dimanche 21 juillet 2019

"Vive le sujet": c'est le cas de le dire ! Séries " 3 et 4

20 ans de "sujet à vif" du "vif du sujet" pour ne jamais changer de cap : rester à vif, tendu, dans le champs des nouvelles écritures indisciplinaires: au début la danse , aujourd'hui les arts mêlés au gré de la créativité, de la verve et des marges.
L'édition 2019, intitulée "vive le sujet" en est bien la preuve par 8 !! par neuf, du tout neuf...Et la SACD de piloter l'affaire avec conviction, audace et détermination!

Série 3
"Comme la France est belle !"
Monnaie de singe !
Quand Gustave Akakpo sur un plateau nu joue au docteur de la langue française, face à un trublion, en sandales de bois, claquant au sol, jouant le trublion de fête, voilà que ça dépote! Menant son compagnon de route par le bras comme un singe savant, Frédéric Blin s'en donne à coeur joie pour vociférer contre le franglais, comique décalé, toujours très prévenant malgré des audaces verbales sur le fil ! Baron perturbateur de ce jeu de pas dupe, il mène la danse et frappe haut et fort là où ça fait mal dans le champ linguistique de l'"incorrect . Du grand guignol très classe pour un pamphlet sauvage sur le non dit avec tac ou incorrection, à vous de choisir votre camp d'interprétation.

"Garden of chance"
Jamais un coup de dé n'abolira le hasard!
De la magie, pince sans rire, jeu de hasard médusant où le public est convié à performer avec les deux protagonistes, Kurt Demey et Christian Ubl
Sur morceaux de pelouses, deux acolytes en costumes neufs, étiquette encore en vue ostensible, construisent des univers de jeu de hasard sur des "parce que" qui rythment mime et danse sur fond de musique glamour: ils se manipulent inspirés par la capoeira, le contact et autres gestes très directionnels, pour un duo détergent, une petite danse en slip autour de ce jardin de la chance où les "mistrals gagnants" sont des photos déchirées qui circulent et reconstituent miraculeusement le monde comme par magie, les yeux bleus grands ouverts sur le monde hormonal qui fait vibrer les êtres et les inspirent d'une participation audacieuse à des jeux de hasard trop souvent déconsidérés!

Série 4
"Ce jardin"
Massages pas sages
Ina Mihalache et Madeleine Fournier se livrent ici sur un plateau nu, à un exercice très esthétisant de numéro, séance d’ostéopathie en direct pour deux bêtes à deux dos. Belle sculpture kinésiologique, faite d'appuis, de bascules, de contact et manipulations.C'est beau et l'on se prend à se glisser dans cet aggloméra de corps maculés de peinture bleue comme pour mieux marquer les empreintes des appuis, impacts et bienfaits de l'une sur l'autre. Comme une compression vivante à la César, les deux femmes s’emmêlent, se fondent en un tout , corps soudés,mordenseur du dentiste qui scrute les impacts de l'énergie sur les mâchoires avec ce bleu Klein, trace et signe du passage à l'actes. Ca pétrit la matière vivante, laissant place au temps et au désir, faisant trembler l'estrade, en un tango thérapeutique salvateur!


"Sa bouche ne connait pas de dimanche" (fable sanguine)
Porcus Déi
Quand le fou marginal, Pierre Guillois, rencontre la femme bouchère débarquée au village, Rébecca Chaillon, c'est de chair et de sang, de foie dévoré sur scène, de nudité et de crudité qu'il faut parler!
Sur tapis rouge et blanc carrelé comme à la boucherie, dans un bain de piscine, tout baigne dans le vif du sujet pour cette anti Vénus callipyge en proie à la cruauté humaine.Quand l'un raconte sa rencontre avec son bourreau gentiment pervers, l'autre se répand en propos désopilants, tablier en cote de mailles, saucisses au poing qu'elle fait griller au barbecue. Un vrai cochon comme animal de bonne compagnie.Le fou se macule de bandes bleues, centaure païen, s'arrose de matières roses dégoulinantes, devient figure de piéta? tas de barbaque bouchère, Christ  dans les bras d'une mère nourricière sans foi ni loi!
Pas de "quartier" pour ce conte de fées trivial, détartrant, décapant à souhait dans une verve et une poésie cruelle digne d'un Artaud féminin, mené de mains de maitre par ces deux escogriffes du non conventionnel ! Une pièce de bouchère à se mettre absolument sous la dent!
Vegan et végétariens, ne pas s'abstenir!


mardi 25 juin 2019

"Les Rencontres d'été de Musique de Chambre" de L'Accroche Notes: on s'accordéon bien en robe de chambre!

Les Rencontres d’Eté de Musique de Chambre sont aussi l’occasion de présenter des œuvres contemporaines du répertoire ou des créations. Ainsi en 2019 sont programmés Olivier Urbano, Pascal Dusapin, Edith Canat de Chizy, Thierry Escaich (création française), Walter Zimmermann (création)…
Lors de cette dix-neuvième édition, l’Ensemble Accroche Note sera le premier soir en trio avec Marie-Andrée Joerger, accordéonniste, puis accueillera le quatuor à cordes Adastra lors du deuxième concert. Les musiciens de Plage musicale en Bangor rejoindront l’Ensemble Accroche Note pour clore cette événement.

