vendredi 28 octobre 2016

"Volver": Gallotta fait d'Olivia Ruiz, un corps revolver !


Il fallait bien qu'ils se "rencontrent" un jour, après les péripéties "Rock" de Gallotta, le voici aux prises avec la chanson d'Olivia Ruiz, celle qui traine les pieds à la sortie de l'école et qui danse comme elle chante, fort bien, fort "juste"
Sur un texte de Claude Henri Buffard, voici la vie et les aventures amoureuses d'Olivia et de Rafael, contées sur fonds de danse, d'unisson à corps perdus. C'est beau et émouvant de voir la chanteuse se fondre dans le groupe, quasi identique aux autres danseurs, tant sa technique est pointue, agile, naturelle: une femme qui danse et chante: quelle performance et quel naturel !
Danseuse de toute sa peau, de toute sa voix, la voici sur la bonne voie, celle qu fait transpirer les corps, s'émouvoir les gestes entre de bonnes mains : celle d'un Gallotta galvanisé par la musique, les paroles et la trame narrative d'un spectacle en forme de douce et tendre comédie musicale sans fards, ni paillettes, ni strass, ni décors clinquants; "retour aux sources" de la danse pour Olivia, retour à des amours de musique plus légères pour Jean Claude et le tour est joué!
Amour sorcier entre les protagonistes pour un show sans histoire, qui s'écoule joyeusement
Elle danse, puis dans un instant de grâce absolu, son corps se "tait" pour interpréter "j'traine des pieds" où la femme Chocolat est doublée par un duo de danseurs magnétiques!

Au Théâtre National de la Danse à Paris du 6 au 21 Octobre

Tino Sehgal au Palais de Tokyo: révolution de Palais? Carte blanche, sur table !


Le Palais de Tokyo présente une exposition conçue par Tino Sehgal (né en Grande-Bretagne en 1976, vit à Berlin), deuxième édition d’une série de « cartes blanches » – ces gestes d’artistes investissant la totalité des 13 000 m² de surface d’exposition du Palais de Tokyo – initiée par Philippe Parreno en 2013. Pour cette exposition, qui a pour principale matière l’humain dans un Palais de Tokyo métamorphosé, Tino Sehgal présente ses œuvres aux côtés de celles d’artistes qu’il a choisi d’inviter : Daniel Buren, James Coleman, Félix González-Torres, Pierre Huyghe, Isabel Lewis et Philippe Parreno.

Alors, quoi de neuf pour cette méga performance de 12 h à 20 h au cœur du Palais, vidé de toutes œuvres ou installations, coque évidée où seuls les corps des 300 danseurs (en alternance) et spectateurs vont "errer", déambuler ou foncer à bras le corps dans les diverses propositions initiées dès l'entrée, derrière un rideau de perles transparentes ...Qu'est-ce qu'une énigme? Première question du parcours à laquelle vous répondrez comme il vous semblera: une devinette, un rébus, une quête initiatique semée d'embûche, une question à résoudre?
Seul juge et maître de votre "exposition" à la verticale, à l'horizontale, plongé dans des espaces immenses, parsemés de rencontres, de frottements, de discutions, le "visiteur" n'est jamais pris en otage, reste vigilant, inventif, garde son répondant et sa verve. Il peut interagir, regarder, flâner, s'ennuyer, tout sauf consulter des œuvres sur cimaises ou installées in situ.


Car le corps politique et poétique de cette "manifestation" singulière est convoqué pour réagir et garder son libre arbitre. Alors, bon voyage au pays des surprises avec un Tino Sehgal aguérri aux pratiques ubuesques, dantesques, qui n'a peur de rien, surtout pas d'affronter le réel et le lien, humain, social, artistique, véritable enjeu de ses créations au fil des nombreuses interventions en milieu muséal, renouant avec les pionniers "modernes" comme le Dupuy ou Trisha Brown ou les actuels trubloions de la danse. Boris Charmatz au Louvre en même temps investit la Cour Carrée du Louvre pour redéfinir l'espace muséal, l'oeuvre d'art et notre façon de "regarder" sans être assujetti au choix des autres sur les oeuvres consacrées par un pouvoir politique, artistique de "commisaire" ou curateurs despotes de la finance et du marché de l'art.
Retour à l'Agora, à l'échange, dans la nef désacralisée des cathédrales d'aujourd'hui: les musées d'art contemporain!

