dimanche 24 septembre 2017

Le concert du "Gürzenich-Orchester Köln": place à l'Orchestre !


C’est avec le Gürzenich-Orchester Köln, dont il assure depuis 2015 la direction artistique, que François-Xavier Roth revient cette année à Musica ; il y donne la création française de Ring(2016), premier volet de la trilogie composée par Philippe Manoury à l’occasion de sa résidence à Cologne. 

Créé en 1898 par ce même orchestre, le Don Quichotte de Richard Strauss est ici repris avec l’altiste Nathan Braude, 2e prix à 20 ans du concours Johannes Brahms de Pörtschach, et le violoncelliste Edgar Moreau, 2e Prix à 17 ans du Concours Tchaïkovski de Moscou. 

Une orchestration flamboyante de Philippe Manoury permet, enfin, de (re)découvrir Rêve, œuvre méconnue du jeune Debussy.

Le mot vient du grec « orkhêstra » qui désigne dans le théâtre antique la partie de la scène réservée au chœur. Le mot « orkhêstra » lui-même vient de « orkheisthai » : danser. Au fil du temps, les musiciens ont remplacé les choristes, et ces ensembles de musiciens ont pris le nom d'orchestre.
Alors, place à l'orchestre, majestueux, disposé en six terrasses promontoires à l'intérieur de la grande salle Erasme du PMC de Strasbourg
C'est à Philippe Manoury et à son "Ring" de démarrer la cérémonie; les interprètes sont déjà parmi le public, avant même le démarrage officiel des hostilités!
On est immergé dans la musique, happé par les touches et masses sonores qui se font jour dans cette salle immense, creuset du concert, nid d'accueil d'un phénomène tsunami de la création musicale symphonique contemporaine: un grand moment s'annonce!
Et ce ne sera pas une déception, loin de là: l'orchestre semble jubiler face à la gageure de taille et ce "Ring", anneau de toutes les audaces se révélera l'arène maudite du risque et du tumulte, de l'audace mais aussi de la douceur et de la sensibilité des intentions du compositeur
Manoury, en Majesté règne royalement sur son oeuvre, pour "grand orchestre spatialisé"
dans ce "ring", premier volet du triptyque  "Trilogie Köln", composé à l'occasion de sa résidence à Cologne.
C'est le chef François Xavier Roth qui dirige de main de maître l'oeuvre maîtresse: il faut l'observer, bondissant, vibrant de tout son corps investi athlétiquement dans le bon cours et déroulement du concert; les musiciens interprètes, complices et investis de la même manière. Une oeuvre géante, gigantesque, gargantuesque aux sonorités majestueuses, pleine de surprises et de décalages.
Succèdent pour ce programme de taille, deux oeuvres de référence, Debussy et son "Rêve", orchestré par Philippe Manoury et le "Don Quichotte" de Richard Strauss, poème symphonique pour violoncelle, merveilleusement interprété par le tout jeune et touchant  Edgar Moreau.
Une "soirée d'ouverture officielle" du festival, honorée par "un pot" convivial où habituées et nouveaux venus devisaient joyeusement; une knack party bienvenue!

"La passion selon Sade": un parfum de scandale et d'ob-scène: par le trou du rideau!


Près de cinquante ans séparent la création de cette pièce emblématique des
 années 1960, de sa reprise augmentée et mise en scène par Antoine Gindt. Inspiré de Justine et Histoire de Juliette de Sade, et d’un sonnet de Louise Labé, l’ouvrage est brillamment servi par les forces vives de l’Ensemble Multilatérales, dirigées par Léo Warynski. Une nouvelle production, marquée par la performance de Raquel Camarinha en Juliette-Justine qui marche dans les pas de la créatrice du rôle Cathy Berberian.

"Mystère de chambre avec tableaux vivants" de Sylvano Bussotti, c'est dèjà tout dire du "genre" ou de la forme de ce spectacle donné à la Cité de la Musique et de la Danse dans le cadre du festival Musica 2017



