vendredi 5 octobre 2018

Wolfgang Mitterer: orgue, "rolling clusters" : incubateur pour orgue basaltique, rock métamorphique !


Wolfgang Mitterer donne son oeuvre rolling clusters en création mondiale. La promesse de nouvelles éruptions sonores.
Grouoe, grappe, amas faisceaux de sonorités d'orgue! 

Un incubateur organique, orgasmique que ce concert inédit, sur la touche, à fleur de pédale
"Symphonie pour un orgue seul", l'opus déraille, glisse, chute , piétine dès le prologue: ça grince et ça s'entrechoque en deux couches: électronique et en temps réel dans les tuyaux de l'instrument magnétique !
Dans une fugue rapide, des heurts dépassent l'instrument, le doublent: c'est un décollage sur le tarmac, comme une décadence, déconfiture, désastre de guerre et champ de bataille pour funérailles cosmiques!
Un cataclysme dissonant, tsunami et turbulences mêlés Un "rock" brutal, éruptif, volcanique.
Quelques citations éphémères, des échappées belles, envolées dans des sommets de virtuosité improvisée ou construite.
Des sons mécaniques en furie rappellent une usine à traiter la matière sonore pour créer un "monstre" de trouvailles: Accoucheur, pratiquant la maïeutique des notes, des matériaux et formes musicales inouïes. L'incubateur bouillonne, le "cluster" , ogre boulimique, extraverti, hystérique opère la rédemption du son. On "pardonne" dans cette confession, explosion qui éclabousse l'espace, forme des volumes qui se déplacent et envahissent l'espace de l'Eglise du Bouclier, secouée, elle aussi par de tels aveux musicaux!
Puis dans cette météo fantasque,dérangée, une accalmie se profiles, le ciel s'assombrit ou s'éclaire. Sac et ressac d'une marée montante contre une digue protectrice.
Des perspectives s'ouvrent, des paysages naissent de ses sons râpeux de poulies, comme pour une fiction musicale au story bord de BD fantastique. Odyssée de l'espace, train de l'enfer, en drame ou tragédie, en jaillissements cinglants, comme une fusée démarrant son voyage cosmique!
On y atteint des sommets de dynamique sonore, dans une industrie, fabrique ingénieuse de sons comme au sein d'une forge turbulente et fascinante.
 Comme un orchestre symphonique, épais, dense, massif, compacte!
 Lente débâcle flottante que ces jeux de tuyaux perceptibles où l'on retrouve l'orgue et ses atours, conforme à une écoute, une audition plus sage et réservée. Des mélopées chatoyantes, claires, lumineuses s'échappent de ce laboratoire exploratoire, paillasse d'expériences alchimiques sonores. Inventeur, Merlin enchanteur et prestidigitateur de sons, Wolfgang Mitterer est "siphonné" pour tuyaux embouchés, goupillon décapant de la composition instantanée!
Plombier, pionnier, orpailleur et artisan d'un élixir, potion magique pour super-son.
"Rolling stones", éboulement et autre catastrophe en vue !
Un géologue aussi pour ses "grandes orgues basaltiques",  rock métamorphique qui sous la pression, le temps et la chaleur, fabrique ce schiste, plissé, trituré, tiraillé: à l'ère tertiaire, les synclinaux et anticlinaux de sa musique, sur l'adret ou l'ubac des vallées, sculptent des compressions à la César: sculptures du son, déraison de l'écriture improvisée ou de la composition d'un savant breuvage hallucinogène! Malaxé, pétri, façonné en ronde bosse, la musique dérange, agace titille l’ouïe et sur ses pentes abruptes crevassées, les séracs craquent, les ponts de glace suspendus relient les moraines latérales: le verrou glaciaire stoppe le son, les éboulis font office de bassin de réception pour les sens En géologue et chercheur, il trace des courbes de niveau, à grande échelle sans fil à plomb mais avec l'aplomb d'un architecte du son. Volumes aériens ou terrestres, selon !
Géologue musical en diable, créateurs de scories, de sucs et autres formations minérales supersoniques!

