jeudi 13 février 2020

"Douceurs et sentiers rugueux": Pascal Dusapin:rameaux,racines et nervures musicales....

A l'occasion de la sortie de son nouveau CD chez TAC, l'Ensemble Accroche Note, en collaboration avec le Conservatoire de Strasbourg et la HEAR, organise une journée consacrée aux oeuvres de Pascal Dusapin. Cette journée se déroulera autour de différents moments forts (masterclasses, colloque...) et se clôturera par le concert monographique "Douceurs et sentiers rugueux", en présence du compositeur !

Mercredi 12 février - Cité de la Musique et de la Danse, 20h
➡️Concert monographique / Douceurs et sentiers rugueux
Avec la participation de l’Ensemble Accroche Note et des étudiants de la HEAR et du Conservatoire



Au programme :

 "Trio Rombach" pour clarinette, violoncelle et piano 1998
Le temps s'étire, ruiselle du piano, en sacades, dans la briéveté des sonorités egrenées. Joyeuse sarabande enjouée, les tonalités s'y mélangent, se confondent dans une belle vivacité. Des acalmies en contraste viennent déposer sérénité et recueillement, le piano en touches syncopées: on avance pas à pas dans l'opus, hésite, virevolte au passage: le violoncelle se lamente dans les sons graves, puis la fulgurance irrésistible du piano, libérée, irradiante fait du morceau une oeuvre brutale, rude, abrupte mais pleine d'un charme ardu et déroutant.

"Etude pour piano n°6" 2001
Hongye Lie se joue des difficultés pour cette œuvre où le piano s'écoule, s'égoutte, libre, fluide , evanescent, liquide: ses mouvements de tête et de corps accompagnant le tumulte évoqué dans de belles accélérations.

 " Wolken" pour soprano et piano 2014
La tête dans les nuages, l'écoute au zénith pour apprécier voix et piano, complices: mélodie en allemand, récit animé, doux et tendre évocation de ce qui s'évapore dans l'éher pour l'éternité. Conviction du chant, inquiétude du piano, suspens des doigts de Latchoumia, véritable félin, musicien de la retenue, de la suspension... Félins pour l'autre, avec Françoise Kubler, digne interprète de Pascal Dusapin. Le piano, pas à pas, touche par touche, note à note; dans des aigus raffinés et périlleux, la chanteuse progresse dans des phases plus graves, périodes plus amples où son timbre retenti, déployant toutes ses possibilités vocales. Beaucoup d'émotion dans cette interprétation qui laisse le temps suspendu et rêveur.

" Etude pour piano n°4" 1998/ 1999
Tempo alerte, vif argent, virtuosité des rythmes, rapides, fugaces, mouvants, lancés au vol, déferlants dans une tourmente, tempête qui distille les résonances et échos...

" By the way" pour clarinette et piano 2012/ 2014
Entre vivacité et recueillement, les notes se rattrapent au vol, s'enflamment, sautent, jouent à cache cache: la clarinette franche et acerbe, acidulée, piquante et pimpante en accord avec les notes du piano en onctueuse bordure. Clarté et finesse des sons pour ouvrage très stylé

" Canto" pour voix, clarinette et violoncelle. 1994
 Un trio de chambre et de charme où la voix s'intègre menant au bal sacré d'une mélodie spirituelle très marquée.La voix de Séverine Wiot, comme un enchantement, chaleureux, ample et riche de résonances et fréquences éclatantes. Un chant de toute beauté vécue et ressentie, passeur d'émotions , incarné, à la tessiture épanouie, mure, ample. Du bonheur partagé !

" Beckett’s bones" pour soprano, clarinette et piano 2016
Un récit plaintif, en anglais, a cappella souvent, discrètement soutenu par piano et clarinette. La chanteuse se pose, s'affole, hurle fortement, se fait et se taille une place prépondérante dans ce trio : de belles vibrations et fréquences d'une voix désormais légendaire de Françoise Kubler: accompagnée de façon rare et précieuse par ses compères et complices de toujpurs pour le meilleur d'un hommage-rétrospective du compositeur Pascal Dusapin, au parcours ramifié de tant de créations rhizomes et tronc commun d'une oeuvre magistrale !

A l'auditorium de la cité de la musique et de la danse le 12 Février






Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette / Christophe Beau, violoncelle / Wilhem Latchoumia, piano Etudiants de la HEAR et du Conservatoire. Hongye Liu, piano / Pierre Rouinvy, piano / Severine Wiot, soprano / Sebastian Cortes, clarinette / Juliette Tranchant, violoncelle. Direction du travail des étudiants : Amy Lin et Françoise Kubler.

Mathilde Monnier, David Le Breton, Irene Filiberti : "Déroutes, ou la marche en danse": Avance !

"Avance" ! disait Jerome Andrews....

Pas un pas sans.....
Ne loupez pas une marche dans ce cycle de trois rencontres...Autour de "la marche" !
Deuxième rencontre avec David Le Breton (sociologue) et Irène Filiberti (dramaturge et critique) autour de Mathilde Monnier.
"Ca marche" dit-on communément pour signifier  que ça fonctionne et que tout est au point...On est d'accord et ça "roule", on n'est pas d'accord politiquement avec "être en marche" mais on marche pour le signifier en manifestation de rue..On marche, content ou pas ! Un clin d'oeil plein d'humour de la part de la chorégraphe qui inaugure ce deuxième set du cycle de rencontres à la BNU.

