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Le Quatuor Diotima aime associer des classiques du xxe siècle à des œuvres récentes . Il ne déro
ge pas ici à ses habitudes, puisque Unbreathed de Rebecca Saunders (2017), en première audition française, côtoie Farrago de Gérard Pesson (2013) et le Quatuor à cordes n° 2 (1968) de Ligeti.
Ligeti fut un régal, un "corps à cordes" remarquable de fines vibrations, cordes pincées, frôlées, le son en apnée, en suspension, puis en respiration libératrice. Le grouillement des notes compactées, isolées procèdent de cet imperceptible son qui succède aux entrelacs, enchevêtrement de tonalités, de hauteur, de densité ou puissance de l'émission sous l'impact des archets.Comme lors d'un métissage des tissus sonore, sophistiqué: quelques silences en contrepoint et l'exploration continue: défrichage, avancée furtive, craintive dans l'univers de ses couches sonores légères, graciles: univers foisonnant, bruissant, vol d'insectes vibratiles Des ruptures, des éclats aussi, brisures de fils ténus du son, frisson!
Des pincements alternés ou à l'unisson pour le troisième mouvement, pizzicato d'horloge, ou de métronome. L’inouï de l'inaudible, audible à fleur de corde et d'archet, avec une dextérité, un doigté virtuose de la part des quatre interprètes. Rivés à leurs instruments, en osmose, en communion avec un public hyper attentif à la moindre note émise dans cette tension voluptueuse et fragile de l'oeuvre.Comme une bruime infime, des gouttelettes de son émises éparses ou bien "rangées" !
Le quatrième mouvement dans l'empressement avec un jeu acharné sur les cordes tendues, jeu de funambule en danger. Puis des portées légères, des sons fluides, libérés dans l'éther, étirés dans l'espace.
La finesse, la rareté, la préciosité des touches musicales comme des impressions picturales, à la Signac, Pissaro ou Sisley.
La musique, tableau vivant, composition de notes, d'impacts Comme un essaim d'abeilles au travail qui vibrent, glissent, étirements et spirales, en chorégraphie sonore. frétillements, fébrilité versatile, pulsatile, infimes tensions et détente: de la vraie danse d'Anna Térésa De Keersmaeker!
"Unbreathed" de Rebecca Saunders en création française, succède à ce bijou prestigieux
Des grincements lancinants, disgracieux à l'écoute, de fines prouesses et pourtant peu de nuances dans ses vifs relevés de musique brillante.Lancés, élancés de son dans la hauteur, assez monotone ambiance bien qu'avec des accents vifs et sans interruption. Puis de belles ascensions tonales, des instants d'apnée, des ruptures de mouvements animent le déroulement de l'oeuvre.
Mugissements des cordes, changement de registre au cours de l'interprétation découvrent une ambiance étrange, inquiétante, en dégringolade de sonorités.Sirènes ou accélérateur de moteur automobile, les images surgissent, évocatrices d'univers, d'objets tactiles
Une écoute originale, une observation sonore inédite d'ambiances multiples.
"Farrago" de Gérard Pesson clôt cette rencontre musicale de haute voltige
De l'humour d'emblée, lumineux, gai ponctué et alerte pour une entrée en matière sonore, riche de surprises!
Des contrastes effleurés sur les archets, en ricochet, des balancements insistants, naissent et s'enfuient sur le fil ténu des aigus bordés de soutien et de maintien musical.En équilibre, funambules en bascule pour rétablir le déséquilibre et avancer lentement pas à pas. Halètement du suspens sonore à l'envi !
Beaucoup de maîtrise dans ce jeu, de retenue et d'écoute commune de la part du quatuor, trèfle à quatre feuilles, porte bonheur des portées musicales! Des mugissements ténus, des touches en couverture entuilée et des embryons de mélodies, transportent dans une atmosphère singulière.
Des glissements ascensionnels en épilogue, quelques échappées belles, envolées et tout rentre dans l'ordre!
Un concert unique, remarquable qui fera date!
