samedi 21 juillet 2018

72 ème édition du Festival d'Avignon: chemins de traverse: Olivier Py à l'affiche !


"Une histoire du Festival d'Avignon en 72 affiches" par Olivier Py

Olivier Py s'affiche !

L'histoire du festival en 72 étapes, 72 marches ou n'est pas un chemin de vroix, bien au contraire!
Et entendre Olivier Py raconter cette odysee de l'image affichée fur un régal: une seule fois dans le salon de la mouette de la Maison Jean Vilar, c'est le comédien narrateur qui prend le dessus
Plein de verve et de malice, de sous entendu à décripter, le voici lancé pou 45 minutes de "revue" d'esthétique, de communication, de graphisme et de politique
De la "Première semaine" aux toutes dernières éditions, il navigue dans le graphisme, les polices de caractère, les noms qui vont et viennent (celui de Jean Vilar entre autre, plus présent que de son vivant sur les placards) !
Politiquement incorrecte, joyeuse mais aussi très réflexive, cette présentation, lecture démonstration ou simplement "performance" atteste de son gout pour la décentralisation, l'implication du public et des artistes dans la "confection" de ces "rencontres" plus que festival, ce creuset de coups de pattes de plasticien (Jan Fabre sur sa tortue ou son lapin scarabée fétiche) ou Ernest Pignon Ernest...
Beau moment d'échange, de clairvoyance
Et si les enfants de Claire Tabouret font jaser, lui, n'est pas entre deux chaises et continue son état de siège, se soulevant avec humour et distanciation
Saint Pierre priez pour le festival avec vos trois clefs!
Un miracle financier pourrait avoir lieu pour ces prochaines "rencontres" !



le dimanche 16 Juillet 13H Maison Jean Vilar

vendredi 20 juillet 2018

La DANSE dans le 72 ème Festival d'Avignon 2018 : engendrée par les corps fantasmés !

Ces visages d'enfants, unis par une camisole commune: ils nous regardent, anges ouvrant de leurs trois clefs les portes du Palais....Claire Tabouret nous interpelle, Olivier Py nous secoue....Sur le sentier de la mule, la danse fait ses rondes, ses entrelacs, ses croche- pieds et pieds de nez aux conventions....

Alors, allons direct dans le "vif du sujet" !!!

Sujets à vif
programmes A et B


"La rose en céramique" de Scali Delpeyrat et Alexander Vantournhout
Rrose Selavy
Il est son double articulaire, danseur, clone de ses sentiments, double de son destin; l'autre, c'est un homme "normal" qui se souvient et s’embarrasse de tas de choses pour bloquer son chemin, entraver sa course. Les objets le hantent: serviette brodée ou lave vaisselle contenant souvenirs et passé.Tous deux occupent le plateau du Jardin de la Vierge et l'un questionne le monde: ce qui est "important",  c'est de discerner ce qui l'est de ce qui ne l'est pas ! En désillusion, désenchanté, il clame tandis que son ombre, compère le manipule ou se contorsionne savamment dans de beaux engrenages de gestes virtuoses. Torse nu, en short, ils se séparent, se retrouvent dans des entrelacs de corps. Évoque un point noir en cicatrice sur fond de violoncelle. Et si "Rrose Selavy" gardons notre rond de serviette brodée dans nos cœurs et avec eux allons sur les chemins de traverse: le lave vaisselle qui lui servira de tombe ou de cercueil se chargera d'essorer la nostalgie !


"L'invocation à la muse" de Caritia  Abell et Vanasay Khamphommala

Eros et Tanatos
Un homme en blanc, masqué de rouge, cloche et panier de fleurs tel un colporteur fait son apparition, quasi aveugle, tâtonnant l'espace. Observé par une gente damoiselle, qui s'installe en partie de pique nique.Il invoque des esprits en litanie religieuse, il sort des objets de culte de pacotille: alors elle se métamorphose en sorcière, le déshabille et s'adonne à un rituel d’envoûtement: docile, il se laisse faire se transformant lors de ces jeux dangereux: ligotage, flagellation, violences au corps consentant: addict au fouet, aux épingles à linge, comme dans un rituel SM. Hommage au soleil et aux fleurs, plumes piquées à même la peau, voici notre fétiche emplumé chaussé de talons hauts révéler son identité: statue christique magnifiée. Ils valsent , lui paon paré pour la parade, elle, déesse de la métamorphose. Tout s’efface sur un chant baroque, Euterpe s'évanouit, Echo demeure et les muses s'amusent !


