mercredi 21 novembre 2018

"Réparer les vivants" et "penser" les morts ! Un opus qui vient du coeur !


D’après le roman de Maylis de Kerangal - Version scénique et mise en scène Sylvain Maurice - Avec Vincent Dissez, Joachim Latarjet - Assistanat à la mise en scène Nicolas Laurent. 

Réparer les vivants est un roman de Maylis de Kerangal, paru en 2014. Au retour d’une mémorable séance de surf dans la banlieue du Havre, trois amis ont un accident. Simon Limbres, dix-neuf ans, est en état de mort cérébrale. Ses parents doivent faire face à cette tragédie et à une question qui s’impose dans l’urgence : acceptent-ils que les organes de leur fils soient « donnés » ? Le metteur en scène Sylvain Maurice, le comédien Vincent Dissez et le musicien Joachim Latarjet nous entraînent dans un récit haletant, à la fois épique et philosophique, qui nous fait suivre le chemin du coeur vers un autre corps, à travers les yeux de la famille du défunt et des équipes médicales.


Décor noir, car c'est "dans la boite noire d'un corps de vingt ans" que se déroule l'odyssée passionnante, l'histoire d'un coeur en vadrouille d'un corps à l'autre. Cliniqie, organique, le texte va bon train à travers les mots, les gestes du conteur narrateur qui s'empare du récit. Tapis roulant que ce destin qui avance et dont il devra remonter le cours: petite danse merveilleuse, combat envolé sur ce sol glissant, rappelant la vague qui se dérobe sous les pieds et la planche du surfeur! Jolie métaphore esthétique et parlante, dans ce dispositif où se niche le musicien qui accompagnera, soutiendra ce conte du XXI ème siècle, épopée de la jeunesse furieuse, en proie à un sport aux frontières de la mort. As de coeur que va tirer au jeu de cartes une receveuse, demandeuse de greffe de coeur!

 Chacun des personnages qui interviendront dans cette histoire peu banale est décrit sur son passé et dans cette course contre la montre, en dernier ressort, c'est la vie qui prendra greffe.
La performance de Vincent Dissez est remarquable, conteur, diseur de cette bonne aventure où l'on apprend aussi beaucoup de chose sur le monde médical!
Joachim Latarget pour la résonance musicale à toutes ses ambiances, à toutes ces intrigues rebondissantes, et la pièce gagne en tension, suspens.

Au TNS jusqu'au 1 Décembre


mardi 20 novembre 2018

"What do you think" : Georges Appaix en W : quitte ou double V ! W comme Wonder, la pile !


Coproduction POLE-SUD, CDCN 

A quoi tu danses ?


 Le voici parvenu à la lettre W de son abécédaire chorégraphique. Et Georges Appaix de s’interroger avec ses remarquables complices : « qu’en penses-tu ? » Musiques, danse et parole, tout est prétexte à déjouer les pièges du langage, à basculer dans les ressacs du mouvement et de la pensée. Car ici les interprètes n’ont pas leur langue dans la poche – ils en parlent plusieurs – et les écarts de sens leur donne bien du fil à retordre et de jubilatoires façons d’agir.
Sa dernière création, What do you think ? [Que penses-tu ?], se joue ainsi sur le rythme des phrases. Le rebond des interrogatifs, la plongée des exclamations… Avec six danseurs et interprètes qui s’échangent et se communiquent, par la parole et par les gestes. Tout d’abord, dans le prolongement direct du spectacle Vers un protocole de la conversation, il y a le couple Melanie Venino et Alessandro Bernardeschi. Lequel est rejoint par Carlotta Sagna, qui prend alors le relais de l’échange verbal. Ils se parlent en français, chacun avec l’accent d’une autre langue. Apprenant à se connaître, ils s’enthousiasment, s’interrogent, se questionnent.

A quoi tu danses ? Qu'est-ce que t'en danses ?

