jeudi 9 novembre 2017

"Nathan!?": tolet sur l'errance! "Etre ou ne pas être Ami" !


"D'après les textes Nathan le sage de Gotthold Ephraim Lessing et Crassier/Bataclan de Elfriede Jelinek - Mise en scène et adaptation de Nicolas Stemann - Avec Lorry Hardel, Lara Khattabi, Mounir Margoum, Serge Martin, Elios Noel, Véronique Nordey, Laurent Papot et Lamya Regragui . 
Le metteur en scène allemand, Nicolas Stemann, confronte le chef-d’oeuvre de Lessing, éloge classique de la tolérance religieuse, à des textes d’Elfriede Jelinek sur la violence contemporaine et les réactions européennes suite aux attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher et du Bataclan. Mis côte à côte, entremêlés, le texte de Lessing et ceux de Jelinek s’éclairent et se critiquent les uns les autres, donnant à entendre les paradoxes de notre époque sur la tolérance, l’intégration, l’idéalisme et l’héritage européen des Lumières. La tolérance idéalisée est-elle une réponse à l’intolérance."

"Intolérance" ou "tolérance": voilà les maîtres mots de ce conte moderne, inspiré d'un théâtre à la Molière où les rebondissements et coups de théâtre ne vont pas manquer!
Comment "coexister" dans la jungle des différences, des appartenances, sans se nuire, s'ignorer, mais en se considérant, se respectant en "acceptant" que ce qui fonde tout c'est l'être humain, son cœur, son corps, son âme et pas son "appartenance" à une quelconque religion, un parti, un peuple. Sans pour autant perdre son altérité, son identité.
Leçon, message que porte à bout de bras cette joyeuse tribu romanesque, picaresque: huit comédiens sur le plateau où se dressent instruments de musique dissimulés en tas de kalachnikovs, autel de prières illuminé, kitsch et joyeux....Entre texte de référence et morceaux choisis ajoutés, "batalan" et "crassier", l'intrigue va bon train, menée en rythme soutenu par les comédiens, jeunes, crédibles dans chacun de leur rôle, à tour de rôle, cynique, justes, convaincants quant aux propos toujours sur la corde raide des aveux sous-jacents de racisme et d'intolérance 
Des marionnettes à l’effigie de personnalités politiques du terrain, des images vidéo retransmises en direct agrémente la mise en scène ingénieuse et ludique de cette pièce atypique en diable, inclassable pamphlet sur l'humaine condition et sa bêtise!
Un peu de distance incarnée par ce mégaphone tout blanc, virginal, celui qui porte la paix et la parole de chacun: comme un astre dans les cieux, lune ou soleil levant: derrière le rideau, derrière des pupitres les récitants expriment révolte, bon sens ou colère.
Cet opus dédié à Nathan, à son mythe et sa légende touche les cordes sensibles de l'actualité: quand les portables filment les agissements de terroristes dans le hall du théâtre, on y croirait presque...
Cagoules et menaces pour cet anniversaire (13 Novembre approche) pour nous rappeler aussi que le sujet du terrorisme dans les arts vivants, ceux du spectacle a toujours été présent: pour dénoncer la barbarie, se l'approprier pour mieux la maîtriser:
Allez tous voir "Nathan!?": il ne vous n'attendra pas, si vous n'allez pas à lui, discuter, et remuer ce qui nous émeut: vivre ensemble !
Au TNS jusqu'au 17 Novembre

mardi 7 novembre 2017

"Béjart le démiurge"


C'est l'un des plus célèbres chorégraphes du monde. Qui se cachait vraiment derrière ce fameux barbu aux grands yeux bleus, qui créa Boléro, Le Sacre du printemps, L'Oiseau de feu, et plus de trois cents autres ballets au sein de son Ballet du XXe siècle puis du Béjart Ballet Lausanne ?Ariane Dollfus nous raconte ce créateur infatigable, homme très érudit, fils aimé d'un père philosophe, courtisé mais très ascète, zen et obstiné, qui voulait dire son ressenti du monde en mettant la danse, ses danseurs et son public aux prises avec la modernité. En s'appuyant sur de nombreux entretiens inédits, avec Béjart comme avec ses proches, elle dévoile les coulisses de la création, mais aussi la personnalité ambivalente de Maurice Béjart, médiatique et humble, aimant et distant, généreux et exigeant.

"Chotto Desh" de Akram Khan/ Sue Buckmaster: call boy !


"Avec Chotto Desh, version jeune public de son spectacle en solo Desh (« terre natale »), Akram Khan tourne les pages d’un conte initiatique plein de suspense et d’images fortes. Entre retour au pays, le Bangladesh – dont ses parents étaient originaires, avant d’émigrer à Londres en 1971 – et construction de soi, ce spectacle profond et suggestif, aux motifs universels, interprété par un danseur de la compagnie, profite d’un traitement visuel sophistiqué du designer Tim Yip. "   


C'est avec un extrême bonheur que l'on retrouve et rencontre le style, la gestuelle et l'imaginaire de Akram Khan dans ce solo revisité par un "clone", alter-ego,semblable et stupéfiant de ressemblance, en alternance les danseurs Dennis Alamanos ou Nicolas Ricchini...
Les aventures rocambolesques et chevaleresques d'un jeune héros, épris de mouvement, d'agilité, de fragilité et d'inventivité sont truculentes, poétiques et politiques. Car le contexte est "social" et se greffe sur une réalité cruelle et cynique: un call-center interroge un être vivant et le guide, le manipule de son pays lointain, non identifié: ce sera la quête sans fin de ce jeune personnage confronté à une réalité économique (la délocalisation abusive et lucrative du travail ), l'exil, l'identité culturelle et l'altérité
Des sujets de fond qui animent le propos chorégraphique et plastique de Akram Khan.
Une histoire "vraie" brodée de poésie gestuelle, de bonds et de rebonds, de tours et de détours, vifs, sensibles, animés par cette image de marque chère au chorégraphe: virtuosité tonique, sauts et surprises rythmiques incongrue qui sèment un joyeux désordre visuel, prolixe et bénéfique.
Les images vidéos, comme des découpages suisses ou un théâtre de papier découpé, ou d'ombres portées, sont le berceau de rêves et de fantasmes magnifiques.


Un masque dessiné sur le front suffit à engendrer un être hybride singulier, fascinant et nous voilà dans le monde d'un mime dansant gracieux, agile, souple et félin à souhait, drôle et attachant!
Une chaise sur-dimensionnée lui offre un piédestal , socle de bien des attitudes, poses et déposes, bienvenu pour gestes périlleux, circassiens et plein de risques mesurés.

De quoi s'évader et faire une navigation "exotique" extra-ordinaire et hypnotique au pays de la danse magnétique de ce jeune homme à la recherche autant de ses racines que d'un monde à réinventer!

Au Théâtre des Abbesses du 24 Octobre au 4 Novembre.