jeudi 22 septembre 2016

"Giordano Bruno" : un opéra filmé de Francesco Filidei: le cinéma sur la bonne voix!

Un opéra à redécouvrir sous l'angle des caméras, focus et points de vue du réalisateur Philippe Béziat, c'est ce que proposait en ouverture de Festival Musica à Strasbourg pour sa 34 ème édition. En partenariat avec ARTE, fidèle soutien aux œuvres de spectacle musical contemporain, à l'UGC Cité Ciné.Une relecture, une interprétation au plus près des chanteurs, des corps, des visages Régal de détails, de focales où transpire la chair, suinte le désir de tous ces personnages voués à leur sort: qu'ils soient religieux ou iconoclastes dans cet univers singulier où rien ne sera pardonné. Lionel Peintre en héros, inquiet, sur la brèche est filmé, suivi, cadré au plus sérré accompagnant son inquiétude ou ses désirs, rendant et accentuant toutes les facettes de sa brillante interprétation du personnage maudit.


"Giordano Bruno" de Filidei dans une mise en scène de Antoine Gindt par l'Ensemble Intercontemporain.Un opéra contemporain se salue toujours tant il est encore rare d'en voir et entendre
C'est une des spécificités du festival Musica, engagé dans la réflexion sur le rapport image/ musique depuis plusieurs éditions
Sous la direction de Léo Warinski, et dans une remarquable scénographie de Elise Capdenat, des images vidéo signées Tomek Jarolim, la pièce fait office de traité historique, reconstitution narrative de la destinée d'un scientifique par une succession de douze scènes consacrées à l'histoire de l'hérétique Bruno, chercheur, détracteur de l'Eglise en proie à sa vindicte


Il est le héros et le martyr de la pièce, personnage central "fautif", coupable de vérité mais aussi de luxure démoniaque: on songe aux clichés de Pierre Moulinier en contemplant les scènes érotiques, de dentelles, bas à résille et pauses sans équivoques du chœur, celui qui ponctue l'opéra
Très mouvant, engagé physiquement dans l'interprétation, tous concourent à la tension dramatique de l'oeuvre
La musique, menaçante, les silences éloquents, façonnent une structure à la dramaturgie soulignée par un fond d'images vidéo évoquant l'aspect céleste de la rédemption impossible du héros, victime.
Le salut sera impossible, ni la rémission. Alors il s'enlise et s'embourbe, sacrifié au bûcher de l'inquisition
Destin diaboliquement irréversible où l'enfer, c'est bien les autres et leur incompréhension
Le film souligne la sensualité des scènes érotiques, telles des chorégraphies d'Angelin Preljocaj (Liqueurs de chair), les femmes y sont magnifiées autant dans leur blancheur virginale que dans leur torrides évolutions sataniques, charnelles, sensuelles.
Un film très réussi, pour une soirée inaugurale qui augure des plus sensibles découvertes.
Musica, c'est en marche !
U

mardi 20 septembre 2016

"Sound of music": l'"Hair de rien"!


Il est des "united colors of Benetton", des locks qui mettent en scène Terpsichore en baskets: voici une comédie musicale des temps présents qui flirte avec les traditions et décale les us et coutumes en la matière: Busby Berkeley en serait troublé et la filiation des écritures dans cette oeuvre collective produite par le performeur Yan Duyvendak, est habile en la matière. Se frotter à une forme convenue, référée, voici le challenge: opérer sur le terrain du message politique et écologique aussi!
Alors réjouissez vous, l'instant est grave et chargé de sens pour ces danseurs interprètes professionnels et "apprentis" puisés dans le staff des élèves du Conservatoire de Lyon.
Sur fond de crise, avec slogans et informations pertinentes sur les catastrophes écologiques du moment qui défilent sur une bande lumineuse, ils chantent, dansent, grimacent, évoluent dans la décence et la discrétion: un collectif bigarré mais sans strass ni paillettes au départ!


On oscille rapidement vers un rythme décalé où l'on va retrouver les ficelles de la comédie musicale: chœurs, chorale et mouvements a cappella: judicieuses formes qui se font et se défont dans un beau déroulé à la Fischli Weiss ou à la Larrieu .C'est tonitruant, mené tambours battants malgré quelques petites difficultés liées au manque d'espace du plateau du Théâtre de la Croix Rousse! Mais n'est-il pas justement question de surpopulation, de manque d'espace, de heurts et de choc dans cette pièce?
Un leitmotiv musical borde la pièce:"all right, good night" et tout ira mieux dans le meilleur des mondes semble murmurer ce petit groupe compact dédié à la sauvegarde du monde
Danses populaires et ambiance garantie pour cet opus signé Christophe Fiat, accompagné des signatures chorégraphiques d'Olivier Dubois et autre compères de génération.
Marches et démarches de groupe, en batterie, en brigade avec quelques échappées belles: on songe à "Insurrection" d'Odile Duboc!
Les paillettes peu à peu gagnent du terrain, le rideau de scène fait de même pour cette quette d'orpailleurs à la recherche d'un paradis perdus, à la "Hair" avec des accents sauvages et hippies qui font sourire. Comédie sociétale, équitable et durable, on l'espère inoxydable dans le temps pour parfaire le message et vivre encore plus intensément la fougue du genre qui traverse les époques: le show, rien que le show!

"La belle et la bête" de Thierry Malandain: un conte qui fait l'ange!


Le Malandain Ballet Biarritz fait son "qui fait l'ange fait la bête" avec une très belle version d'un conte légendaire ou d'un film mythique de référence: celui de Jean Cocteau. Mais loin aussi de ces univers, Malandain se fait la belle et joue des écueils du déjà vu pour accéder à un véritable univers fantastique. Sur les pointes, dans une écriture cataloguée de "néo classique" à défaut de savoir ce que ce terme signifie véritablement. Une histoire, une narration, des personnages et une musique riche de son fougueux romantisme: Tchaikovski et sa "Symphonie Pathétique". De quoi justement éviter l'illustration, le mime ou de copier une narration de ballet classique à thème et à livret traditionnel!
Pari gagné pour un enchantement, tantôt lyrique, tantôt baroque avec quelques références au baroque et à la belle et basse danse. Des costumes couleur "soleil" d'or et de scintillement, des ornements de dentelles, des robes longues, des pourpoints savants. Du graphisme comme des dessins de tatouages sur les peaux, anatomie animale, discrète mais efficace, évoquant le filtre des visions du fantastique où tout est possible.Un régal pour l’œil et pour la pensée, une fable où se côtoient tragédie, fantaisie, suspens et romantisme.


Les danseurs, aguerris à une écriture savante, délicate, s'emparent très justement de ces héros légers, plaisants, séduisants. Les rideaux de scène jouent à cache cache avec les protagonistes, dévoilent, enroulent ou dissimulent les corps, modifient les séquences et au final inondent de leur or le décor rutilant, scintillant
Orpailleur du ballet, Malandain propose ici un divertissement magnifique, un temps où la rêverie prend le relais sur le réflexif pour mieux naviguer dans un univers très cinématographique où s’enchaînent les plans et les fondus au noir. L'immense scène de l'auditorium de la Cité Internationale comme un écrin pour accueillir l'ampleur et l'envergure d'un monde féerique, large, ouvert vers les cieux de l'imaginaire fécond du chorégraphe.
La Biennale de la Danse de Lyon s'offre un bal de dorures et de merveilleux, temps de pause et de songes salvateur