samedi 25 novembre 2017

"Les Bas-fonds": le bal des pendus, mis en bière!




Texte de Maxime Gorki - Adaptation et mise en scène Éric Lacascade - Avec Pénélope Avril, Leslie Bernard, Jérôme Bidaux, Mohamed Bouadla, Laure Catherin, Arnaud Chéron, Arnaud Churin, Murielle Colvez, Christophe Grégoire, Alain d’Haeyer, Stéphane E. Jais, Éric Lacascade, Christelle Legroux...
En 1902, Maxime Gorki écrit Les Bas-fonds, première pièce de l'auteur dont les héros sont des exclus et des marginaux. Entassés dans un local aménagé par un loueur sans scrupules, des femmes et des hommes dans la plus grande précarité tentent de survivre, rebuts d’une société malade dans la Russie prérévolutionnaire. Avec sa troupe d’acteurs fidèles et de jeunes comédiens issus de l’école du Théâtre national de Bretagne, Éric Lacascade porte les élans, les tensions, les conflits et les passions qui secouent cette communauté. Dos au mur, comment vivre ?
Comme une horde de paumés, de reclus, d'exclus, de parias...Cette micro société dans sa loge de pension de bas de gamme, foyer pour sans-abris de nos jours, se joue de toutes les atrocités des sentiments humains le plus veules, les plus bas. Le fond, ils le touchent sans cesse, ces personnages hauts en couleur qui façonnent un univers gris-bleu, un espace huis- clos où se déroulent justice et hargne, beuveries et amours impossibles. L' "Ancien", le doyen, l'étranger vagabond est encore sage et censé, humain et s’apitoie sur le sort d'une consœur malade, mourante dont l'époux se moque éperdument. Une petite note d'humanité dans ce cercle d' horribles lascars. Les comédiens excellent dans ces rôles ingrats et bruts de décoffrage; les décors s'alignent dans cette morosité qui parfois s'anime, s'allume et vibre de tendresse ou de rage. Des lits de camp, de survie, alignés en rang serrés, accueillent les corps et dépouilles de ces sans- abris du cœur. La salle des pendus menace au-dessus d'eux, de ces oripeaux, peaux vides, enveloppes sans chair: des manteaux qui menacent de descendre et de les emporter comme dans un linceul.
Si la bière coule à flot, devient jeu et piste pour mieux glisser, s'enliser où chuter, c'est pour s'enivrer et oublier, sacrifier la vie à la mort, à l'euphorie artificielle. Le bar est ouvert pour une mise en bière sinistre et sordide.
Un paysage bouleversant de crudité, de nudité, à vif sans chichi ni fioriture pour décrire l'avidité, la cupidité de ceux qui souffrent.
Une ode malgré tout à l'amour que l'on cherche désespérément à travers des destins précaires d'abandonnés de la vie: une cour des miracles oppressante et hélas, trop d'actualité!
Au TNS jusqu'au 1 Décembre

vendredi 24 novembre 2017

"Live@ Home" 10: les percussions de Strasbourg, la "crème" fouettée par des baguettes magiques !


Une création "mondiale" signée Stéphane Magnin, "Whiplash", pour ouvrir le bal de cette dixième édition de "Live@Home"...

"Tout pourrait tenir en une seconde.
Un face à face radical, lumière/silence, son/obscurité, cacher/montrer …
Un temps contracté à lʼextrême dans un claquement suspendu.
Temps vertical de notre société où les ruptures, les éclatements, les clivages sont monnaie courante. De lʼapparente rigueur dʼune table de tribunal, à lʼapparente anarchie des sets de percussions, provocation des extrêmes, tensions, saturations, labyrinthe sonore qui sʼouvre sur des espaces musicaux inattendus, vivants et bruissants."