A la Salle de la Bourse le samedi 22 Septembre
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n
déa
En tant que producteur de radio, David Jisse a assidûment fréquenté le festival Musica. Tous les coups étaient alors permis pour restituer, rien qu’avec le son mais avec tous les sons, l’activité de la ruche bruissante que peut être un festival de création musicale.
L'Aula du Palais Universitaire de Strasbourg, transformée en chambre d'écoute sous casques :moquette, coussinets bleu ciel, flottants comme de petits icebergs au sol, transats disposés en chœur: belle scénographie pour une expérience collective, sonore inédite, pour nous vacciner à jamais de la"haine de la musique".
Aux commandes un DJ singulier, David Jisse en personne, homme de radio, passionné de sons , de bruits, façon John Cage. Avant même le démarage officiel de la session, il s'essaye, murmure au micro des bribes de texte, nous immerge dans son bain de recherches sonores. Des essais très prometteur qui dévoilent déjà son titre :"Comme à la radio" !
Ce sera somme toute presque "comme à la radio", mais plein de ratures, de glissements de couches sonores, d'empilements, de silences.
Sous nos casques, bien amarrés dans une chaise longue, ou fondant dans le sol, allongés comme autant de petites barques flottantes, l'expérience est sensible, sensorielle et travaille aussi la mémoire: celle des voix des artistes enregistrées, celle des bruits ou musiques de circonstances, glanés lors des bivouacs de l'homme de radio durant et pendant les festivals Musica qu'il fréquente assidûment, l'oreille grande ouverte.
Car à la radio, on ne voit pas la musique et heureusement, les oreilles, elles, n'ont pas de paupières !
Il joue sur la vitesse, les ralentis du texte qu'il énonce comme une histoire, racontée en direct à ce petit peuple casqué attentif.La musique: un virus qui fait tache d'huile, indélébile empreinte des sons du quotidien ou de la musique savante.
Il pratique le "moi sur moi", bruits et voix au passé composé dans la boite numérisée: la tonalité est culturelle, l'ouie est une porte ouverte sur le monde: il recompose des territoires sonores en autant d'opérations de hasard, d'aléatoire.
John Cage sourit en douce à ce beau discours radiophonique, lui, l'homme du hasard et de la jouissance à l'écoute des "bruits de camion qui passent" !
La musique, une histoire de famille que l'on peut cependant partager comme le fait son directeur, ce Marco sans maître", sans mètre non plus qui ne pèse ni ne mesure ses choix et leur démesure ou impertinence.
L'amour du son en tête de gondole pour cet animateur, amateur des bruits et gestes sonores du monde. Raconter des histoires acoustiques, comme celle du cabaret par exemple.
L'amour du son, poly-son, polisson!
Il s'éprend de la "maison rose" ou du Lapin à Gilles" à Montmartre avec la chanson mythique "Rue St Vincent" quartier des peintres, des chansonniers et chanteurs de genre!
La radio: un "genre acoustique", à part entière, révélé ici en "Horspiel", jeu d'écoute : pas besoin de voir ce que l'on entend, la musique s'écoute, les yeux fermées, la radio, allumée!
Alors on réécoute "Radio" de Michel Polnareff, on relit Quignard et on quitte l'Aula, ravi de ce partage fugace, éphémère, futile et vibrant
Au "Lapin à Jisse", on s'est régalé du passé et on a vécu le présent, éphémère avec engagement, les oreilles sans bouchons, les tympans sans coton tige!
A l'Aula du Palais Universitaire ce samedi 22 Septembre.
