samedi 19 novembre 2016

"Rêves d'automne": un spectacle de saison ! Fosse commune.Fausse tristesse, bonjour !

A PROPOS DE 
"Rêve d'automne raconte la rencontre d'un homme et d'une femme dans un cimetière un jour d'automne. Qu'est-ce qui existe ou a existé entre ces deux êtres ? Le temps et la durée semblent se détacher de la réalité, dans cette pièce de l'auteur norvégien Jon Fosse où se côtoient l'amour, le désir et la mort.
Plusieurs espaces-temps dans la réalité d'un lieu simple
Un homme seul est assis sur un banc dans un cimetière sous une pluie d'automne. Une femme le rejoint. Ils se trouvent, ou se retrouvent, se parlent, s'enlacent, évoquent un passé commun. Autour d'eux apparaissent sa mère, son père et son ex-femme, tous en deuils ; ils semblent s'apprêter à enterrer leurs morts. Le temps s'accélère puis se suspend... Cet homme, autour de qui tous les regards et les propos convergent, est-il dans le passé ou dans le présent, dans le réel ou dans les mémoires ?"
Mise en scène par Olivier Chapelet pour la compagnie OC et CO (après celle de Chéreau pour Le Louvre en 2011)


Un re- sentiment de la vie, des membres fantômes à tous les âges de la vie.

Un cimetière, une allée mouillée, humide, à peine éclairée, rasant, des tombes dessinées au sol, bien alignées, un petit monticule de terre.... Sur le plateau, un homme assis, à peine ému par quelques hochements de tête. Solitude, recueillement? Il sera vite troublé par l'apparition inattendue d'une jeune femme: spectre ou réelle effigie d'une amante retrouvée? Tout semblerait le faire croire, car dans cette fiction théâtralisée, tout est leurre, et l'on naviguera à vue dans un léger brouillard troublant, opaque dans les sentiments de deux amants qui se retrouvent pour l’enterrement de la grand-mère. Personnage invisible mais qui va manipuler par sa mémoire réactivée, toute cette petite population cupide venue lui rendre un dernier hommage

Songe d'un jour d'automne
Les souvenirs réapparaissent, chahutent les temps de la durée , les ordres des strates et couches successives des événements: du désordre s'installe dans la préhension du texte, la situation des personnages, mais peu importe, le jeu est là pour nous conduire (comme les didascalies du texte) au but. Que chacun se dévoile malgré les glissements de sens, les quiproquos ou entrelacs d'actions qui se chevauchent. Onirique, l'atmosphère de ce cimetière où revivent les souvenirs, où le désir s'empare à nouveau des amants d'autrefois. Eros et Thanatos veillent avec délice dans le terreau retourné du passé .Le jeu des comédiens, juste et sobre, nous guide ou nous envoie cherche d'autres pistes de compréhension, à la mesure du laisser aller que l'on voudra bien s'offrir, à l'écoute de beaux dialogues: lâcher prise et se donner au cum panis du moment théâtral, en empathie avec des destins que la mort va faucher sans vergogne. Brume, rideau tendu à travers lequel il nous faudra deviner, explorer les âmes dans cette composition, partition musicale , bordée du paysage sonore de Olivier Fuchs. La mise en scène d'Olivier Chapelet révèle chacun des rôles: Jean Lorrain, grand corps du père aux cheveux de cendre blanche, la mère embarrassée de sa couronne mortuaire, la femme, belle et sobre Aude Koegler, l'homme, Fred Cacheux, séduisant dandy paumé....
Jon Fosse qui se réclamait d'un théâtre qui fait rire et pleurer se serait reconnu dans cette mise en espace mélancolique, sombre et pourtant porteuse d'une mémoire: celle des membres fantômes d'une sagrada familia toujours en construction !
Aux TAPS Scala jusqu'au 2O Novembre 17 H
la vie de munch


vendredi 18 novembre 2016

"Polina, danser sa vie" de Angelin Preljocaj: trouver sa voix, son poids, son centre !