David le Breton nous fait part des écrits d'une conférence inédite sur la danse, cet esprit d'enfance, inutile discipline, improductive mais si ludique, bien loin du profit et de la rentabilité. Homo ludens avant le sapiens, le danseur est dans le jeu, comme le danseur Zorba le Grec, fou de danse libératoire qui "écoute de la tête aux pieds" son corps mouvant. Du roman de Kazantzakis "Alexis Zorbas", David Le Breton pose la question de la danse imminente, évidente, expression.
Se parler en dansant, aussi...Les danses traditionnelles obéissent aussi à cette nature instinctive, collective et sociale, danses de solidarité du moi, soi, et du cosmos...Un présent des dieux, en cérémonie rituelle: "nous autres", danseurs, mystère pour le sociologue qui émerveillé par l'art chorégraphique, laisse la parole à Mathilde, pour exposer cette "exploration des possibles des corps", cette échappée belle, ce savoir en marche, cette danse qui touche, dessous la peau du monde, protestation contre l'humanité "assise": l'étoile dansante" de Nietzsche veille: mon corps est dans la jouissance du monde !

"Irène Filiberti nous invite à un panorama de la marche dans la danse, celle qui dépasse l'ordinaire, celle de Cunningham, explorant faits et gestes, bruits et sons du quotidien.


 Steve Paxton, réinvente la danse au sein du Judson Dance Theater avec "English" ou "Some sweet day"où l'on marche , on brise le cadre de scène, on ne normalise plus: on traverse de cour à jardin avec des non danseurs, quitte à frustrer le spectateur dans cette "déception des attentes" de la virtuosité canonique des corps dansants..Jerome Bel au premier rang de cet héritage ! Des mouvements de "vide", étrangers à la danse, décontractée et cependant pleine d'une autorité revendiquée: danser, marcher, affirmer le rythme au coeur des corrps se mouvant au quotidien dans la nécessité.


Trisha Brown prendra le relais avec son "Man wolking down" où la marche sans la gravité, sur un sol, surface verticale, défie les lois du temps, de la pesanteur et engendre une marche inédite, lente et équilibriste: du jamais vu sur les parois du "Walker Art Center"....Beaucoup d'efforts pour initier une tache banale, un "acte de mouvement", transfert du temps et de l'espace; une marche quasi d'astronautes à la verticale..

Hommage à Samuel Beckett avec son quatuor "Quadrat I et II ", marche tête baissée de quatre créatures voilées en mouvements qui s'épuisent, disparaissent dans des parcours, trajets et accidents troublants: ce pas inutile, infini du mouvement reconduit..Absurde déambulation fantomatique, réglée au milimètre dans une errance dont Maguy Marin s'inspirera pour "M Bay"....

Au tour d'Odile Duboc et ses "vols d'oiseaux" ses danses in situ qui convoquent l'ordinaire, en décalage léger avec ses "Fernands", personnages banals placés dans l'espace urbain, démultipliant les attitudes et poses communes, en faisant des surprises dans le bain quotidien des cités endormies. Marches dans les rues, flux et circulations dans des postures et positions ordinaires des passants de l'aléatoire. Ces "aventures buissonnières" du présent, de l'éphémère incluses dans ses "Trois Boléros" où la marche scande le rythme sempiternel de l'oeuvre de Ravel: un nouvel éclairage sur la démarche à suivre, rupture des conventions et des esthétiques: du banal au quotidien, c'est bien "déroutant" !


A Mathilde de prendre le relais de cette marche olympique, témoin et flambeau, passation d'expériences vécues par le vecteur du corps. Omniprésent !
L'immersion dans "le désordre intérieur", catastrophe intime et sociale: marcher pour se rétablir dans son rythme, pour se tenir droit, se réconcilier dans ce chaos de la scénographie en mouvements de son opus "Déroutes"...Tout avance, l'espace progresse, s'ouvre, augmente, fondant, révélant un état du monde: on y marche même "hors champ", dans les coulisses avant de regagner le champ du plateau: comme au cinéma où l'on ne perd pas le fil d'un déroulement sempiternel des images, plan séquence, visible, invisible, jamais "coupé", brisé, interrompu... Mécanique, horloge du temps, "Déroutes" est un acte posé, manifeste en son temps du parcours mouvementé des écritures chorégraphiées, multiples de Mathilde Monnier.
Et la "danse chorale" dans tout cela? Avec les "Lieux de là" , la "marche collective" fonctionne aussi dans les vécus de ses collectifs évoqués; une "longue marche" non héroïque, simple et jubilatoire...
Une marche à suivre, pas à pas, ni à reculons ni marche arrière, une "démarche" intuitive autant que réfléchie dans les plis de la pensée en mouvement. C'est tout "Mathilde" !

"Avances" disait Jerome Andrews: les "assis" en état de siège n'ont qu'à bien se tenir...Ici, ça bouge énormément !

Prochaine rencontre avec Bruno Bouché (chorégraphe et directeur du Ballet de l'Opéra du Rhin) et Gérard Mayen (journaliste et critique), prévue le  3 mars 2020, portera sur les usages et pratiques de la marche dans l'histoire de la danse, la philosophie et, plus largement, les sciences humaines.

Ce cycle de conférence "Déroutes ou la marche en danse" a comme objet de déplier les enjeux esthétiques, politiques et historiques à partir d'un geste élémentaire : la marche. Ce thème qui s'inscrit dans l'histoire de la danse contemporaine à travers des forces militantes, politiques mais aussi dans une multitude de gestes créatifs, d'expérimentations et d'explorations artistiques, sera l'occasion de trois rencontres qui mettront en dialogue Mathilde Monnier avec des invités venus d'horizons différents.

mardi 11 février 2020