Ça parle en couleur
Et ça fait des shows
Ça joue les chanteurs
Radioooooo
Si tu veux la mer
Cuba ou Rio
Je connais un pays
Radiooooo
Tou-toute la nuit
Elle fréquence dans mon lit
Tou-toute la nuit
Elle danse dans ma vie
Ça danse et ça prose
Ça coule comme de l'eau
Le jour et la nuit
Radioooooo
Ça donne à manger
Même aux animaux
C'est moche et c'est beau
Radiooooo
Tou-toute la nuit
Elle fréquence dans mon lit
Tou-toute la nuit
Elle danse dans ma vie
Ça guérit le cur
Ça fait des enfants
Ça rit et ça pleure
Radiooooo
Ça fait du soleil
Quand il fait pas beau
C'est ma météo
Radiooooooo
En 1953, Zappa découvre la musique de Varèse au moment où celui-ci travaille à Déserts. Il n’oubliera jamais ce choc d’adolescence, comme en témoigne Dupreés Paradise, enregistré pour la première fois en 1973, puis arrangé pour l’Ensemble intercontemporain. Américain installé lui aussi sur la côte Ouest, John Adams jette un autre regard sur l’avant-garde européenne, en l’occurrence sur Schoenberg qui lui inspire une Chamber Symphony aussi vivifiante qu’ironique.
Voici pour le programme à interpréter, salutaire et très valorisant exercice pour les élèves de la HEAR et leur Ensemble de musique contemporaine de l'Académie supérieure de musique de Strasbourg.
"Déserts" d'Edgard Varèse débute avec brio le concert: vents et percussions, cuivres résonnants, éclatants, suivis de l'écoute, en pause, d'une bande magnétique au son déchirant, crissant, dérapant, comme lors d'un accident ravageur ou d'un séisme. Bouleversements des sons, cassures, sifflements, alarme ou sirène, succèdent en sonorités acoustiques bien réelles: les cors, tubas, les trombones dans les graves, en profondeur.
Beaucoup de contrastes et de revirements, de modulations dans cet opus où volumes et détails se cisèlent à l'envi, à l'écoute: singularité plurielle de cette musique éclairée et savante
A nouveau la bande son investit l'espace, sourde, les sons aspirés, happés dans une atmosphère de tunnel opaque, abri anti- atomique calfeutré, bunker obstrué par les résonances et cavités emplies de matière sonore.Humide et glacé: une musique pleine de sensations éruptives.
Simulation de cris, de freinage de roues, d'usine....Musique intime et extravertie à la fois, en compétition de puissance, entre douceur et force, réparties entre les instruments. Les jeunes musiciens dirigés par Jean Philippe Wurtz au diapason de l'écoute dans un jeu très virtuose et parfaitement intégré des accents toniques de la musique de Varèse!
Suit dans une autre configuration "orchestrale""Dupree's paradise" de Frank Zappa;
De belles masses sonres, multicolores, très dansantes, comme une musique de film narrative, se répandent dans l'auditorium de France 3; c'est du "Zappa" inconnu, inattendu, peuplé de citations, surprenante oeuvre aux accents toniques impressionnants. Joviale et entraînante, la musique se déroule et peuple l'atmosphère de ses tonalités étranges mais quasi familières, au final!
"Chamber Symphoniy" de John Adams de 1992 se révèle un bijou de fantaisie virtuose, en trois mouvements distincts.
Le premier comme un air de carton, musique pour dessin animé de bonnes intentions. Manèges, fête légère et réjouissante, bordée d'interventions musicales inédites.Le rythme soutenu, allègre, emballé fait mouche et les images défilent: cirque joyeux et ludique, défilé ou cavalcade de carnaval burlesque, enjoué!
Parade enfantine, scandée, structurée, évoquant une musique de film, animée, construite comme un montage cinématographique mouvementé.
Le deuxième mouvement, plus solennel et pesant, marche funèbre, cortège surréaliste à la dada, très mécanique et haché. On progresse, en marche avec la contrebasse ou le fifre!
Au final, une fanfare aux accents populaires, mélange de rythmes croissants, dévoile un solo de violon virtuose hallucinant!
Félicitation aux jeunes interprètes pour cette prestation de très grande qualité où la rigueur côtoyé la fantaisie, où le répertoire se laisse apprivoiser par des jeunes non formatés, ouverts à la musique d'aujourd'hui, à ses embuscades, ses surprises et au plaisir, pour le public, de les écouter en si bonne "compagnie"!
A l'Auditorium de France 3 ce samedi 22 Septembre