lundi 12 mars 2018

"NOVA- Oratorio": la vie dans les plis d'un mouchoir de poche, en tissu de corps.


Dans le cadre de L'Autre Saison - Un projet de et avec Claire ingrid Cottanceau et Olivier Mellano 

- D’après des extraits de Par les villages de Peter Handke. Claire ingrid Cottanceau, artiste plasticienne et actrice, Olivier Mellano, compositeur et interprète, se réunissent pour composer un objet dans une forme à la lisière du concert et de la performance. Passionnés l’un et l’autre depuis longtemps par la parole de Nova dans Par les villages, ils décident de lui donner vie dans ce projet tant plastique que musical : un cri d’espoir, la transfiguration d'un regard lucide sur le monde à la fois célébration vitale et aspiration spirituelle. Un chœur d'anciens est constitué dans chaque ville et accompagnera le projet. Il sera l'espace de résonance du poème et prolongera ses fulgurances à la lumière de la vieillesse.
Une femme nous regarde: longs cheveux blancs, pieds nus, en nuisette noire: elle porte le temps sur ses épaules et nous questionne de son regard direct et franc. Belle et sereine. D'autres personnes âgées vont se joindre à elle, entrant en scène, marchant, chacun à sa façon, sans jeu ni artifice, à la façon de danseurs de la vie.Des chaises rangées les accueillent comme support de leurs corps tranquilles; ils se masquent chacun d'un mouchoir en tissu blanc: le tableau est saisissant. Autant de petits linceuls, de protection; la nuque renversée, ils s'exposent, aveugles.
Puis, c'est un tsunami violent de bruit et de fureur qui s'abat, de sons ravageurs étourdissants qui nous fait entrer dans la danse.Déflagration et ouragan de lumières: le voyage sidéral a commencé: voyage ou balade poétique dans le temps Une femme montée sur ses talons hauts, trace une diagonale de lumière, ses pieds la guidant dans cet univers noir, sombre, à peine dissimulé par la lumière sur les corps des figurants de cet acte premier.
Formant un chœur ancestral, berceau du théâtre, de la tragédie et de l'écriture choré-graphique, ils forment un groupe uni par la vie, les traces et signes de leur existence sur leurs physionomies: "Berceaux" de Gabriel Fauré qui entame d'ailleurs le spectacle, chanté de façon incertaine par une voix tremblante.
C'est beau et touchant. Encore un mouchoir pour étendre son visage à terre ou le sortir froissé de sa poche: un accessoire de tissu, objet intime, tout près du corps. La scénographie se borde de la mise en corps sensible de Thierry Thieu Niang, l'as des chœurs et des groupes d'amateurs, jeunes ou vieux, avides de mouvement, de sincérité, sans maladresse ni flagornerie. Chœur comme une respiration commune qui se fond dans les texte musical, poumon qui se remplit et se vise au rythme de la performance. Chœur changeant selon les géographies de résidence : 25 être de chair dans une compagnie éphémère, "cun panis" de la création, pain que l'on partage "in situ". Avec les ingrédients locaux de proximité partagée ! Battements de cœur commun qui enveloppe l'espace, le borde comme dans un amphithéâtre .
Le texte file droit et nous entraîne dans une musicalité profonde, dressée par les touches de la guitare omniprésente qui hante la pièce.Le mouvement s'amplifie, déborde des marges et le chœur se fait précieux, enrobant les paroles, révélant les accents des mots, le phrasé du texte. Quelques petits gestes singuliers à la clef pour chacun des danseurs, une touche d'humanité, sobre, simple, mesurée.
Et le tout fonctionne dans l'harmonie, la tendresse, la poésie de Handke, servie ici par des diagonales, des espaces qui se croisent. Chacun transportant le sien, comme seul bagage.
Au final, la rangée de personnes âgées nous regarde puis ferme les yeux.
Rideaux: les oreilles n'ont pas de paupières....

Le long du Quai, les grands vaisseaux,
Que la houle incline en silence,
Ne prennent pas garde aux berceaux,
Que la main des femmes balance.
Mais viendra le jour des adieux,
Car il faut que les femmes pleurent,
Et que les hommes curieux
Tentent les horizons qui leurrent!
Et ce jour-là les grands vaisseaux,
Fuyant le port qui diminue,
Sentent leur masse retenue
Par l'âme des lointains berceaux.


Au TNS salle Gruber les 12 et 13 Mars 20H

samedi 10 mars 2018

"Un manuel de chorégraphe"

Avec minutie et un certain humour, Un manuel de chorégraphe retrace la fabrication d'un spectacle de danse jusqu'à sa présentation publique. Par où commencer ? Comment choisir les matériaux et les agencer ? Suivre ses habitudes, respecter les règles ou pas ? Comment subvenir à ses besoins, gérer les collaborations, les contraintes du marché ? Danser et/ou chorégraphier ? Partant de son parcours artistique personnel, Jonathan Burrows, chorégraphe, danseur et pédagogue anglais, propose une série de partitions et d'observations à méditer ou à mettre en pratique, invitant les lecteurs à considérer avant tout leurs propres choix. Un manuel de chorégraphe est un carnet pédagogique d'une grande actualité, mais surtout un livre de questions et, finalement, une oeuvre de littérature. Elle accompagne les danseurs et les chorégraphes, à l'aube d'un projet naissant, dans l'urgence d'une prise de position ou dans la perspective d'une vente de spectacle. Elle révèle la richesse et la subtilité de l'art chorégraphique, source d'inspiration pour toutes formes artistiques. Aux passionnés de réflexion philosophique, elle offre un remarquable outil de questionnement de l'existence.

vendredi 9 mars 2018

Labarthe, la danse au travail !C'est fini !

Disparition d'André S. Labarthe, le lundi 5 mars 2018, à l’âge de 86 ans. 

Proche des Cahiers du cinéma, André S. Labarthe s’était associé en 1964 à Janine Bazin, veuve d’André Bazin, pour lancer la série Cinéastes de notre temps. Cette collection, conçue pour l’ORTF,  proposait des portraits de ceux qui font le cinéma, à commencer par Luis Buñuel, à qui ils avaient dédié le premier épisode. 
Ce concept, André S. Labarthe l’a ensuite élargi à d’autres formes d’art, la littérature, la peinture et la danse. La danse au travail, réalisé en 1987 et 1993, présentait ainsi cinq portraits de grands danseurs et chorégraphes, tous sous le même nom Sylvie Guillem au travailWilliam Forsythe au travail, Patrick Dupond au travailJohn Neumeier au travail et l’exception, Ushio Amagatsu, élément d’une doctrine
Dans son ouvrage consacré à cette œuvre, André S. Labarthe, La danse au travailJérémy Damian rappelle que ces films « qui ne sont pas des documentaires » étaient agités par plusieurs questions : « Qu’est-ce qu’un film de danse ? Comment filmer la danse, ou plutôt, qu’ont à se dire la danse et le cinéma ? ». L'occasion de se replonger dans ces productions, pour y trouver la réponse.