Mardi 25 Juin

Luis de Pablo Puntos de Amor pour soprano et clarinette (1999
La somptueuse voix de Françoise Kubler installe d'emblée le ton de la soirée, entraînant dans son sillon son partenaire complice: cette voix qui semble tout droit sortie de la clarinette, qui sourd et coule de source dans une litanie précieuse et distinguée.
Un beau dialogue, oiseau chantant, luttant contre le timbre assuré de la voix.L'opus est fort contrasté entre fougue et douceur, dans de belles envolées lyriques en vocalises. Pépiement de la clarinette qui fait sa "démonstration", instrument qui fait le beau, en parade virtuose! Course folle contre la montre, contre le tempo: qui vaincra? Le basson vient calmer la donne en trémolo plaintif, votif.

Thierry Escaich Prélude et fugue pour accordéon seul (2019) création française
Elle fait bloc, fait corps avec son instrument, en sort des sonorités d'orgue ou d'harmonica. En secousses ou en continu, en mélopée ascendante, un peu "latino", en gamme survoltée.
La dextérité de Marie Andrée Joerger est impressionnante, son aisance à manier le souffle de l'instrument laqué, miroitant sous les projecteurs, séduisante.La respiration laquée, nacrée du soufflet comme un poumon qui se vide ou se remplit, la fait tanguer, danser, épousant la musique en accord.

Olivier Urbano Betlehem Doloris pour clarinette et accordéon (2002)
Les accents orientaux de la clarinette donnent des airs de charmeur de serpent à Armand Angster qui trace ainsi de lointains paysages dans l'espace.Nostalgiques mélopées yiddish, plaintes et frémissements garantis.Des mouvements vifs et relevés, en cascade de notes: un duo en osmose où les deux instrumentistes se poursuivent, se doublent, se rattrapent en envolées stimulantes.Très dansante, tourbillonnante cette pièce, rythmée, scandée, répétitive va son  train d'enfer vers une destination inconnue! Avec des accents de lointaines contrées et un petit air de famille avec Michael Nyman ou Mérédith Monk.....

Carl Maria von Weber Cavatine du Freischütz pour soprano, clarinette et accordéon (1821)
La belle voix de Françoise Kubler prend ici toute sa dimension lyrique, entraînant dans sa lignée ses partenaires.Voix épanouie, pleine, mouvante et envoûtante, riche en émissions sonores inattendues et flatteuses.

Eric Dolphy God bless the child pour clarinette basse (1961)
Tsunami en prologue, déferlante de notes ponctuées, en reprise régulière...Insistante, la mélodie réapparaît, se dissimule comme un leitmotiv qui joue à cache-cache. Jazz déstructuré, revisité à l'envi.Entêtante, pugnace et déterminée;
 De belles vibrations pleines, des envolées et tout reprend pied et s'enrichit des variantes, lancinantes ritournelle qui déroule des notes en collier de perles, les éparpille Au final, une lente marche étouffée, grave et solennelle libère toute la prestance de l'instrument inquiétant et impressionnant.
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Manuel De Falla Quatre chansons populaires pour soprano et accordéon (Asturiana – Jota – Nana – Polo) (1915)
On ne va pas s'en priver de ses accents espagnols, andalous et voici chant et accordéon au diapason, comme pour une corrida musicale: de lamentations mélancoliques, délicieuse et gourmande mise en bouche, on se régale puis c'est la femme hautaine sûr d'elle, majestueuse qui s'exclame, s'impose dans de beaux mouvements dansants, sautilles, enjoués. Un beau jeu d'actrice , femme déterminée et puissante! La séduction opérant entre deux amants, pour laisser place à la berceuse puis à la fougue de l'accordéon, force et conviction dans le jeu!


Walter Zimmermann Sarganserland pour voix, clarinette et accordéon (2019) création
Belle surprise que cette "grisaille" : on songe à Offenbach et sa Péricole 
"Si ma parole est un peu vague, Si tout en marchant je zigzague, Et si mon oeil est égrillard, Il ne faut s'en étonner, car... Je suis un peu grise, un peu grise.Mais chut! Faut pas qu'on le dise! Chut! 

"Je me dégrise lentement" : à nouveau un terrain propice pour Françoise Kubler, à cultiver ses talents de comédienne:lente hésitation, dodelinant de la tête sans exagération, tout en finesse et suggestion, la voix se glisse à travers les failles de la "griserie" et trouve son chemin en tâtonnant, discrètement Ses compères la portent, l'accompagnent , complices, receleurs du secret de cette voix comme dans un cabaret allemand, berlinois... Chancelante et en déséquilibre, en buveuse qui articule, prononce pour ne pas perdre le poids des mots, les appuis de la mélodie. Elle cause, loquace, fébrile, intranquille mais garde la face!
Comme pour nous délivrer un secret: puis, oh, miracle, elle retrouve la possession de son instrument: sa voix refait surface, ses deux partenaires l'ayant transportée jusqu'à l'ivresse puis la décompression. Ils la dégrisent, l'encouragent à sauter le pas. La voici délivrée, libre d'émettre hors de ce ton confidentiel et confiné par l'alcool. Elle chante, se livre, se lâche ou se retient encore histoire d'expérimenter le confort et l'assurance retrouvés. Sensuelle et envoûtante prestation. La voie est libre ! En présence de Walter Zimmermann lui-même signant cette dédicace à l'ensemble !

Un concert brillant, plein de sursauts, de brio, de surprises digne de la démarche de l'Accroche Note", en robe de "chambre" pour notre plus grand plaisir intimiste au coeur du temple du Bouclier...
Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette / Marie-Andrée Joerger, accordéon

Thom Browne danse en 2020 !