"4" de Mathieu Delangle Nathalie Maufroy et Claudio Stellato

Le "clou" du Vif
Un panneau en contre plaqué, un établi, des clous et le décor est planté! Un être hybride, mi homme mi cheval à la tête de mule, en slip s'adonne à un savant jeu de clous avec un marteau. Il s'acharne, s'épuise dans un rythme de percussion, de travail, de forge! S'échine à soulever l'établi, fait sa musculation, comme sur un cheval d'arson,  Des bruits de scie qui tranchent le panneau vertical l'alarment: un passe muraille s'en libère, déchire la paroi et s'enfuit avec son praticable, en marche. Comique, humour désuet, absurde, ici on scie en cadence sa branche sur laquelle on est assis Accroupi en fakir on échappe à son sort , on se crucifie les pieds pour en faire des chaussures de sécurité de bois pour une danse de sabots, ou un périple en ski de fond.Entrave, handicap et autre facéties pour ces quatre sans clous qui n'ont pas la langue de bois.


"Toc toc en toc" de Sophie Bissantz et Meriam Menant

Très poly-sons !
En écolière, voix éraillé, elle improvise pendant le démontage de l'atelier de menuiserie précédent, harangue et sourit, maline, féline et espiègle. C'est Meriam Menant, clown défroquée qui va se confronter à sa "bruiteuse" en direct: pas un pas sans sonorisation drolatique, issue d'objets hétéroclites pour imiter sons et bruits. C'est un duo tonique et inventif, à fleurs de résonances multiples où l'absurde côtoie le quotidien d'objets détournés de leur fonction pour imiter la réalité. Seulement ça se complique énormément et les situations sont cornéliennes. Une porte ouverte ne peut faire de bruit: alors comment la franchir sans s'affranchir du son du loquet? Ici tout est raccord et la scripte doit tout remarquer pour ne pas faire d'erreur!
 Incongru et poétique, cette performance se conclue par la mélodie"Au bord de l'eau" de Fauré, jouée au petit piano mécanique, jouet d'antan  pour mieux passer le temps sereinement sans embûche ni casse tête.
Poly-sons à souhait, polisson à vos souhaits!

Programme C


"Le bruit de l'herbe qui pousse" de Thierry Balasse et Pierre Mifsud

L'Instant T
Du larsen, des échos des inventions sonores paternelles Thierry Balasse a conservé des empreintes indélébiles: bidouilleur de son en direct, il nous fait ici avec la complicité de Pierre Mifsud, comédien, une jolie démonstration de savoir non-faire !
Ralenti du son, capture de l'instantané, du silence, invention du son fixe: c'est une obsession salutaire qui les traverse et passe le relais au spectateur. Exposé-conférence cet opus est drôle on y apprend plein de choses sur l'univers, le temps: le passé serait devant nous pour élargir notre espace,un son cristallisé crée de la lumière....L'univers n'est pas silencieux, ses vibrations, pulsations seraient les premières notes de musique!
Que de surprises et de révélations qui éveillent curiosité et âme d'enfant émerveillé par cette science à portée de mains. Un récit magique d'un rêve de petit garçon en pyjama parti pour Alpha du Centaure en compagnie des paons de la tapisserie de la chambre d'enfant, est un instant majeur.
Très belle envolée lyrique au pays du son où au final du haut de la grande fenêtre de la Cour de la Vierge les deux compères regardent le temps passer sans se lasser ni être dépassés: encore une petite "Sérénade" de Poulenc?


