dimanche 26 novembre 2017

Irving Penn: "Dancer"




samedi 25 novembre 2017

"Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan": Nobel et Noblesse de la danse!




Complicité et douce nostalgie : Lisbeth Gruwez, interprète d’exception, danse sur les musiques de Bob Dylan. C’est aussi simple et beau qu’une longue amitié. Le chanteur et poète américain a marqué une époque. Et la danse à son tour y apporte son écho silencieux naviguant entre paroles et mélodies.
«Bob Dylan vaut mieux qu’un long discours», a-t-on écrit. Et pourquoi pas une danse ? Ce n’est sans doute pas Lisbeth Gruwez, danseuse égérie du dramaturge Jan Fabre, qui viendra contredire cette proposition. Celle qui l’an dernier bouleversait le public par la puissance de ses gestes tranchant l’espace, s’abandonne à la fluidité sur les musiques de Bob Dylan. Accompagnée de Maarten Van Cauwenberghe choisissant un à un les titres du chanteur gravés sur de vieux vinyles, Lisbeth Gruwez privilégie le dialogue silencieux, intime, parfois jusqu’à l’unisson d’une écoute commune, de ces chansons des années 60, qu'elle a appris à aimer grâce à lui. Dans cette pièce d'une grande douceur, épurée jusqu’à la mélancolie, la danseuse délie ses gestes jusqu’à dévoiler l’éphémère beauté et la tendre alchimie des instants partagés.
Chansons de gestes
Elle apparaît, seule, frêle sur le plateau du studio de Pôle Sud. En chemise blanche, pantalon souple noir,pieds nus sur un tapis de danse luisant, reflétant son corps.Les mains sur le visage, masquant ses yeux, penchée, en avant, les gestes décomposés, secouée, sur des ressorts. Puis ondoyante à souhait, extatique, offerte, ouverte, déployée dans une harmonie singulière avec le chant et la musique de Dylan.Nonchalante promenade, balade sereine et gracieuse, déambulation dans l'espace qu'elle ouvre et crée à son gré. Chansons de gestes que ces superbes adaptations dansées d'une musique ou voix, guitare sèche et harmonica transportent ailleurs dans des contrées lointaines et nostalgiques.
Les morceaux s’enchaînent naturellement en grande complicité avec le DJ qui propose sur platine, les vrais vinyles qui craquent!Elle, désinvolte, maline coquine et discrète, primesautière, évolue en toute "liberté", sans illustrer le contenu des chansons, mais dans l'esprit du prix Nobel de la littérature: en toute animalité, libre, femme, indépendante: un manifeste ouvert sur la "féminité", sa condition, sa lisibilité, sa visibilité artistique.
"Mouiller sa chemise"
Des jeux avec sa chemise blanche, puis la voilà transformée en derviche tourneuse le temps d'une chanson répétitive,lancinante, enivrante et "soûlante" à souhait.De très beaux reflets de ses évolutions se dessinent au sol sur le revêtement .On songe aux reflets d'huile d'olive de son solo avec Jan Fabre. Une petite pause "bière" et ça repart en spirales enveloppées, un peu lascive et désemparée, décontractée, dans la lumière: reculades, sursauts hachés: elle semble volontaire, décidée, sur ses diagonales, à reculons, à rebrousse poil, puis implorante. Lisbeth Gruwez se joue d'un registre changeant, surprenant, d'une séquence à l'autre, jamais identique.De dos, sur un air de tube standard, elle tremble, frémit, s’agite, s'agenouille, se heurte au mur....Et quitte son deux pièces pour ne garder que sa chemise qui baille et dévoile ses jambes, sculptées par la lumière et le mouvement.Sur place, en répétitions acharnées, elle saute, rebondit, la chemise vole, en contrepoint d'une mélodie à la folle vélocité.Pugnace, déterminée, directe, sa danse est "en marche" et quelques sauts au final pour mieux marquer sa volonté.C'est à terre, au sol qu'elle sera traquée par une poursuite lumineuse, papillon pris au piège de lumière, qui sculpte son corps déployé.Des grands écarts dans la lenteur de l'harmonica et toute la sensualité et l'érotisme de ce jeu à l'horizontale dessinent désirs, fantasmes et rêveries. Et pour clore la soirée, un bis réjouissant contenant tous les secrets de fabrication de la gestuelle si colorée, riche en décalages, décadrages et autres fantaisies d'écriture chorégraphique et musicale!
Un dernier air country-folklore et la boucle est bouclée
Généreuse, elle offre au public de partager une petite dernière pour se mettre en route et le plateau se remplit joyeusement de danseurs,  pour "l'occasion" à ne pas rater! Partager avec nos deux compères des instants de complicité en bonne compagnie!
A Pole Sud jusqu'au 25 Novembre

"Les Bas-fonds": le bal des pendus, mis en bière!




Texte de Maxime Gorki - Adaptation et mise en scène Éric Lacascade - Avec Pénélope Avril, Leslie Bernard, Jérôme Bidaux, Mohamed Bouadla, Laure Catherin, Arnaud Chéron, Arnaud Churin, Murielle Colvez, Christophe Grégoire, Alain d’Haeyer, Stéphane E. Jais, Éric Lacascade, Christelle Legroux...
En 1902, Maxime Gorki écrit Les Bas-fonds, première pièce de l'auteur dont les héros sont des exclus et des marginaux. Entassés dans un local aménagé par un loueur sans scrupules, des femmes et des hommes dans la plus grande précarité tentent de survivre, rebuts d’une société malade dans la Russie prérévolutionnaire. Avec sa troupe d’acteurs fidèles et de jeunes comédiens issus de l’école du Théâtre national de Bretagne, Éric Lacascade porte les élans, les tensions, les conflits et les passions qui secouent cette communauté. Dos au mur, comment vivre ?
Comme une horde de paumés, de reclus, d'exclus, de parias...Cette micro société dans sa loge de pension de bas de gamme, foyer pour sans-abris de nos jours, se joue de toutes les atrocités des sentiments humains le plus veules, les plus bas. Le fond, ils le touchent sans cesse, ces personnages hauts en couleur qui façonnent un univers gris-bleu, un espace huis- clos où se déroulent justice et hargne, beuveries et amours impossibles. L' "Ancien", le doyen, l'étranger vagabond est encore sage et censé, humain et s’apitoie sur le sort d'une consœur malade, mourante dont l'époux se moque éperdument. Une petite note d'humanité dans ce cercle d' horribles lascars. Les comédiens excellent dans ces rôles ingrats et bruts de décoffrage; les décors s'alignent dans cette morosité qui parfois s'anime, s'allume et vibre de tendresse ou de rage. Des lits de camp, de survie, alignés en rang serrés, accueillent les corps et dépouilles de ces sans- abris du cœur. La salle des pendus menace au-dessus d'eux, de ces oripeaux, peaux vides, enveloppes sans chair: des manteaux qui menacent de descendre et de les emporter comme dans un linceul.
Si la bière coule à flot, devient jeu et piste pour mieux glisser, s'enliser où chuter, c'est pour s'enivrer et oublier, sacrifier la vie à la mort, à l'euphorie artificielle. Le bar est ouvert pour une mise en bière sinistre et sordide.
Un paysage bouleversant de crudité, de nudité, à vif sans chichi ni fioriture pour décrire l'avidité, la cupidité de ceux qui souffrent.
Une ode malgré tout à l'amour que l'on cherche désespérément à travers des destins précaires d'abandonnés de la vie: une cour des miracles oppressante et hélas, trop d'actualité!
Au TNS jusqu'au 1 Décembre