On l'a déjà connu réalisateur de courts métrages (Un trait d'union- Annonciation) ce chorégraphe pétri de transversalité artistique et de pratiques gestuelles orientées vers l'Orient ou la peinture! Le voici co-réalisateur avec Valérie Muller d'un long métrage inspiré de la bande dessinée au titre éponyme "Polina" de Bastien Vives!Un film qui puise son argument dans la linéarité de la bande dessinée, puis peu à peu s'en détache pour filmer la danse sans plus aucun "pré-texte" !
L'histoire est simple, intime, très proche d'un univers implacable, celui de l'apprentissage de la danse classique en Russie: Polina, toute jeune élève, puis adolescente en fera la dure expérience dans l'abnégation, le silence et l'acceptation de l'humiliation. Son maître, campé par un parfait maestro, Aleksei Gennadyevich Guskov parfois humain, parfois saboteur de rêves, se retrouve dans la BD: attitudes, postures et poses emblématiques chez Vives. Plan en plongée d'une danseuse exécutant Paquita, comme une photographie de Degas...Beaucoup de références plastiques dans ce film où l'image est principale et seule objet de contemplation: images animées, kinésiologiques, pleines de la danse d'Angelin, plus que de l'histoire de cette jeune fille: elle est "la danse" et le deviendra réellement au contact de la vie d'aujourd'hui, de son observation, de son engagement physique à l'affronter.Voir le duo de"Blanche Neige", version contemporaine la bouleverse et elle bascule dans un autre univers dansant qui trouble ses repères classiques: un beau sujet de réflexion pour tous les interprètes formés à une technique qui souhaitent ouvrir leur pensée et univers de danseur d'aujourd'hui !La narration, ici limpide offre un parcours évolutif à Polina qui s'interroge sur la pratique et les fondements de son art.La danseuse Anastasia Shevtsova est une merveilleuse actrice, pleine de nuances et de sensibilité. Son choix de s'exiler pour rencontrer une autre danse, celle en l’occurrence d'Angelin Preljocaj est juste et courageux. C'est Juliette Binoche qui sera son mentor à Aix (dans le fabuleux Pavillon Noir) où se déroulent quelques belles scènes à travers l'exosquelette de Ricciotti !Danseuse contemporaine prônant le poids et la sincérité des gestes vécus, issus de la vie, elle est convaincante, femme qui danse (on se souvient de son spectacle "In I" avec Akram Khan) pour de bon! Polina se frotte à la vie, danse sur les quais- merveilleuse séquence d'amour, de liberté et de danse- apprend la vie en partant à Anvers où tout se joue pour elle: rencontres, découverte de soi et de sa danse. C'est beau et bien "écrit", réalisé avec un scénario images et des mouvements de caméra épousant la danse, la précédant, l'accompagnant sans briser ou découper l'énergie. Un fort beau plan rapproché sur les chaussons pointes de Polina, comme deux sabots de cheval tempétueux, agacé, piétinant,impatient. Oui, Polina trouve sa voie, son chemin et de son accent russe, on retient la musicalité, la douceur et la tonicité: sa voix aussi a changé de langue, a muté pour se reconstruire tout en gardant ses racines! Comme sa danse, classique jusqu'au bout du souffle, de l'énergie et de la grâce: c'est aussi cela la danse contemporaine ! De plus son petit côté Sylvie Guillem, virtuose et extra souple est fascinant!
Du bel ouvrage pour Angelin Preljocaj, aussi dans les choix musicaux et les créations originales du collectif  79 D. A voir pour l'immense leçon du dernier duo : sensualité, liberté de la danse d'Angelin Preljocaj  si fluide et inspirée?moulée  dans ses si beaux costumes outre noir  de Alaia...





Russie, dans les années 90. Portée depuis l'enfance par la rigueur et l'exigence du professeur Bojinski, Polina est une danseuse classique prometteuse. Alors qu'elle s'apprête à intégrer le prestigieux ballet du Bolchoï, elle assiste à un spectacle de danse contemporaine qui la bouleverse profondément. C'est un choc artistique qui fait vaciller tout ce en quoi elle croyait. Elle décide de tout quitter et rejoint Aix-en-Provence pour travailler avec la talentueuse chorégraphe Liria Elsaj et tenter de trouver sa propre voie.



Du ballet !