 Cette musique sismique, tectonique des plaques pour fossé d'effondrement, cette avalanche de bruits et de fureurs, éboulement, cassure et fractures au poing est autant de fracas, de fatras en inventaire résonné, déraisonnable!
Coulées de lave ou Titanic en perdition, on ne quitte pas la paquebot, on coule avec son capitaine dans une pamoison consentante.
Sans pertes mais avec fracas. Cratère de volcan en ébullition, chaudron magique, impie pour Druide tout droit sorti d'une légende: cette musique sidérante, médusante, orgue-asmique, orgue- anique tellurique ravit, rapte et capture son auditoire, secoué, dérangé, malmené.
Plaques diffractées, la majesté de l'orgue est préservée, respectée tout en dansant devant le buffet comme au temps des danses de possédés!
 Des citations sonores d'autres instruments, des voix simulées, des cloches, cordes assurent en rappel cette escalade frontale si dangereuse et osée que nous propose Mitterer
Extinction des feux brutale, le rideau se ferme, les oreilles n'ont pas de paupières et c'est tant mieux!
Des ondes de choc qui feront date!

A l'Eglise du Bouclier ce jeudi 5 Octobre

jeudi 4 octobre 2018

Decoder Ensemble : "portrait Alexander Schubert": Alexander Platz pour symphonie achevante !


Alexander Schubert mêle volontiers pop, électronique, techno ou free jazz –autant de musiques qu’il a pratiquées sur scène– à une approche écrite de la composition. Une démarche qui va comme un gant au Decoder Ensemble, dont Schubert figure justement parmi les fondateurs.
Et le spectacle est touffu, dense et inattendu, ludique, cérébral, expérimental

Un voyage initiatique en vidéo, une histoire de chemin de croix, galère d'une femme en haute montage près d'un lac.
Prologue en création mondiale "Acceptance": pas une seule note de musique, mais l'énoncé en images d'un processus de création: quête du ratage, de l'expérience.

Suit "Point Ones" pour "chef augmenté: une véritable chorégraphie, solo de hip-hop de dos, le chef animé de soubresauts, de mouvements mécaniques déclenchant sons et salves en direct. Orchestrant les six musiciens à l'écoute de ce robot, pantin à ficelles, sorti tout droit d'un muée des automates. La musique fera les reste: un feu d'artifice de sons, plein d'humour et de décalages! comme un déséquilibré, agité de gestes furtifs et automatiques: de la magie!

"f 1" fait suite, mélange savant d'images, de musique et d'un acteur lapin, "Bunny", vedette d'un crash landing pour six animaux musiciens masqués. Mascotte, sympathique peluche grandeur humaine, à l'écran, il crève la toile et tue: le cadavre d'une jeune femme sera l'objet de visions cauchemardesques d'un insomniaque!
Déjanté en diable, on s'y amuse dans cette symphonie achevée pour une Alexander Platz musicale joyeuse et tonique!
Au final "Sensate Focus" se révèle, lumières, vidéo et montage cut, dynamique, à l'appui, le tout laissant sur les pupitres, quatre cadavres achevés!
A "decoder" sans modération!

A la Cité de la Musique et de la Danse ce jeudi 5 Octobre

"Luzifers Abschied": Stockhausen au "Balcon" , le Diable aux tisons ! Sabotage iconoclaste pour un rituel où il faut laisser Lucifer !

C’est ce que nous découvrons dans Luzifers Abschied (Les Adieux de Lucifer), dernière partie de Samstag aus Licht (Samedi de Lumière) : écrite en 1982 pour célébrer les 800 ans de la naissance de Saint François d’Assise, l’œuvre est fondée sur ses Lodi delle virtù (traduction italienne du Salutatio Virtutum), hymne dédiée aux Vertus. Un chœur d’hommes formé de moines vêtus de leurs traditionnelles robes de bure (noires, blanches et marrons, à parité) et chaussés de sabots de bois, des cloches, un sac de noix de coco, un oiseau en cage…
Voilà les ingrédients d’une étrange cérémonie d’exorcisme soutenue par le son de l’orgue et de sept trombones. Entre psalmodie déambulatoire lancinante et sonorités bachiques et extatiques formant une flamboyante transe sonore, ce cérémonial oscille entre inspiration extrême-orientale (avec des références au chant shōmyō de la liturgie bouddhique) et obsession mathématique autour de la symbolique du nombre treize. Remués et fascinés, nous prenons congé de l’ange déchu qu’est Lucifer.

