d'une histoire vécue
C'est le texte de Giono qui est le modèle et le peintre entretient une belle complicité dans ses "poses" vivantes, végétales comme un herbier, un arboretum vivant!

Un homme qui songe et conte ses "racines"

Luc Schillinger apparaît d'abord en ombre chinoise derrière l'écran, puis se délivre au regard, texte "en bouche" pour une mise en appétit de belle littérature provençale
Il révèle les mots, fait sourdre leurs couleurs et sonorités et rejoint alors ses compères pour un joli métissage des genres
Un genre théâtral hybride pour cette lecture foissonnante, résonnante et calligraphiée comme une partition, une chorégraphie textuelle et plastique, sonore en diable
La danse des mots ne cessera au final que par la belle échappée de Philippe Aubry au saxophone: comme une voie, comme une étincelle mélodique, comme un souffle de léger mistral sur ces beaux paysages livresques et picturaux!

Au TAPS Scala le mardi 21 Juillet 20H 30 dans le cadre de l'Eté culturel de Strasbourg

"Un grand merci pour ce que vous écrivez de notre spectacle. C'était une belle aventure sensible en trio . Nous aimerions bien sûr beaucoup le reprendre, mais c'est si difficile parfois... Votre sentiment , écrit noir sur blanc, nous aidera sans doute!...

A titre personnel, en tant qu’interprète du spectacle, j'ai la conviction que le très fin travail d'adaptation du texte par Philippe Aubry apporte une belle  nécessité à l'ensemble:

Il a créé de petites ellipses, n'a pas retenu certaines redites ....le texte, du coup, est  actif de bout en bout,dans une belle urgence, sans les notes un peu trop "familières" parfois, ou comme" explicatives".(j'ai relu le texte complet hier soir, pas fait depuis des lustres!)

Cette fine adaptation, au bénéfice de l'acteur, structure toutes les" formes" du spectacle, je trouve..."

de Luc Schillinger le 22 JUILLET 2015

mercredi 22 juillet 2015

YVANN ALEXANDRE: florilège pour Avignon off



« 3 Temps » et « Les Solis noirs » de la compagnie Yvann Alexandre au Grenier à Sel et à La Condition des Soies

Petites formes en « grande forme »
Belle surprise que de retrouver le chorégraphe au sein du off avec une opportunité de redécouvrir un langage éclairé sur les corps en mouvement.

Deux temps pour savourer une danse plurielle, écrite pour chaque interprète en de forts beaux solos, duo et ensembles fortement architecturés et façonnés en haute couture chorégraphique
Dans  « 3 Temps », 3 petites formes extraites de pièces plus longues laissent percevoir des phrasés fluides, une danse vive et inspirée des corps, morphologie et sculptures de la chair à triturer. Trois paysages sensuels, amoureux ou ludiques qui  se dévoilent en perspective, se répondent et tissent sur de très pertinents choix musicaux, une danse singulière, poétique.
« Les solis nois » à la condition des soies sont imprégnés du lieu, mur de pierre, étroitesse du plateau, petit matin


Les mains maculées de noir chacun laisse son empreinte dans l’espace, sans laisser de trace au sol, hormis à un instant où l’on s’aperçoit qu’aucun appui n’a été source de rebond.L'espace inspire la relation au sol pourtant et le miracle opère dans une contrainte à peine dessinée, lisible.Les visages aussi se maculeront de ce noir, témoignage de quelque trace néfaste, inquiétante......
C’est magique et lorsqu’ apparaît Christian Bourigault pour un solo final, taillé sur mesure, c’est toute l’histoire des sources du geste contemporain qui affleure et rappelle qu’on ne vient pas de nulle part !
Allure longiligne, port de tête altier, saveur du geste immaculé pour cet homme qui danse, griffé par la patte et la signature de Yvann Alexandre.Personnage vierge de noir, il apparaît comme un ange, un berger salvateur qui ne tentera qu'en vain de reproduire "la faute" noire sur son visage et envers l'autre! Sauveur très pasolinien que cette figure angevine! Rédemption finale, rémission des empreintes, salut par la danse et le geste qui laissent un gout de sacré dans les pensées très philosophiques ainsi générées!
 Beau programme, panorama incitant à découvrir plus en amont la recherche fertile d’un homme de strates qui fait sourdre les gestes du plus profond des corps et laisse sa patte noire imprimer de beaux « souvenirs » dans nos pensées dansantes !

"Eté danse" 2015 au CDC en Avignon : jolie moisson!

Un lieu qui résiste qui combat qui ne lâche pas malgré bien des aventures et déboires (voir actualité du CDC)...
Cet été, la météo y est fluctuante:du beau fixe au temps mitigé, mais toujours selon les dires d'un baromètre professionnel et sans faille!
La "moisson" y est donc mûre ou moins avancée mais le grain est bon!

"Cortex": exorciser les démons pour aller vers les merveilles!