De quoi "fouetter" un chat !
Stéphane Magnin / Whiplash / 20' (2017)
Création mondiale 2017, commande des Percussions de Strasbourg/
Après un prologue scénographique fait d'arrêts sur image dans de très belles créations lumières, les musiciens s'animent: six interprètes, de noir vêtus vont s'adonner à donner corps, forme et vie à l'oeuvre du jeune compositeur.
Armés de tiges de saules ou de "bâtons" ou "fouets" de verges souples telles des rameaux d'osier, face à nous, immobiles, ils vont faire résonner, siffler, ces éoliennes sonores accompagnées d'une gestuelle chorégraphique, mise en scène subtiles des corps: une mécanique coupée au cordeau s'installe, les tiges cinglantes déchirent l'espace, on sabre les sons, on affole l'air et l'éther: pour seul partenaire!
De "l'arte povera" musical qui flagelle à cappella, l'univers, l'espace environnant. Des respirations de chacun ponctuent le rythme, les poses des visages, têtes et épaules animent les saynètes qui deviennent des sortes de tableaux religieux: la cène à six, pourquoi pas!
Sorte de kung fu musical, les sons des corps, résonnent comme lors d'une séance d'escrime, fendus en tierce...Les visages deviennent masques grimaçants, la rémanence des baguettes dans la vitesse transforme le visuel en esquisses fébriles de ventilation: le maniement de ces baguettes magiques de saule, "fouette", fait vibrer l'espace! Et fouette, coché !
Autant auditive que visuelle, la pièce s'égrènera par trois fois, trois couplets qui tissent trame et chaîne du concert
Les pièces s'imbriquent, dans une intrication savante, un puzzle bien réfléchi
Fait suite, l'oeuvre magistrale de Xénakis  « Peaux » et « Métaux », extraits de Pléiades / 24' (1979)
Un déferlement de bruit et de fureur pour un dispositif scénique impressionnant pour créer une atmosphère envoûtante, puissante à laquelle on échappe pas: l'empathie singulière de l'auditeur avec le miracle qui se déroule devant vous: l'animalité, la force, la rage en autant de salves musicales qui se dispersent et fusent!
Retour à "Whiplash" avec cette immobilité constante, les musiciens ancrés, dans leur assiette, les pieds comme socle fondateur d'équilibre. Des hoquets, des onomatopées sourdent des lèvres, des plaques de bois craquettent, résonnent comme des becs de cigognes, ancêtres des castagnettes. Frappements comme des zapateados, rythmés savamment, brèves incursions dans des univers sonores vifs, percutants, claquants! Comme une petite industrie mécanique bien lustrée, bien huilée, ça fouette le sang, la peau et toutes les surfaces susceptibles de résonance. Comme dans l'oeuvre suivante de 
Francesco Filidei / I funerali dell'anarchico Serantini / 11' (2006)
Une "musique de table" qui rappelle celle de Thierry de Mey pour le chorégraphe Wim Vandekeybus
Les interprètes alignés, à table, assis s'adonnent aux joies des percussions corporelles dans une joyeuse anarchie de scansions millimétrées.
Retour à Xénakis avec ses "Pléiades",avec cloches, dispositif en corolle pour des instruments fameux, les "sixxens" sons métalliques, cinglants, glaçants qui percutent, rebondissent, ricochent à l'envie.Un train d'enfer, une virtuosité magnétique à l'oeuvre!
Comme autant d'établis de métal grinçant où l'ouvrier artisan à l'oeuvre, sculpte l'espace musical. Une tempête, déflagration finale pour clorer en majesté de concert unique, "percutant" pour mieux aborder les mille et une facettes des "percussions" ici abordées dans leur plus simple appareil: le corps à vif, à nu, le médium de peaux, de tensions et détentes, dignes de la plus belle architecture de l'urgence: la peau tendue des abris post tsunami!

mercredi 22 novembre 2017

"Le parti d'en rire": Dac et Blanche....Dac ou pas Dac? Comment "blanchir" les textes !


Pour cette nouvelle édition des Mercredis du Brant on retrouve la compagnie Théâtre Lumière dans « LE PARTI D’EN RIRE » d’après Pierre Dac & Francis Blanche,
Mercredi 22 Novembre, à 20h, au Café Brant.

"Depuis 1949, date de leur première rencontre, Pierre Dac, chansonnier et écrivain surnommé le « Roi des Loufoques » et Francis Blanche, auteur, chanteur, humoriste populaire et figure emblématique de la scène et du cinéma des années 1950/60, ne se quittent plus. Ensemble, ces célèbres adeptes du non-sens et de la dérision vont faire le bonheur des auditeurs et téléspectateurs de la radio et télévision française et collaborent avec de grands noms de la scène française tels Jean Poiret, Roger Pierre, Jean-Marc Thibault ou encore un certain Raymond Devos.

Dans « Le Parti d’en Rire », Christophe Feltz et Luc Schillinger font entendre une sélection des meilleurs textes de nos deux compères. En passant de « Signé Furax » à « Malheur aux Barbus », sans oublier le fameux sketch du « Fakir », le « Schmilblick » et autres jeux, lettres, discours et réclames,  on découvre dans cette nouvelle lecture-spectacle les pensées et aphorismes incongrus, surprenants et désopilants de Pierre Dac & Francis Blanche."
Un duo hors du commun: les deux comédiens, se rencontrent, se cherchent et se trouvent dans cette diatribe burlesque consacrée à la découverte de deux auteurs, comiques sarcastiques: les loufoques, compères, loups et phoques en diable!
"Du peu que je mieux", "demandez" le programme, vous l'aurez!
Dans un rythme haletant, tonitruant de bateleur, vociférant et hurleur, chacun s'ingénie à doubler l'autre, le devancer ou le rattraper dans cette course folle au jeu de mots, calembours et autre vire-langue.
Sans cesse, ça rebondit, ricoche pour restituer la verve et l'humour de ces personnages multiples qui se démultiplient comme des petits pains, bénis!Des aphorismes en pagaille ne vous laissent pas le temps de souffler: c'est pas joué !
Une "société fantoche" dont le président est un despote éclairé, des "statues" (statuts) louches, des imbroglios de mots qui s'accumulent, s'annulent, des méli-mélos incessants, pour mieux "se planter" et rebondir!
Une saynète sur les "jeux", jouée à merveille, sur les "home-traîneurs"...Tout y passe à la moulinette de la dérision, de l'humour, en "pince sans rire": on en pince aussi pour eux, qui se rient des embûches et difficultés de la lecture jouée: à l'aise, les deux complices de toujours, frères de scène, bête de jeu.
Un sketch sur sa "Sérénité" indienne est d'un gout douteux ou d’hindou goûteux !
Tout sur le "slip Éminence grise", la "mise en boite", comble du fossoyeur, et l'affaire est dans le sac!
Bravo aux deux artistes, et si pas "Dac", alors la page "Blanche" est à revoir!
Pas de "parti pris" pour cette bonne surprise-party de rire!