Dans l'église St Paul, éclairée de rouge chatoyant, apparaissent les capucins chanteurs, cagoule ou capuche masquant leurs visages, de blanc et noir vêtus. De la tribune résonne l'orgue magistral, impressionnant Une cage occupée par un corbeau est brandie, signe de maléfice ou de mauvais auspices? Malheurs ou menaces pour ces moines chaussés de sabots, murmurants, se signant pour conjurer le sort en de micro gestes très précis, chacun le sien pour devenir statue, personnage dans une mise en scène d'arc en fer à cheval, parmi les spectateurs, les entourant et créant une proximité troublante! Comme un rituel d'une secte Klu-Klux Klan, redoutable ; les sabots martèlent le sol sur leur estrade de défilé et font partie intégrante des sources des percussions: trouvaille insolite pour cette galerie de portraits, devant nous, biblique, christique qui psalmodie et susurre à l'unisson: des hommes essentiellement éructent des sons rauques d'agonisants, des râles languissants , oppressants. Des clochettes bordent de leur sonorité bien timbrée, cette procession intrigante, énigmatique. Des chants de messe, sorte d’hallali pour cette "messe noire" où le ton monte, menaçant, en puissant crescendo, ponctué par les résonances des sabots pétulants.Les sabots du diable omniprésents brûlent les pieds des moines qui s'agitent comme pour les ôter! Les "cris du monastère", messe terrifiante intimidante envoûtent, sorte d'iconographie voisine des danses macabres, des crécelles de bois insolites claquent dans l'espace comme des coups de fouet. Instruments de la passion? Des soupirs de satisfaction, de jouissance érotique, languissante sourdent des lèvres des officiants: extase, nirvana ou paradis perdu: le son des voix se plie, enfle, se courbe, chute évanouissement , malaise comme en pâmoison. Orgasme interdit pour ce clergé en ébullition!
 Le bois résonne, matériau fondamental pour cet opus; un cor de chasse fait irruption pour la curée de cette chasse à courre pécheresse. Une sorte de prêche japonisante de sumo pour cette cérémonie de sacrifice, culte diabolique, en transe et possession.
Puis c'est le défilé des chanteurs, procession dans une ronde folle, hystérique, une course, fugue dans le chaos des sabots. L'enfer dans ces égarements de moines perdus, ces divagations endiablées, sataniques, ces plaintes de douleur ou de défi vocal à Satan. Prostration aussi des corps immobiles, médusés, fascinés par le diable, ce Lucifer qui plane sur l'oeuvre et la rend fascinante.
Joutes dans l'espace, prières grimaçantes, la charge des péchés, ici symbolisée par l'apparition d'un sac chargé des maux du monde...qui tombe des cieux agacés, coléreux.C'est pasolinien en diable et teinté d'humour et de distanciation! Menaces de l'orgue qui plane et couvre cette parodie de culte païen. On "satan" au tournant dans cette volière, cet ensorcellement, cette déraison envoûtante, cette foule en délire qui hurle et manifeste, possédée. C'est aussi la fraternité dans cet ordre ecclésiastique, ces embrassades dans cette nef des fous qui s'ignore!
Sabbat de sorcières, blasphème initiatique, chœur d'hommes voués au paganisme dans un rituel maléfique à la fois joyeux et féroce!
Les moines nous entraîne hors les murs, in situ sur le parvis de l'église, où, en cercle, le rituel redémarre de plus belle. Tour à tour sur une estrade, le sacrifice de noix de coco lancées qui se brisent au contact du sol,devient communion et l'on reçoit l'hostie des mains des chanteurs avec respect et dévotion. Des cris de corbeaux en rafale inquiètent, menacent, les fous dansants s'agitent comme manipulés par des forces extérieures, démoniaques.Sur le seuil de l'église, devant le porche, la porte de l'enfer,demeure seul le sonneur de cloche, annonçant l'apocalypse et la descente aux enfers.
Du Stockhausen ébouriffant, iconoclaste en diable, magistral, comme une fresque de danse macabre où l'on perd ses repères. La direction artistique de Maxime Pascal opérant au quart de tour pour cette mise en espace unique et originale. L'ensemble "Le Balcon" épousant au plus juste cette performance hallucinante qui laisse pantois, médusé, tétanisé de peur et d'émotions multiples!
Un théâtre liturgique pour ce "samedi" d'un cycle d'opéra pas comme les autres!


N° 34, le 3 octobre à 20h30 en l’église Saint-Paul, à Strasbourg