"Georges" de Mylène Benoit et Julika Mayer

A tombeaux ouverts
Deux femmes, vêtues de noir racontent l’odyssée de marionnettes usées, revenue d'un long périple de spectacles. L'une raconte et décrit l'anatomie de ces êtres de chiffons ou autre matériaux Six caisses à claire voie en sont emplies comme des fœtus dans des bocaux de formol.
 Une voix off, aux accents germaniques évoquent le destin de chacune.Habillées de leur carcasse avec os, atlas, c^tes flottantes et autres abattis.Une est comme une femme nue, manipulée encore devant nos yeux, l'autre est de matière grise et se secoue sur une musique techno. Comme des trophées, des macabés elles nous scrutent puis sortent une à une de leur coffre translucide.C'est jubilatoire ou morbide, peut importe, les images sont fortes et éloquentes: un pilier de deux corps serrant une marionnette fait mouche sur fond de musique médiévale: pilier des anges mouvant sur polyphonies lointaines.
La relique, les ossements et si la tombe de Georges avait les bonnes mensurations pour l'ensevelir comme un humain? Le trou, le cercueil de la mémoire pour tombeau: une "concession" se libère, alors allons y sans concession, libres et sereins
La pièce est étrange et interroge sur notre rapport à l'effigie plastique, reproduction quasi à l'identique du corps humain comme chez les plasticiens Duane Hanson, Toni Matelli ou Ron Muek.
Les deux actrices gisant parmi ces gisants dans le cimetière sous le soleil: le lieu reprend ses droits et la Vierge veille à la paix de cette sacrée scène!

Une fois de plus les "Sujets à Vif" font preuve d'audace et de décalage, mêlant disciplines et acteurs, auteurs et musiciens dans un vaste champ d'investigations indisciplinaires!




La belle Seine Saint Denis 2018 : pas de parenthèse, de minuscule ni de pointillés, la DANSE toute en MAJUSCULE !

Police de caractère en majuscule, la danse avance, se produit, se montre et se partage au sein de La Parenthèse avec toujours autant de ferveur et d'engagement de la part de tous les protagonistes!

Premier programme


"Vivace" chorégraphié par Alban Richard

"120 battements par minutes" ! Allegro, non tropo !
Sur tapis blanc, en short et legging, deux danseurs exécutent un duo frontal répétitif sur un panel de musiques de Bach au disco: en variations multiples des jambes, à l'unisson, pince sans rire,  Anthony Barreri et Yannick Hugron avec distance et humour s'adonnent à un joli rituel  désopilant, tout en couleurs. Baroque, angulaire, carré robotique et défilé de mode en source d'inspiration Ils se déchaînent peu à peu, de façon isolée sur ce patchwork musical désorientant.
Segmentée, binaire, en déclinaison de rythmes infinis, ce sabbat fait pulser les cœurs et le pouls avec joie et enthousiasme. Martelant le sol, hoquetant, face à nous, ce jeu de jambes à la tyrolienne est pétri d'inventivité, agace là où ça fait du bien. On y bat sa coulpe dans l'euphorie, en osmose et pleine empathie avec nos deux marathoniens  Vivants et drôles, dans cette mécanique corporelle lâchée tous azimuts, course contre la montre pleine de ressort !


"Les sauvages" chorégraphié par Sylvère Lamotte

Brûler les planches !
Ca planche pour ses forçats du travail à la chaîne, en longues jupes plissées grises On se passe des planches de bois en rythme, on fait des poses, sieste très "picturale", on fabrique des sons sur ces planches comme sur un établi musical, percussif, évoquant un train qui s'emballe...
De l'émulation style danse "trad", un duo sur rythme flamenco et la folie gagne ce corps de métier, menuisiers, charpentiers très bibliques. Le chef s'impose, crie de douleurs, des entrelacs de combat surgissent en prise directes.Regain de tonus pour cette équipe soudée qui épuise doucement ses forces: une architecture de gestes qui s'empilent sur une musique mécanique, des portés acrobatiques, de l'esquive savante dansée avec fougue, verve. Le tyran dominateur chute parmi un amas de corps qui pulsent Encore un petit solo pour s'en relever peu à peu et rejoindre le groupe: débâcle ou fondation, calvaire du travail, mise en croix: les planches feront la métaphore de ce bûcher de crémation, cette tombe ou ce cercueil qui accueille les corps. La pièce oscille entre gravité et humour sans omettre un coté christique, biblique très spirituel. Goya n'est pas loin dans les visions très plastiques de la mise en espace et Les Raboteurs de parquet de Caillebotte apparaissent parfois en filigrane Le pardon sera accordé à chacun malgré ses velléités de surpuissance et de domination; le glas sonne sur ce beau radeau de la Méduse: celle de Paul Valéry, bien sûr !Les cinq danseurs, en poupe ou figure de proue!