Boris Charmatz: le Musée de la Danse dans le Grand Louvre: la coupe au "Carrée"!


Qui a peur du Grand Louvre? Surement pas  l'auteur de "Je suis une école de Danse" ou d'un adorable flip book chorégraphique "Etude révolutionnaire, Isadora Duncan, extrait de 12 secondes 1921" !
Alors notre gardien de musée hors norme se jette dans la bataille, lance les corps des danseurs dans l'arène de la Cour Carrée du Louvre, le "Grand Musée" par excellence sans pour autant y faire des pyramides de corps acrobatiques et circassiens! Ce sera "Danse de nuit" dans le cadre du Festival d'Automne à Paris en coproduction avec le Théâtre de la Ville.
Il est 19 H 30, la nuit tombe, le froid s'installe dans l'immense Cour Carrée où l'on sait d'ores et déjà que l'on ne va pas tourner en rond ni danser la routine avec notre agité du "Bocal", chorégraphe, agitateur et trublion de la scène chorégraphique actuelle. Ils sont six danseurs à venir s'interposer de gré ou de force parmi les "spectateurs"debout, à la verticale durant 50 minutes environ pour projeter à leur corps défendant les plus belles paroles, les gestes les plus sobres et forts, concernant une certaine mémoire des événements de Charlie Hebdo et d'autres faits d'actualité.


Si le politique est le "collectif et le vivre ensemble", alors les pérégrinations, évolutions, circonvolutions, errances ou déambulations des auteurs de cette "farce" sérieuse, sont de "la danse de Cour" de la belle ou basse danse qui émeut, frappe et soulève nos corps comme nos cœurs.
Sur les pavés, la danse une fois de plus,conte, fait le récit de ce qui ne se dit pas, ce qui se voit et se regarde dans la fulgurance des corps projetés dans l'espace, parmi nous, se frayant chemin et passage sans heurt ni violence mais dans une grâce qui n'a d'équivalent que l'éphémère de l'instant qui passe.
L'espace public pour ces "fous de danse" est une agora fertile, un lieu de "cum panis", compagnonnage où le pain est rompu en bonne compagnie où l'échange est subtil, imperceptible, jamais forcé Tout en nuance dans la fragilité de la vitesse et de la rémanence de ses couleurs choc des vêtements dont les danseurs sont habillés, habités.Des hommes sandwichs éclairent les situations, guident à contre courant les pas des "visiteurs" du soir.  Solos, duos, mouvements groupés se jouent parmi les spectateurs, guidés ou lâchés dans l'espace En déshérence ou captés, captivés par les annonces, les clins d’œils qui affectent les esprits ce soir là. Du "live" , du "direct", construits, sensés, réfléchis sur le monde en "marche" qui avance comme la danse.Accélérateur de particules fines Charmatz opère comme un chirurgien de l'urgence, au fil d'une opération à cœur ouvert où la sève comme le sang coule pour irriguer le terreau de la matière dansée. Fulgurante, en éruption toujours dans le silence de la Cour ou le bruissements des mots
L'une raconte, éructe du texte, drôle, captivant, moqueur et caricatural sur les célébrités de ce monde du spectacle ou du cinéma, sur les morts-gisants de Charlie: très belle fresque vivante en "hommage" aux sacrifiés de la bêtise et de la barbarie, de l'idiotie : les corps allongés de ceux qui dansent à perte dans la dépense totale dont nous sommes les flambeaux, témoins de la haine et de ses conséquences, ses incidences.
"Danse de nuit", c'est la sobriété, le "soulèvement" dont parle Georges Didi- Huberman, non loin de là dans son exposition au titre éponyme au Jeu de Paume, aux Tuileries où tous les mots et leur syntaxe chorégraphique sonnent un même appel à se lever, se dresser à se tenir debout.
Pudique ou impudique, il demeure indisciplinaire , ce "spectacle" qui n'en est pas un, où la danse"ouvre sa gueule" et soulève les corps pour leur rendre tout leur poids, leur impact, leur force de décision.
Leur direction incisive et salvatrice . Oui, le Musée de la Danse ouvre ses portes et laisse déferler son courant tonitruant, grave et léger de salves rebondissantes. Dehors, la danse !

"Danse de nuit" dans le cadre du festival d'automne paris.