Une pièce de choix, une passion très "légère", celle du corps, de l'amour libertin, mais aussi de la douleur et de la souffrance de l'esclavage du fétichisme, de l'érotisme: passion des fruits défendus, passion pour la chair et le sexe: une "religion" très civique "introduite" par un discours aux résonances politiques: un homme face au public informe et suggère une attitude citoyen face à la vie durable, pas là vie de l'au delà, surtout pas!
Leçon de bonne morale pour débuter ce spectacle très construit, très réfléchi sur le personnage du Marquis autant que celui de Justine.Portraits sulfureux à souhait, éloge du pouvoir sexuel, de la domination fantasmagorique, mais aussi révolte de la femme esclave des désirs de l'autre.
Par "le trou de serrure" ou le verrou, on assiste au chant de ce cygne fragile, Léda très touchante incarnée par la soprano Raquel Camarinha, belle et très attirante Justine-Juliette face à son bourreau, le comédien Eric Houzelot: fameux politicien dans son discours d'ouverture"Français, encore un effort", fameux mâle éperdu de plaisir dans sa nudité loufoque face à sa muse qui s'en amuse!
Les musiciens dissimulés derrière un rideau, apparaissent et disparaissent comme dans les musées où les tableaux "interdits" sont dissimulés par de petits voiles tendus de théâtre que l'on ose ou pas soulever sous peine d'être taxés de voyeur
"Ob-scène", derrière la scène, c'est la musique qui suinte et se répand, suave, érotique touche musicale, enrobant les gestes, postures et attitudes suggestives des deux héros de cette fable interdite.
Le chant de la femme qui débute par les respirations accélérées d'un orgasme feint, va se déployant dans de superbes aigus: robe rouge à l'appui, seyante pour un corps modelé parfaitement. "
Antoine Gindt, metteur en scène de cet épisode sadien croustillant nous livre une vision quelque peu pathétique du Marquis; la musique de Bussoti, très "organique" au début, se révèle magnétique et sensitive, accompagnant évolutions et attitudes langoureuses avec bonheur.
Opéra de chambre ou de "boudoir", très Baudelairien, ce spectacle, court et coup de poing se termine par le "Blute nur, du liebes Herz", passion oblige: le discours d'introduction est bien lointain qui chantait et vantait dans"la sonata erotica" de Schulhoff, le règne du plaisir de vivre sa chair d'homme et de femme.



samedi 23 septembre 2017

Jeunes talents, compositeurs à Musica: belle récolte, moisson abondante !


Le premier concert de la série "jeunes talents"
Le Festival Musica s’engage de longue date aux côtés des jeunes compositeurs, à l’insertion professionnelle desquels il veut activement contribuer ; ce concert est, pour cette raison, entièrement consacré à la promotion des étudiants de Daniel D’Adamo (composition) de l’Académie supérieure de musique de Strasbourg / HEAR. Placé sous la direction musicale d’Armand Angster, ce concert a  permis ainsi de découvrir, en création mondiale, les œuvres de quatre jeunes artistes : Daphné Hejebri (la benjamine, née en 1994), Clara Olivares (1993), Étienne Haan (1992) et Loïc Le Roux (1990)

Par un beau Samedi en matinale à la Salle de la Bourse, résonnent les œuvres de jeunes compositeurs, interprétées par leurs confrères instrumentistes du Conservatoire: édifice fragile et courageux, pétri de conviction et donc la "solidité" s'avère la griffe ou la marque principale. Un "apprentissage" au sommet pour un idéal très concrète: jouer, composer la "musique de leur temps" confie le directeur Vincent Dubois, aux commandes de ce vaisseaux majestueux en bordure du Port , esplanade André Malraux.
C'est aux entremets de Clara Olivares, d'ouvrir le festin: "Aux nouveaux nés", trois pièces courtes qui égrènent le concert, trois mouvements, entre les mets, plats de résistance de trois autres compositeurs: des solos de clarinettes, de la plus grave à la plus aiguë, pour "agrémenter" les couleurs musicales de ce récital.De quoi évaluer et apprécier toute une gamme de tonalités en apéritif pétillant, spumante, vif , incisif. Noelia Carrera Carrera s'y glisse subtilement, en virtuose et sage interprète, proche de l'esprit scintillant de ces mouvements "mouvementés", petits et grands "bougés" musicaux.
"Phantasmagoria" succède à la première touche sonore du concert, d'affilé sans transition avec bonheur.
Daphné Hejebri, l'auteure y mêle harpe, piano, contrebasse et accordéon, cordes et vents, percussion et xylophone pour une osmose aboutie. Le souffle ne manque pas à cet opus, scintillant, fait d'envolées contenues, de contrastes et d'accalmies après des périodes de grand tumulte: une météorologie pleine d'atmosphère singulière, de sons en nuages étirés, stratus de l'accordéon, cumulus des vents et pluie des cordes: sécheresse aussi de la harpe qui délivre un bain de jouvence en brume matinales. Un paysage sonore visuel et sensuel très prometteur de bonnes ondées!Et quelques silences et interruptions du son, morcelé ou tenu pour suspens orageux.
"Impulse" de Loic Le Roux comme un joyeux gazouillis de harpe et piano en touches multicolores résonne sous la houlette magique du maître de ballet Armand Angster, danseur de la rythmique, chef d'orchestre sans baguette aux mouvements harmonieux, précis et chorégraphiques: de dos, on apprécie la complicité avec les interprètes aux aguets de ses signes graphiques dans l'espace sonore!
"De coups et d'éclats" de Etienne Haan décline le concept de choc, de frappe, d'éclats qu'il glisse dans sa composition en multiples facettes, impacts, brisures et fragments: de franches ponctuations pour cette oeuvre , cordes pincées, percussions caressées, vent embouché. Versatiles et fébriles mouvements d'un opus singulier et pétillant.