"Syn" chorégraphié par Johanna Faye et Sandrine Lescourant

Entrelacs
Un duo calme et serein où deux femmes se cherchent, se frôlent, se dessinent et se contournent.Duo au ralenti, de blanc gris et beige vêtues, les danseuses s'apprivoisent, lointaines, farouches, à la renverse, offertes, abandonnées parfois dans de beaux cambrés. Sur différents niveaux de centre, les corps gravitent, denses et ancrés.Chevelure grise nattée, l'une charme, l'autre provoque Glissades dans les interstices, volutes très rapprochées dessinent une calligraphie dansée fort pertinente.
Puis, reliées, elles explorent la proximité, se calent en siamoises, en silence, en bascule. Une transe épileptique contagieuse provoque dispute, déroute et colère: face à face dans un tourniquet, une ronde éperdue, elles s'effacent.


Deuxième programme


"Pulse(s)"chorégraphié par Felipe Lourenço

Racines aériennes
Un cœur qui "pulse", des percussions corporelles sonorisées, puis en écho technologique, des claquettes? En frontal ou diagonal le danseur, seul joue de ses épaules, lax, en reculades, jeu de jambes discret, anche et bassin méditerranéen très investi. Et sollicite ses effets, jogging et capuche pour incarner un personnage furtif, évasif. Il se raconte en arabe, comme une prière sur fond d'Angélus au loin, en off imprévu ! Cigales et martinets, habitants de la Parenthèse, scène en plein air, l'accompagnent.Le festival bruisse, lui cigale se donne et chante alors que le travail de fourmi est déjà fait . Il  s’accommode d'un tambourin pour faire naître une musique hypnotique, transforme la tradition des pas en contre temps, levées et contrepoints, puise de belle échappées au sein du sol, ramasse ses gestes à foison. Comme un animal retenu, module ses gestes répétitifs, joint les mains: tout est déstructuré: un vrai casse tête pour notateur Laban ! Du bel ouvrage, sensible et savant, profondément ancré dans une gravité céleste surprenante.


"Instantanés n° 1" chorégraphié par Christian Ben Aim pour Anne Flore de Rochambeau

La grâce
Tout en noir, blouson de cuir, elle semble traquée, farouche. Chevelure débridée, soquettes, jeune femme traquée. Commence un solo ample, calme, fluide, cambrée en arrière, les mains déliées: chant, guitare et bribes de piano la guident Elle semble errante, perdue apeurée, fragile, le regard dans l'éther, éperdu.Fragile, émouvante, elle déploie dans une large envergure, en offrande comme des invocations laissant apparaître un désir d'introspection. Elle se décharge, s'alanguit au sol, sensuelle: confuse de péché ou redevable de faute? La joie et la rage peuvent s'emparer d'elle, en torsions, étirements, sur demie-pointes : elle se soulève, humble et discrète, apparition vertigineuse d'une interprète hors pair au nuancier d'émotions riche et prolixe.


"Tremor and more" chorégraphié par Herman Diephuis

Tabula rasa
Tout en noir, moustache et cheveux frisé, peau noire Jorge Ferreira s'impose devant une table blanche, objet de convoitise, partenaire d'un solo, duo homme-objet. Son corps s'anime sur des rythmes stridents, un doigt sur la cage thoracique, il se palpe, se caresse, se frotte fait connaissance de toute sa peau. La table est support, barre où il s'offre , se donne quasi autiste. On se régale de ces pulsions interrompues, de ce festin où il foule, pétrit, brasse la matière: on le dévore des yeux, c'est quasi orgasmique quand monte la tension qui se libère.
Comme un mets de choix, il s'offre au regard, cartes sur table. Puis explore les recoins et dessous de table, au sol, en reptations animales , roulades, convulsions et rebonds acharnés . En chutes aussi, en abandon. Ce solo, taillé sur mesure est loin d'être un entremets.
Quand il revient à la source, d'une échappée belle, infidélité à sa partenaire, il s'attable.
Affamé ou rassasié, il s'en fait son refuge, son abri, devient invisible, sdf ou cariatide d'une structure de bois blanc, table des sacrifices ou réceptacle de vie.


Ces trois solos, ode aux interprètes firent de cette matinée estivale dans la Cour de la Parenthèse, un instant de grâce: label danse assuré, de la "belle danse" et pas entre parenthèse !