Un jeu subtil démarre sous une guirlande de projecteurs et quelques suspensions lumineuses...Georges donne un coup de pédale, histoire de charger les batteries de téléphone portable comme le font les jeunes dans les halls de gare...Et ça marche, de marche en démarche, chacun pense la marche pour de vrai, en "corps" et graphie débridée, joyeuse, insouciante Le verbe prend la parole et le pas sur la danse tourbillonnante de trois d'entre les six personnages sur le plateau. Nus pieds, cette "jeunesse" se lâche, tour de tête en poupe, relâchés, attraction aspirante vers le haut ou le bas.Dans un phrasé, une syntaxe claire, pleine d'humour, des parenthèses et ponctuation, proche de l'écriture livresque. Timide jeune homme qui se découvre cet état de corps, ou pince sans rire d'une longue femme étonnée, questionnante- Carlotta Sagna désopilante, mûre et innocente à la fois-...
 Comme prise en faute d'orthographe ou déni de prose, chacun exprime verbalement ses interrogations, constatations ou découvertes." Faire dire au corps ce qu'on voudrait écrire" dans cette danse qui se love, s'enroule, les corps ouverts, se "délivrant" , livres ouverts sur le monde, pages blanches, volubiles, stabiles. De l'"Arte Povera", sans doute, dépouillé, fait de planches de bois, de totems sans tabous, construction charpentée, pour édifice provisoire!
Et Georges de redonner un coup de dynamo, un souffle de roue de vélo à la Duchamp, et ça danse jerk à toute berzingue pour cette jeunesse affolée de désir, de mouvements débridés.
Deux duos en miroir qui s'imitent, l'un hésitant et drôle sur la danse de couple, l'autre plus abstrait , révèlent ces comédiens danseurs, qui passent de l'un à l'autre sans filet.
Un petit slow par là dessus, des chaises qui se dérobent sous les corps, à peine le temps de s'y poser...Corps armature, poutres et colombages pour évoquer l'édifice qui se construit devant nous, plein de clairs-voies, de claires voix qui causent, jasent et jazzent sous nos yeux.
Ca balance pas mal à W, double V à l'unisson de ce manifeste de la Joie, façon Nietzsche. Un petit Bashung étoilé au firmament du bonheur pour faire se mouvoir ces corps qui pensent et dansent sans cesse Un dernier coup de pédale en danseuse, de beaux collages musicaux très galvanisants, une musique sud-américaine, avec couples et talons hauts et on déroule le tapis bleu, derrière une accumulation de chaises à la Armand. Ca fuse et ça réjouit, chacun y va de son texte ou de sa danse, à sa façon
Au final se dresse un tandem, figure de proue de ce grand navire, contre le souffle d'un ventilateur: on prend du recul, du champ, Duchamp et on recommence éternellement, alors que sur l'écran d'un moniteur, la neige grouille
Quelles belles embrouilles dans ce chassé-croisé sempiternel entre mots et merveilles, entre homme loquace et femme agacée, touchante de sincérité
Pas de langue de bois dans cette forêt où les clairières savent accueillir les fées, leurs faits et gestes insolites et pourtant si naturels!
La valeur attend le nombre des années et chaque pièce d'Appaix sait renforcer sa pensée musicale et chorégraphique, sans rien imposer. Suggérer à travers des personnages incarnés, la pertinence de la danse, médium multiple par excellence et par essence.

A Pole Sud, les 20 et 21 Novembre

Et que dit Perec dans "W" sinon d'écrire des "points de suspension" sur la trame de l'écriture.....
Er lire "Vous dansez" de Marie Nimier !

"La vie en danse" de Cecile Guibert Brussel et Julie Guillem


La danse est le propre de l'homme. Depuis la nuit des temps, on danse sous toutes les latitudes, pour honorer les dieux, pour séduire un/e partenaire, pour se défouler, pour offrir un spectacle. Du flamenco à la salsa, du tango au hip-hop, du ballet de l'Opéra à Martha Graham, ce livre dresse un panorama de la diversité des danses du monde : chorégraphes, danseurs, spectacles ou films cultes... On y retrouve surtout des hommes et des femmes qui ont tout voué à cet art magnifique.
La vie en danse