Il en est de "Cortex", pièce signée de la compagnie 3637 mise en scène de Baptiste Isaia
Deux gamines vont faire éclore leur mémoire , revisiter un passé très proche pour exorciser les démons, les peurs, l'image du père: de cette "auto-psychanalyse" va ressortir un joyeux déballage de mots, faits et gestes, bordés d'une très intéressante partition musicale en live
Les ébats et évolutions des deux interprètes adolescentes, fillettes en herbe restent sympathiques et la dramaturgie faiblit parfois, faute de relance, de rebonds
La sincérité de l'engagement fait mouche et l'on songe aussi à sa propre enfance, au "passage" si délicat dans le monde des adultes.La mémoire des corps ne ment pas!

"Les portes pareilles"  de Balkis Moutashar :"Ah, les filles" ou "Au bonheur des dames"!



Duo percutant sur la femme,les femmes: les top-modèles, les girls, toutes celles qu'on aime
La chorégraphe remodèle les genres, pétrit le tout pour une évocation des figures, postures, attitudes du monde du music-hall, avec respect, recuel, distance
Les deux interprète dont la gémellité surprend s'adonnent avec malice, humour et détachement à ce jeu de dupe et l'on ressort conquis par cette fantaisie périlleuse qui joue sur le fil de l'équilibre-déséquilibre avec beaucoup de doigté!
Un cabaret de curiosité où les corps de strass et de paillettes ont l'audace de leur authenticité féminine.
Effets de perspective aussi, architecture mouvante et osmose du décor avec les sorties et entrées très "remarquées" de ces dames très respectables.

"Das Kino" de Isida Micani : tout ça pour ça!


"kinéma" kiné, c'est le mouvement  tout simplement dans son écoute étymologique.
Le spectateur est ici convié à un spectacle en 3D avec lunettes à l'appui pour éprouver un univers virtuel, un décor d'artefact où la danse va se loger. Un solo s'y glisse, celui d'un homme qui va se débattre avec son environnement de façon quelque peu laborieuse.Musique live de Spike, effets lumineux, tout parait quelque peu surfait et la magie du volume tridimentionnel n'est pas exploitée souverainement
On le regrette de plus à la vue des images finales d'une femme à l'envers, pieds au plafond qui fait enfin apparaitre un univers onirique sensible Beau et renversant, elle nous conduit dans l'antre de l'apesanteur , d'Orphée et Euridice: surtout ne vous retournez pas!

"Lowland" de Roser Lopez Espinosa :on se répand !



Une danse qui se répand, s'allonge, se fluidifie, une danse contact comme on la faisait au début de la "danse-contact" mais qui n'a pas perdu une ride. Tirés,plis et replis du tissu tendu, étirés..............
Rien de vraiment "neuf" dans cette chorégraphie harmonieuse, sensuelle et fluide: seul le plaisir devoir s'abandonner deux interprètes remarquables, dont l'attention, l'écouté et l'accueil l'un envers l'autre attestent d'une belle complicité!
Évocation du monde animal, des oiseaux à l'envergure de rêve, la danse, légère, subtile, plane dans les sphères de l'apesanteur: le rêve du danseur: quitter le sol, s'appuyer sur l'air et l'espace pour investir l'inconnu.

"Réversible" de Bouziane Bouteldja :seul ou avec d'autres?



Une confession intime du chorégraphe franco-algérien sur son histoire, son sort, ses mémoires du corps soumis, oppressé par les tutelles familiales, institutionnelles
Ca fonctionne parfois très justement quand la langue gutturale, hachée , scandée de l'Arabe vient morceler ses gestes, attitudes et fait galoper corps et pensées
Un défi quand on a encore de souvenir de l apache Hamid Ben Mahi, seul avec ses maux-mots, son hip-hop en poche qui confiait lui aussi ses confidences de corps à un public ébahi.

"FreeSteps" de Wei-Chia Su: bonnes ondes!






Magnifiques solis égrenés une heure durant où les interprètes se confondent, se succèdent dans une continuité stylistique cohérente, fluide, pleine de grâce, de volutes, de spirales et enroulés, déroulés.
La compagnie Horse de Taiwan fait son chemin, trace ici une œuvre complète, bordée de l'univers sonore de Yannick Dauby, pour le meilleur et l'on s'abandonne comme les danseurs dans une onde aux flux et reflux salvateurs pour mieux regagner les berges d'un fleuve tranquille ou d'une marée très sage.

"Théorie des prodiges" de Marcia Barcellos et Karl Biscuit : enluminures chorégraphiques


Ils savent de main de maitre mettre en scène, ravir, faire rêver, plonger le spectateur au coeur de galaxies ou d'univers étranges
Une fois de plus, Système Castafiore, loin des "systèmes" et "objets-spectacles manufacturés" nous guident dans leurs fantasmes, histoires scientifiques abracadabrantesques pour le meilleur!
Images très travaillées comme des grimoires, des glossaires d'icônes médiévales, sons et bruissements, interprétation despersonnages aux costumes enchanteurs , tout concourt à uneoeuvre singulière, unique!
Arts^mêlés, enchevétres, tricoté comme des "meilleursouvriersde france" aguéris au savoir faire maistoujours transcendant cette maitrise du spectaculaira
Un enchantement magique pour clore cette programmation très éclectique du CDC pour ce bel été chaud et caniculaire en aventures chorégraphiques!
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