vendredi 16 octobre 2015

"Marguerite D" par le Jarnisy : portrait de femme-fleur !


Mise en scène par Anne-Margrit Leclerc du Théâtre du Jarnisy, voici une incarnation simple et juste de la plus rebelle écrivain du siècle dernier: Marguerite Duras!
Charlotte Corman, qui incarne le corps, le verbe, la verve et les mots de Duras est simplement bluffante.
Attitudes, physique, fragilité, noblesse , modestie font de son registre tout un roman de cette femme idéale, insaisissable, belle, vivante!


Performance d'actrice, accompagnée par son double, une marionnette, enfant stylisée de l'époque vietnamienne, manipulée par une comédienne enceinte: le symbole est fort, guidé par les textes, empruntés à l'oeuvre de Duras: un autoportrait remarquable, sans chichi, ni fioritures qui conduit dans les sentiers les plus reculés de l'intimité de Madame Marguerite, l’insaisissable ouvrière de l'écriture, enivrée des fragrances d'alcool, de joie, de décrépitude, d'amour, d'échanges.

Au TAPS Laiterie Strasbourg jusqu'au 16 Octobre

"Le Méridien" de Nicolas Bouchaud: quel souffle !

Souffler n'est pas jouer !
Et pourtant ce solo, monologue mis en scène et interprété par Nicolas Bouchaud, ne manque pas de souffle, ni de respiration!
A l'instar de Buchner et de Paul Celan, voici une performance très ambitieuse, bardée d'orgueil , de savoir-faire et d'être en scène, tel que Nicolas Bouchaud sait le faire et l'inventer.
La rencontre entre un poète et un acteur, une oeuvre littéraire et un corps, que les mots traversent, irriguent, animent opère et donne naissance à un cour magistral où il a toutes ces "facultés"
On rêve d'un enseignement universitaire aussi vivant, habité, spectaculaire!.


Belle prestation entourée d'un décor de collines graphiques, tendues sur toile, surpassées par un parterre de souffle de craie quand l'acteur sème à tout vent de la poudre aux yeux du monde!
C'est une évocation de Lenz, de la mort de Danton, c'est un partage des poèmes de Celan (conférez pour mémoire ce même emprunt dans le  "Passim" de François Tanguy), une convocation d' Oberlin: on est en territoire connu, à l'aise parmi des univers déjà côtoyés.
Et Nicolas Bouchaud d'esquisser une petite danse, chorégraphiée par Jean François Duroure, où il déploie son corps qui bouge et se meut selon ce qui l'anime: le mystère, la joie et surtout ce souffle dont il est question tout au long de la pièce


Quand in fine, le "méridien" se dévoile, trace, coupure géographique, séparation tectonique,le charme est rompu et l'adieu de l'acteur sonne comme un glas de départ, de perte, de séparation
Quittons nous bons amis, malgré parfois des tendances à l'égocentrisme ou à la parade chez cet acteur qui se gonfle, enfle, s'enflamme s'épanouit et envahit de son regard aiguisé, tout l'espace: peut-on encore y respirer, nous spectateurs, alors qu'il nous traque où nous enferme dans une extrême sensibilité à nos réactions: le quitter en plein spectacle ne lui est pas envisageable, alors il fusille et prend en otage!
Au TNS jusqu'au 16 Octobre salle Gruber

"De mainS " :à deux mains, à deux pieds !


La compagnie" Au-delà-danse" pilotée par Marie Close s'est un beau jour et pas par hasard, penchée sur la main!
La main du danseur, celle qui ose, communique, caresse, joint , rejoint et relie les uns aux autres, grâce au langage des signes entre autre!
Alors, un petit "cygne" en passant, avec ce très joyeux spectacle pour tout petits ou pour très grands
Le plateau est un cercle, un nid où quelques accessoires vont dévoiler leur présence grâce à la manipulation astucieuse d'une femme qui danse, au milieu!


D'abord chrysalide, de son cocon éclot un étrange personnage à la découverte du monde et de son environnement: brindilles de bois, pot de fleur, peau de bête
Chacun à son tour sera source d'inspiration et de magie: source de gestuelle très douce, inspirée, sensuelle en phase avec une musique de boite à joujou très sensible, alliant sonorités berceuses à sons étranges et percussifs
On voyage au pays des plantes vertes car elle semble avoir "la main verte" cette audacieuse jardinière qui joue avec la lumière, comme un piège en cercle, nénuphars aspirant à la convoitise!
Nid où l'oiseau trouve sa "niche", fait son trou et vit de belles aventures de matières, plumes légères qui virevoltent.


A portée de mains
Espace à jouer, à inventer avec son corps, ses mains qui tatonnent, prolongent un discours corporel simple et perceptible, visuel, audible, convaincant.
Les petits spectateurs dans une écoute recueillie et bruissante s'émerveillent, attentifs, surpris, en haleine.Et la lumière de visiter ce petit monde jubilatoire, parfois effrayant aussi, étrange, inquiétant!
Du bel ouvrage pour ces "maternelles" devenues supérieures, les "mat'sup" grâce à ce moment de partage, d'écoute où le regard est convoqué, juste, sans concession ni manière
Les sens en éveil, au bout des doigts, sans faire "des pieds et des mains" pour tenter des métamorphoses, grâce à un simple costume à fleur de peau, dévoilant la stature massive et charpentée, bien réelle d'une femme qui danse pour créer un univers singulier et original.
De mains, et de merveilles, voici un écrin de saveurs délicieuses à regarder sans modération, avec appétit et curiosité, avec une âme d'enfant à qui on ne fait pas croire à n'importe quoi!

Au TJP Petite scène à Strasbourg