mercredi 27 avril 2016

"Archive" d'Arkadi Zaides: vidéo et corps, médium multiple, pour dénonciation sans concession.


Seconde partie de la soirée à Pole Sud pour le festival EXTRA DANSE

Un homme seul, israélien va nous porter témoin de ce qu'il voit, filme et dénonce sur le territoire d’Israël
Pas de discours politique, mais une étude fine des gestes, attitudes et postures des hommes qui tuent, violent ou torturent les esprits, déplacent les corps, s’entraînent à lancer des pierres sur l'ennemi, l'autre! Une heure durant, embarquement sur d'autres territoires infernaux, violents, vrais dans une actualité toujours vivace, stérile, abominable...
Arkadi Zaides sème le trouble, dérange et montre du doigt, de tout son corps la bêtise, l'absurde des situations, du contexte de guerre éternelle.Tee shirt quyi baille, nu pieds dans un plus simple appareil scénique.
Sobre, direct, jamais maladroit dans ses évocations litigieuses de mouvements types de comportement banal des hommes, en civil, cagoulés ou dissimulés selon les images sur l'écran témoin
Prestation juste, ciblée qui fait mouche, cible parfaite qui se prend à éviter les rafales, les coups d'éclats, de bruit et de fureur d'un désert en guerre, en fuite, en panne!
Salves de danse éparpillée pour corps blessé pour mémoire visitée en temple des archives, celle d'un pays, d'une mémoire blessée, meurtrie! Touchée, coulée mais ici resurgie pour mieux considérer la lutte, la résistance au phénomène de la tuerie, de la disparition des corps par les actes de barbarie...

à Pole Sud ce mardi 26 Avril

A propos de:
"Il pense le corps comme un medium pour interroger le politique et la situation de son pays. Arkadi Zaides, artiste israélien né en Biélorussie, a créé Archive entre documents vidéos filmés par des Palestiniens résidant en Cisjordanie et gestes reproduits hors contexte mais face à l’image. Du réel à la scène, un mouvement qui pose question, intensément.


Chez lui, le chemin des gestes débute par le secret du silence, par l’écoute et l’ouverture d’un espace intérieur, monde sensible d’où se déploient ses visions. Mais comme la plupart des artistes de sa génération, Arkadi Zaides, voit la création comme un espace multimédia. Dès ses premières pièces aux paysages abstraits, il engage un travail sur le vivre ensemble. Démarche qu’il conduit tant en Israël, qu’en Europe ou au Japon.
Quiet, premier spectacle à réunir sur le plateau des artistes Israéliens et Palestiniens, est né d’un sentiment d’urgence face à la violence des conflits entre communautés. Cette chorégraphie par vagues, tentait de requalifier l’espace en s’écartant de l’irrationnel. Avec Archive un autre processus surgit et de nouvelles questions : Quelles sont les répercussions de l’occupation ? Quelle position adopter lorsqu’on est soi-même Israélien ? Engagé dans un travail documentaire et réflexif, l’artiste se tient au pied d’images-preuves dont il réfléchit les gestes. Ces vidéos sont issues du B’Tselem, camera project, le programme d’une organisation israélienne attachée à révéler les violations des droits des Palestiniens. Médiateur entre le public et les images, Zaides est observateur ou acteur. La position de son corps, tantôt filtre ou obstacle au regard, bouscule les points de vue, cherchant à ouvrir d’autres perspectives. "

"De marfim e carne": Marlène Monteiro Freitas: carnaval grotesque, perle baroque!


Le plateau est déjà occupé pour l'entrée en salle: comme des guerriers ou sentinelles électrocutées, médusées, tétanisées, des personnages se meuvent de façon robotique en bord de plateau, aux lisières d'une estrade surhaussée. Deux femmes, gainées d'un corset carapace bleue, quatre hommes en longs gilets, peignoirs de boxe ou accoutrement singulier, ceinturés, bleu satiné de soie, mi-bas peints en noir à même la peau.
Costume, déguisement, très architectoniques, tant on croit y voir des entrelacs de colombages...
Tout s'agite en mouvements robotiques, brusques, hachés, détachés comme mu par une machinerie, une horlogerie de musée de la mécanique, des arts et métiers: pantins, poupées, les corps se déplacent au son d'un déferlement de musique, haut et fort, ponctué par une alarme d'usine
Univers fascinant, maîtrisé à la seconde près, ils sont médusés, paralysées, comme autant de figurines à remonter pour les faire avancer selon le mécanisme infernal de la programmation.
Rythme soutenu pour ces mannequins , poupées de cire mais pas de son, rigides, droits, figés
Les mouvements dictés de l'extérieur comme dans une vitrine de musée des automates!
Animés de grimaces, de pauses grotesques, parfois inanimés, arret sur image en apnée: là ce petit monde qui s'affole, se calme, chante, cause au micro, déballe des visions carnavalesques, redoute ou cavalcade endiablée; de l'humour, du détachement aussi dans cette parade joyeuse qui déferle, tonitruante devant nos yeux
Un diable s'en détache pour aguicher la salle, chatouiller le spectateur, tenter de lui faire peur: cette peur de l'horreur, du monstrueux qui bave, fou, timbré, cloche et déséquilibré!
Faciès de quasimodos en tenue baroque, légère panoplie bleu nuitl Les visages bougent, grimacent, les yeux exorbités de la danseuse, telle une Joséphine Backer, roulent, et s'enroulent, les lèvres s'étalent prises dans des prothèses écarquillées.
Carnaval, vitrine, ce qui se voit, s'entend se déverse devant nous, charmés ou heurtés par une vérité sans mensonge, sans artifices sauf celui de ces secondes peaux de soie, lisses, scintillantes,
Parade animale, burlesque, aux confins de l'imaginaire de la chorégraphe nourrie d'icones de l'enfance, de fantasme de personnages monstrueux, ce spectacle jour sur la tension, le désir et quand notre diable s'en mêle, Denis Lavant comme figure de proue ou de référence, c'est bien de folie et de tétanie dont il est question!
 à Pole Sud le mardi 26 AVRIL dans le cadre du festival EXTRA DANSE


A propos de:
« Les statues souffrent aussi, », précise le titre élargi donné par Marlene Monteiro Freitas, à l’une de ses récentes pièces, De marfim e carne ; comprendre : « d’ivoire et de chair ». Etranges étrangers que les corps chez cette chorégraphe remarquée de la scène portugaise. Et ce spectacle d’en faire l’éloge avec ses interprètes, véritables statues vivantes et dansantes, évoluant comme dans un bal grotesque au rythme de l’impur et du bizarre.
Performeuse, elle était déjà dans (M)imosa, pièce créée avec Trajal Harell, François Chaignaud et Cecilia Bengolea. A Lisbonne, membre du collectif Bomba Suicida jusqu’en 2014, elle a réalisé plusieurs œuvres dont le solo Guintche aux métamorphoses confondantes, et Paradis - collection privée inspiré des toiles de Bosch et Bacon.

Marquée par les figures grotesques des carnavals de son enfance à Mindelo, au Cap-Vert, la chorégraphe semble faire du corps un instrument privilégié de subversion artistique. De marfim e carne n’échappe pas à la règle, avec ses énigmatiques corps-statues. Ici, danse, archaïsmes et animalité se fondent aux effets spéciaux des plus récentes techniques numériques. Il en surgit d’ironiques et mémorables rituels. Et l’artiste aux multiples visages d’oser alors d’improbables mouvements, rythmés, intenses et frondeurs."

mardi 26 avril 2016

"Incendies": le silence est d'or! Silence, on joue! Je suis "le silence" !


La pièce s’ouvre sur la mort d’une femme : Nawal. Elle laisse en héritage à ses enfants une lettre les enjoignant de partir à la recherche de leur passé. De cette quête jaillit une confrontation impitoyable avec des origines innommables. Un face à face sans dérobade avec leurs propres racines les contraint à refaire le chemin que leur mère a effectué avant eux : celui du pardon. Il y a beaucoup de la vie de l’auteur dans ce drame haletant, beaucoup de ses souffrances et de ses traumatismes. Car chez Mouawad, l’intime et l’universel ne sont jamais très éloignés.
Présentation des protagonistes: il y aura trois mères, à trois âges différents, d'autres, identifiés d'emblée...Tout commence endiablé avec la présentation tonitruante du testament de la mère par le notaire, l'ami intime de cette dernière, devant les deux descendants, les enfants, jumeaux, tétanisés par les nouvelles: ils devront affronter la vérité de la succession, devenir filateurs détectives et enquêteurs dans un contexte brûlant, politique, économique et guerrier.
De quoi frissonner, mais aussi sourire et emboîter le pas de cette curieuse galerie de portraits, crus, sans chichis, ni flagorneries, brossés avec vivacité, justesse par un écrivain, enflammé, passionné .Il délivre ici un récit sans concession qui nous embarque trois heures durant dans les affres des secrets de famille, des horreurs insoupçonnées de la condition humaine!



Pourquoi la mère est-elle devenue muette, enfermée dans le silence total comme dans une folie psychique, un arrett du souffle: c'est le secret de "la femme qui chante" et qui réfléchit, l'énigme d'une amitié portée par la rebellion, le secret et l'horreur
L'une chante, l'autre, pas; le souffle sera le moteur de la vie et de la mort, le premier et le dernier cri de ces acteurs galvanisés par un texte froid, nu, empli de cruauté, de sarcasmes et de dureté
Le contexte de guerre, la situation torride verse dans le drame et la tragédie de notre temps: les familles sont des monstres qui s'auto engendrent et pétrifient le genre humain en autant de statues qui parlent in fine pour délivrer des secrets inavouables.
Les comédiens, mis en scène, aimés par Stanislas Nordet, sont sobres et brillants, justes et hurleurs de vérité, d'absurdités pourtant existantes et vraies.
La mère de Nordey, en mère vieillissante est sublime et son fils la magnifie, comme un cadeau, un hommage à la filiation de métier: la complicité est bienveillante et charme un temps Juste celui de l'épilogue où se révèle les aveux de chacun pour le pire...La famille recomposée, décomposée au complexe psychanalytique offert à la nouveauté: les enfants vont tuer le frère et le père!

Au TNS jusqu'au 15 MAI